PETITES NOUVELLES DU FRONT ET DES ÉCOUVILLONS

Ce n’est pas moi qui vais reprocher aux autorités scientifiques et aux médias de changer parfois d’avis.
Confronter une théorie à la réalité, la corriger, la réévaluer, c’est le fondement même d’une démarche scientifique. Et c’est souvent ce qui la distingue du dogmatisme le plus borné. C’est cette modestie qui lui permet d’évoluer, de se parfaire, et de faire preuve de sa pertinence comme de son efficacité.
Mais pour que cette démarche soit scientifiquement fondée, il faut au moins que la discussion soit socialement possible. A défaut, le soleil continuerait à tourner autour de la Terre, et Galilée se retrouverait à jamais et pour l’éternité en prison.
Car la “vérité” de demain ne sera pas celle d’aujourd’hui, et encore moins celle d’hier.
Il est donc étrange pour moi de lire à présent, dans la presse “mainstream”, comme autant d’incontestables “informations”, des questions et des analyses que j’avais lues, il y a plus d’un an, sur des supports beaucoup plus confidentiels.
Par exemple, qu’une personne “vaccinée” pouvait continuer à porter et transmettre le virus (mais alors, pourquoi imposer un “Pass” vaccinal qui conduira à une réelle ségrégation sociale sans bénéfice sanitaire avéré ?).
Par exemple, qu’un vaccin “ciblé”, face à un virus hautement mutagène, devra probablement être régulièrement renouvelé, comme le vaccin saisonnier contre la grippe. Avec la “troisième dose” annoncée ici et là face au variant Delta, on emprunte aujourd’hui le chemin balisé d’un tel “abonnement vaccinal” (mais alors, pourquoi cette promesse d’éradiquer la maladie en une ou deux piquouzes, pour retrouver bientôt “la vraie vie d’avant” ?).
Ou encore, qu’un “Pass” vaccinal, électronique et obligatoire, conditionnerait bientôt tous nos déplacements intimes, professionnels, récréatifs et familiaux (car les autorités politiques juraient jusqu’il y a peu, la main sur le coeur, que cela ne se produirait jamais).
Oui, mesdames, messieurs, tous ceux qui affirmaient cela, il y a un an à peine, étaient de sombres fabricants de “fake news”, qu’il fallait sans tarder brûler publiquement en place de grève.
On avait même inventé un mot pour cela : “complotisme”.
De quel complot s’agissait-il ? Mystère. Personne jamais ne le sut.
Mais l’épithète seul discréditait définitivement tous ceux qui en étaient affublés, aussi efficacement que la crécelle ou la cliquette du lépreux. Ils sentaient soudain le pâté, et on changeait de trottoir à leur simple vue.
Je renvoie donc ceux et celles qui s’intéresseraient à cette délicate question sémantique à la philosophe Barbara Stiegler, auteure d’un roboratif petit essai chez Gallimard, “De la Démocratie en Pandémie”, interviewée en juillet 2021 par le député insoumis François Ruffin (1).

François Ruffin : “Est-ce que vous êtes, vous, Barbara Stiegler, anti-vaccin?
Barbara Stiegler : “Absolument pas, et c’est très intéressant que ce soit votre première question, car on est obligé aujourd’hui de donner des gages pour discuter sereinement de ce sujet. Il s’est construit un scénario selon lequel nous aurions d’un côté “les gens raisonnables”, qui seraient “pour les vaccins”, et de l’autre, des “gens irrationnels”, qui seraient “contre”. Nous aurions donc deux “camps”, selon une structuration amis / ennemis. Or c’est faux. C’est une construction sociale, largement alimentée par les médias et la plupart des politiques, mais c’est une construction. Pourquoi ?
Parce que la plupart des gens ne sont ni “pour” ni “contre” les vaccins dans l’absolu.
Tout dépend du moment et de l’usage. Par exemple, on ne vaccine pas les nourrissons contre la grippe.
Il y a effectivement certaines personnes pour qui tout vaccin est un poison, un “mal en soi”, quelque chose de dangereux, mais elles sont ultra minoritaires.
Réduire donc les débats autour du COVID à une opposition entre “anti vaccins” et “gens raisonnables”, c’est une mise-en-scène, une fabrication. Et cela n’est pas acceptable.
Cela tue la pensée, puisque l’objet du même débat devient en soi “le mal” ou “le bien”. Cela ne peut pas marcher comme cela.
Un produit de santé, un “médicament”, c’est un remède, mais qui est potentiellement aussi un poison. Le mot grec “pharmakon”, qui a donné “pharmacie”, a d’ailleurs ce double sens : médicament et poison. Toute la question est donc celle de la posologie, de l’indication, de la durée d’administration du produit, etc…
L’autre jour, je donnais une conférence pour évoquer la complexité et les problèmes que pose pour moi la vaccination chez les plus jeunes. Car à 12-13 ans, certains sont déjà des ados, et d’autres encore des enfants. Après la conférence, une dame s’est jetée sur moi et m’a demandé assez agressivement : “Est-ce que vous êtes vaccinée ?
“.
L’idée étant : je vais lui poser la question pour voir si c’est une “anti-vax” ou pas.
Cela devient donc très compliqué de parler de tout cela sereinement, et ce serait pourtant bien nécessaire
“.
Si vous avez le moindre doute à ce sujet, allez faire un tour sur les réseaux sociaux.
Au-delà de cette écume empoisonnée du langage, quelles sont donc les dernières nouvelles sur le front de la pandémie ?

