PIEDS NUS, IL DANSE DANS LES COULOIRS GLACÉS DE LA GARE CENTRALE par Katel Fréson

Pieds nus, il danse. Dans les couloirs glacés de la gare centrale.
Il danse. Et tout son corps rit.
La peau tannée d’un sioux. La chevelure épaisse blanche et longue. Le sourire immense, sans une dent.
Il danse, enveloppé dans une couverture bleue.
Il chantonne une mélodie connue de lui seul.
Les navetteurs courent prendre leurs trains.
Dans le flot bruyant de cette gare, je ne vois plus que lui.
Il se réchauffe en dansant. Silhouette si maigre sous la couverture.
Je file acheter une gaufre bien chaude, un café brûlant.
Il m’accueille les bras ouverts et se présente : « Antonio. Grazie ».
Je lui explique qu’il peut se rendre au Samu social, à l’Ilôt. Je lui propose d’appeler un service social pour lui.
Il ne comprend pas. Il veut juste un peu de présence.
Me serrer la main. Toucher un autre humain.
Je lui fais un petit signe, la main sur le cœur. Il comprend. Et remercie.
Autour de nous, quelques passants ont ralenti le pas. Ils détournent les yeux, mais à l’aise.
La pauvreté fait peur. Et sa solitude immense …
Il avale la gaufre brûlante d’une bouchée. Il me remercie encore : “Grazie, grazie”.
Il danse encore. Les pieds nus sur le sol gelé.
Si vous croisez Antonio, dans les couloirs de la gare centrale, il aime les gaufres. Et le café bien chaud.
Sa mélodie m’accompagne chaque jour, depuis une semaine.
Pour lui et tous les autres, refuser l’indifférence.
Lutter contre l’amertume.
Offrir un peu de soi : une présence, un sourire, un regard.
Rendre visibles les invisibles. Encore.
Plus que jamais.

Katel Fréson (sur Facebook)

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