
11 juin 2025
POUR UNE “CULTURE INDUSTRIELLE” ! par Pierre Gillis
Elon Musk n’est pas content des premières mesures du gouvernement Trump qu’il avait plus ou moins intégré : les dépenses de l’Etat ne se réduisent pas au rythme qu’il réclame, à grands coups de tweet (de X). Eh oui, même Trump semble hésiter face aux mesures les plus radicales. Et Musk de s’enfuir dans sa Tesla, avant, sans doute, de s’embarquer pour Mars. C’est d’ailleurs comme chez nous.
Gloub s’inspire des prophètes étatsuniens. Il imagine un « projet industriel » pour la culture.
Idée intéressante : l’industrialisation s’est imposée via la standardisation des procédés, des pas de vis aux tuyaux de plomberie, des systèmes bielles-manivelles aux moteurs de nos véhicules. On ne craindrait donc plus de voir surgir une création hirsute, ou de lire un auteur qui ne s’exprime pas en globish, voire dans une langue régionale désuette, comme le néerlandais, l’allemand ou le français – en russe tant qu’on y est ? D’où aussi l’élargissement sans précédent des délocalisations, comme pour les bagnoles ou pour la production de vêtements : si d’autres s’avèrent capables de nous alimenter en culture à un prix défiant toute concurrence, pourquoi pas ?
Pratiquement, cependant, Bouchez, cet amoureux de la culture (sic), reste prudent et limité dans ses objectifs. Il veut se débarrasser du ministère de la culture, et récupérer (au profit de qui ?) les subsides accordés à son fonctionnement.
Il y aurait un clone d’Elon Musk en Belgique qu’il serait aussi déçu que l’original. Quelques proclamations, certes, mais même pas mises en œuvre, et de toute façon insuffisantes à l’aune des ambitions proclamées – un autre prophète, le vice-premier David Clarinval, se réfère à la « révolution libérale » en cours au fédéral et en Wallonie.
Alors je le suis, et je me lance, en ciblant deux objectifs différents, mais qui ont le mérite d’indiquer l’envergure du problème, dans sa colossale diversité (pardon pour ce gros mot…) : les piscines (publiques, ça va de soi) – mens sana in corpore sano –, et les académies de musique, qui n’hésitent pas à déborder sur les arts de la parole et sur la danse.
Le coût d’une piscine est en moyenne, nous dit-on, de 1100 euros par m², soit pour une piscine de 300 m² (de l’ordinaire, quoi), et par an, 330 000 euros.
Pris par l’autre bout, celui des dépenses consenties par 291 communes concernées (données de 2019), on arrive à 195 millions d’euros. A quoi on doit ajouter 185 millions d’euros pour les intercommunales. Bref, un paquet qui frôle les 400 millions d’euros, et qui les a sûrement dépassés depuis 2019.
Et tout ça pour quoi ? Trois médailles olympiques en 40 ans, la dernière en 2016. A la grosse louche, en tenant compte de l’inflation, on a dépensé quelque chose comme 3 ou 4 milliards d’euros par médaille. Et une seule en or !
Énoncer les données du problème, c’est le résoudre : on aurait expatrié Ingrid Lempereur, Fred Deburghgraeve et Pieter Timmers aux States pendant une dizaine d’années, qu’on se serait épargné bien des soucis budgétaires, pour un résultat mieux garanti. Fermons les piscines, et envoyons nos champions là où ils sont légion.
Ma seconde proposition a trait aux écoles de musique : 100 000 élèves répartis dans 112 académies, excusez du peu ! Ce n’est plus tout à fait gratuit (quand même, on progresse), mais le paquet d’euros que ça représente éblouit le minable que je suis. On compte en centaines de « méga » euros (1 M€, c’est un million). L’aboutissement est aussi dérisoire qu’en natation, le récent concours Reine Elisabeth nous le rappelle douloureusement. Au piano, onze lauréats belges entre 1952 et 1991, avant de sombrer dans la disette, avec Vanbeckevoort en 2007, et 18 ans de vaine attente avant le prix de Valère Burnon, célébré en même temps que la Champions League du PSG (mais avec moins de débordements, on est en meilleure compagnie).
Je vous épargne les statistiques du violon et du violoncelle, mais quelle que soit la manière de compter, ça fait bonbon le prix. Ici aussi, on aurait envoyé nos jeunes talents à la Juilliard School, à New York, qu’on aurait fait de sérieuses économies. Sans parler des milliers d’artistes-enseignants qui auraient pu passer leur temps à séduire des sponsors fortunés, plutôt qu’à le perdre auprès de gamines et de gamins ânonnant leur partition de mauvaise grâce. Fermons les académies de musique, la Fédération Wallonie-Bruxelles s’en portera mieux.
J’espère qu’il se trouvera un Elon Musk en Belgique pour relayer ces propositions révolutionnaires (NDLR : Attention, second degré 😉 ).
Pierre Gillis
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