 

Deux des pays les plus massivement et les plus tôt vaccinés, Israël et l’Angleterre, connaissent pourtant aujourd’hui un net rebond des contaminations.
C’est assez logique en Angleterre, puisque depuis le 19 juillet, “le jour de la liberté“, les autorités ont levé toutes les restrictions sociales liées au Covid (comme les masques et les jauges réduites, à l’exception de la quarantaine obligatoire pour les “cas contacts”).
Mais en Israël, où 36% de la population était déjà vaccinée en janvier (contre 2,5% en France!), ce rebond témoigne à la fois de la faiblesse du vaccin Pfizer face au variant Delta, et d’une certaine “usure” de la protection vaccinale après six mois.
En guise de “complément vaccinal”, un million d’Israéliens de plus de trente ans ont déjà reçu fin août une troisième dose du vaccin Pfizer. Ce qui, entre parenthèses, augmente mécaniquement le prix total de la vaccination de 50%.
Par ailleurs, Israël a lancé une campagne de tests sérologiques chez tous les enfants de plus de trois ans, pour déterminer ceux et celles qui auraient “naturellement” déjà développé des anticorps. L’objectif annoncé est ainsi de mieux préparer la rentrée scolaire.
Mon petit doigt me dit que l’usage de ces tests sérologiques, moins coûteux que les tests PCR, va rapidement se développer dans le monde pour sonder l’état de nos systèmes immunitaires. C’est déjà le cas en France, où un résultat “positif” peut ainsi “justifier” de ne recevoir qu’une seule dose de vaccin.

En Belgique, c’est la situation particulière de la région bruxelloise qui a attiré les foudres du dernier Codeco. Les restrictions sanitaires dans l’Horeca, qui ont été levées en Flandre et en Wallonie, continuent ainsi d’être appliquées à Bruxelles.
Avec un taux de vaccination de 63%, la région bruxelloise a pourtant un taux de vaccination comparable à celui de l’Allemagne (65%) – un pays qui n’a pas la réputation d’être peuplé de petits rigolos je-m’en-foutistes.
Mais, avec une population sensiblement plus jeune et multiculturelle, son taux de vaccination reste nettement inférieur à celui de la Wallonie (80%) et surtout à celui de la Flandre (91%).
Si l’on veut vraiment encourager la vaccination à Bruxelles, il me semble toutefois pour le moins curieux d’avoir profité de l’été pour fermer plusieurs des centres de vaccination bruxellois, dont l’emblématique Centre du Heysel.
Et c’est sans doute encore plus absurde de les fermer dans les communes qui souffrent d’un certain “déficit vaccinal”, comme c’est le cas pour la commune de Schaerbeek.
Comprenne qui pourra !
En revanche, on pourra se faire vacciner en faisant ses courses sur le parking d’IKEA, de Carrefour et de certains autres grands magasins. Au-delà de “l’effet gadget”, je serais curieux d’en connaître les résultats.
Les politiques et les médias adorent ces “fausses bonnes idées”, qui font parler de vous sans avoir le moindre effet sur la réalité.
Je me souviens qu’à l’occasion de “Bruxelles 2000”, ce qui avait fait la couverture du Soir, c’était par exemple le triste projet de “faire du théâtre” dans les salons-lavoir, au milieu du bruit des machines et des essoreuses. Ce qui était pour moi une connerie sans nom, tant pour les malheureux comédiens que pour les malheureux clients. Mais le “concept”, nice!, était tellement amusant (et photogénique).
La piquouze chez IKEA, juste comme ça en passant, avec votre caddie plein d’armoires à assembler, dans le genre absurde, cela me semble pas mal non plus.

