Palais du Midi UN MARÉCAGE POLITIQUE par Gwenaël Breës

Bâti en 1874 sur des terrains humides entourant un bras de la Senne, le Palais du Midi doit sa naissance à l’urbanisation de ce morceau de la ville au moment où la Station des Bogards (sur l’actuelle place Rouppe) est déplacée à Saint-Gilles, de l’autre côté de la seconde enceinte de Bruxelles, pour devenir la Gare du Midi.

Sur cette parcelle d’un hectare, est bâti cet édifice néoclassique (qui comprend des références à la Grèce Antique) en deux parties égales, séparées par un passage couvert central. D’abord appelé Bazar du Midi puis Cité Rollin, il est initialement voué à accueillir des foires commerciales, des expositions internationales et un grand marché couvert… à l’image du Marché du Temple à Paris dont il est inspiré, ou des Halles Centrales construites à la même époque sur un autre morceau asséché de la Senne à deux pas de la Bourse.
Des écoles et des administrations viendront plus tard s’y installer, et dans les années 1950 des activités sportives y seront accueillies régulièrement jusqu’à devenir la principale raison d’être du Palais du Midi tel que nous le connaissons aujourd’hui. Le prochain numéro d’Amour & Sagesse, qui sort samedi prochain pendant La Nuit de l’Amour / Lancement de Saison aux Halles de Schaerbeek, comprend un article qui retrace l’histoire de ce bâtiment hors du commun.

Photo : Inter-Environnement Bruxelles

Mais ce lundi 25 septembre, une ordonnance spéciale est inscrite à l’ordre du jour de la commission du Développement Territorial du Parlement bruxellois.
Vendredi 29 septembre, elle sera votée en plénière. Son but ? Créer une procédure raccourcie de demande de permis de bâtir permettant de démolir l’intérieur du Palais du Midi. Oui, vous avez bien lu : à Bruxelles, en 2023, un gouvernement dit progressiste met en place une “procédure exceptionnelle” pour démolir un bâtiment emblématique, sans considération ni pour sa valeur patrimoniale matérielle et immatérielle, ni pour tout le quartier déjà malmené dont il constitue un poumon.
Selon la majorité régionale (PS, Groen, Ecolo, DéFI, OpenVLD, Vooruit), cette précipitation à vouloir renouer “exceptionnellement” avec l’urbanisme destructeur des années 1960 s’impose afin de “rattraper” la monumentale faute qui a consisté, en 2019, à précipiter la délivrance du permis d’urbanisme visant la construction d’une station de métro sous le Palais du Midi. En effet, le béton n’a pas pris aussi facilement que prévu : nos ingénieurs et élus avaient sous-estimé la nature marécageuse du sol à l’endroit où coulait la rivière… ce que la réalisation d’études plus poussées, ou la simple prise en compte de la géologie, ou encore l’écoute des avertissements faits à l’époque, leur aurait pourtant permis de réaliser.

Aujourd’hui, le débat devrait porter sur la responsabilité politique de cet échec et des sommes colossales versées à des entrepreneurs privés pour réaliser un chantier inutile. Le débat devrait porter sur toute alternative permettant d’éviter la démolition du Palais du Midi, et il en existe.
Le débat devrait porter sur l’intérêt de poursuivre ce chantier, alors que toute la partie nord de cette future ligne de métro semble condamnée tant elle apparaît de plus en plus impayable avant même le premier coup de pioche.
Mais non, le débat va porter… sur une procédure accélérée de permis de démolir.
Et nous verrons qui, parmi les parlementaires bruxellois, va lier son nom à l’histoire, ici renouvelée, de la bruxellisation.

Gwenaël Breës avec l’aimable autorisation de l’auteur

 

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