Quant aux chiffres de vaccination relayés dans la presse pour Bruxelles, ils font régulièrement preuve d’une grande fantaisie.
Si je prends l’exemple de ma propre commune, Saint-Gilles, La Dernière Heure y comptabilisait le 25 mai “moins de 20% de vaccinés”. Ce qui n’était vraiment pas beaucoup. Mais trois jours plus tard, le 28 mai, le quotidien “La Capitale”, y annonçait un taux de vaccination de 68,5 %, soit plus de trois fois plus !
Jusqu’à ce que le 4 août, patatras !, le quotidien “L’Avenir” le fasse soudain rechuter à 58%.
Si le premier pourcentage était sans doute calculé sur l’ensemble de la population, bébés compris, ce qui n’a guère de sens, le rapport entre ces deux derniers chiffres reste pour moi une énigme. 10 % des Saint-gillois se seraient-ils miraculeusement “dévaccinés” pendant l’été ? Ou a-t-on entretemps rajouté, dans “l’assiette” du calcul des “stats”, les jeunes de 12 à 17 ans – cette tranche d’âge nouvellement “vaccinable” ?
Je n’en sais fichtre rien.
Mais je suis sûr qu’il est impossible de piloter un véhicule, et encore moins de mobiliser les gens, si, à vitesse égale, son compteur indique, au gré des cahots de la route, 20, 58 ou 68 %.
Autre évolution en cours en Belgique, il faudra suivre de prêt le rôle social du “Covid Safe Ticket”. “Inventé” pour garantir la prétendue “sécurité sanitaire” de certains événements culturels de masse, son usage pourrait être demain élargi à d’autres secteurs, comme les bars, les restaurants et les cinémas. Et se transformer ainsi petit à petit en Passe Vaccinal “à la belge”.
Terminons ce petit tour de Belgique avec le sort des “malheureux” vacanciers belges qui sont partis en vacances dans une “zone rouge” (ce qui est le cas de ceux qui reviendront de France, de Grèce, d’Espagne ou du Portugal).
Vaccinés ou pas, ils devront désormais passer deux tests PCR, au premier et au septième jour de leur arrivée (Belga, 26/8). Coucou, les amis ! Bon retour au pays des frites, des inondations et des écouvillons !

Claude Semal le 27 août 2021

Ci-dessous : “Le Soir” en ligne du 28/8/2021. Qu’est-ce que je disais ;-).

Dans “Le Vif-L’Express” de ce 27/8, citant “De Morgen”, cette autre nouvelle assez ébouriffante. On a pas fini de s’étonner d’être étonné. Attention : je ne suis arrivé, ni à retrouver l’info initiale dans “De Morgen”, ni les références précises de l’étude israélienne. Une “info” à prendre donc avec des pincettes en attendant (ou non) confirmation (Claude Semal, le 30/8).

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6 Commentaires
  • Irene Kaufer
    Publié à 14:02h, 01 septembre

    Ma médecin n’a rien d’une antivax ni d’une farfelue (c’est une spécialiste à Erasme), elle est juste parfois un peu brusque dans ses réponses. Quand je lui ai demandé ce qu’elle pensait d’une troisième dose, de vaccin dans mon cas personnel, elle m’a lancé : “Essayez plutôt d’attraper le variant delta, c’est beaucoup plus efficace comme protection”. Et ça m’étonnerait qu’elle se contente de lire des titres de presse pour se faire une opinion…

  • Guy Leboutte
    Publié à 01:27h, 01 septembre

    Bonjour,

    L’article de Noé Spies cité ci-dessus a été remplacé, ou modifié sous le titre
    “Contre le covid, une infection protège mieux que le vaccin”: une étude mal interprétée
    avec le chapeau
    “Les personnes qui ont contracté une infection au covid sont cinq à sept fois mieux protégées contre le variant delta que les personnes qui ont été complètement vaccinées avec Pfizer.” Ces conclusions d’une étude israélienne ont été mal interprétées par de nombreux médias, disent les auteurs. Voici une rectification des experts en fin d’article.

    Comme je n’ai pas envie de m’inscrire à un journal qui ne m’est ni utile ni nécessaire pour en lire 3 articles par mois, je n’ai pas parcouru le contenu. Voici le lien: https://www.levif.be/actualite/sante/contre-le-covid-une-infection-protege-mieux-que-le-vaccin-une-etude-mal-interpretee/article-normal-1461685.html .

    • Semal
      Publié à 10:01h, 01 septembre

      Les “experts” (sic) cités par Le Vif (qui reprend simplement un communiqué de l’AFP) fait référence à une étude qui n’a visiblement rien à voir avec celle initialement mentionnée (qui parlait, non pas sur une équipe soignante dans un hôpital, mais de plusieurs milliers de cas dans l’ensemble du pays). Par ailleurs, l’article cité ci-contre par Claude Hugon fait, lui, référence une communication du Ministère de la santé Israélien. Bref, si vous ajoutez cela aux chiffres fantaisistes cités par la DH, l’Avenir et La Capitale sur le taux de vaccination à Saint-Gilles, ils me font gentiment ricaner ceux qui opposent souvent “les journalistes professionnels”, détenteurs d’une prétendue déontologie professionnelle en béton armé, qui s’opposeraient donc par leur “sérieux” à ceux qui publieraient “n’importe quoi” sur les réseaux sociaux. Oui, il est indispensable de toujours vérifier ses sources, de les citer et de ne pas diffuser de fausses informations. Et non, être dépositaire d’une carte de presse ne vous immunise pas automatiquement contre les fake-news, la paresse, l’à peu près ou les erreurs de raisonnement.

      • Manu Berquin
        Publié à 11:54h, 04 septembre

        Voici un article de Science qui parle de l’étude israélienne: https://www.science.org/content/article/having-sars-cov-2-once-confers-much-greater-immunity-vaccine-vaccination-remains-vital

        Traduction du début de l’article :

        Le fait d’avoir été infecté une fois par le SRAS-CoV-2 confère une immunité bien plus grande que le vaccin – mais la vaccination reste vitale
        Les Israéliens qui ont eu une infection étaient plus protégés contre le variant Delta du coronavirus que ceux qui avaient reçu un vaccin COVID-19 déjà très efficace

        La protection immunitaire naturelle qui se développe après une infection par le SRAS-CoV-2 offre une protection bien plus efficace contre le variant Delta du coronavirus pandémique que deux doses du vaccin Pfizer-BioNTech, selon une vaste étude israélienne que certains scientifiques auraient souhaité voir accompagnée d’une étiquette “N’essayez pas cela chez vous”. Les données récemment publiées montrent que les personnes ayant déjà été infectées par le SRAS-CoV-2 étaient beaucoup moins susceptibles que les personnes jamais infectées et vaccinées de contracter la maladie, d’en développer les symptômes ou d’être hospitalisées en raison d’un grave COVID-19.

        L’étude démontre la puissance du système immunitaire humain, mais les experts en maladies infectieuses ont souligné que ce vaccin et d’autres pour le COVID-19 restent néanmoins très protecteurs contre les maladies graves et la mort. Et ils préviennent qu’une infection intentionnelle chez les personnes non vaccinées serait extrêmement risquée. Ce que nous ne voulons pas, c’est que les gens se disent : “Très bien, je devrais sortir et me faire infecter, je devrais organiser une fête de l’infection”, déclare Michel Nussenzweig, un immunologiste de l’Université Rockefeller qui étudie la réponse immunitaire au SRAS-CoV-2 et n’a pas participé à l’étude. “Parce que quelqu’un pourrait mourir”.

  • Claude HUGON
    Publié à 23:35h, 30 août

    Voici un lien qui résume l’étude israélienne, mais sans conclusions en effet : https://www.israelnationalnews.com/News/News.aspx/309762

    • Semal
      Publié à 09:44h, 01 septembre

      En effet, mais nous voilà renvoyés à une émission de “Channel 13” qui n’est pas datée ni “sourcée”., évoquant une communication du Ministère de la Santé Israélienne qui ne l’est pas d’avantage.

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