“PRINCESS”, UN CONTE DE NOËL par Claude Semal (1/3)

Photo Zvonock light (Semal dans “Le Noël de Mr Scrooge”)

En 2007, j’ai publié un court récit de 80 pages dans une collection en principe destinée aux adolescent·es (ce qui explique la dimension “pédagogique” de certaines notes de lecture) (1). Il me semble toutefois que sa lecture résiste à des âges un peu plus avancés.
Je vous le ressers donc cette année en forme de “conte de Noël” en trois épisodes, qui, contrairement à ses cousins “HappyChristmatés”, se termine ici plutôt mal. Comme dans la vraie vie, quoi.

Il n’empêche que ses personnages auront peut-être croisé en chemin cet “esprit de Noël” qui ne se forge qu’à travers nos luttes et aventures communes.

Claude Semal
( “Père Noël” bien malheureux du spectacle “Le Noël de Monsieur Scrooge”, annulé au Théâtre du Parc pour cause de covid dans l’équipe).
(1) “Princess”, aux Editions Averbode, aujourd’hui épuisé.

“Princess” (1/3)

1. Mardi 22 novembre, 17 h 45, dans le bus 71

Jeepé ne sait pas qu’il est à la première ligne de ce roman. Il se croit dans le bus 71, en fin d’après-midi, à la fin du mois de novembre, entre l’Athénée Royal Jacques Brel et l’arrêt du Cimetière d’Ixelles. Mais, même cela, le sait-il vraiment ? Ce qui est sûr, c’est qu’il émet. De la musique. Comme une lointaine fête foraine, un vieux transistor étouffé par un coussin. Et pas par la bouche : par les oreilles ! Etrange, n’est-ce pas ? « Tsss, tsss, tsss,… » crache son MP3, au rythme pourtant irrégulier des cahots du bus.
Deux écouteurs jaune canari vissés dans les ouïes, Jeepé a le regard flottant des poissons rouges et des sardines à l’huile. La tête dans son bocal, il ne voit rien. Ni les vitrines embuées de la Porte de Namur, ni le crachin qui vernit les trottoirs de Bruxelles et irise l’ampoule des lampadaires, ni le numéro d’appel de l’affiche anti-suicide (« quelqu’un à votre écoute 24h/24 » – mais qui donc irait se suicider dans un autobus ?), ni même le piercing nasal de la petite brune qui, cinquante-cinq centimètres plus bas, l’observe discrètement du coin des cils.
Jeepé est perdu dans la musique, et ses doigts, en haut de la main courante argentée, imperceptiblement frémissent sur le manche imaginaire d’une contrebasse, comme les muscles rêveurs d’un chat endormi.
«Mé keskil ékout, cwila ? » s’interroge la Petite Brune qui, bien qu’elle s’exprime généralement en français, ne pense plus qu’en SMS depuis son quinzième anniversaire (un GSM en Kdo, super ! …« Mais tu payes tes communications toi-même», Mdr ! ).
Elle tend l’oreille, qu’elle a d’ailleurs fort élégante, vers l’oreillette jaune coin-coin (oui, je sais, tout à l’heure, c’était jaune cui-cui. Canard de bain ou canari, à une lettre près, c’est pareil, non ? Stupidement jaune !).
« Tsss, tsss, tsss,… », toussent toujours en rythme les écouteurs asthmatiques.
La Petite Brune se remémore tous les clips MTV de l’année et la programmation exhaustive des cinq premières Star’Académies : rien à faire. Elle ne reconnaît pas cette voix de souris enrouée qui vaguement sourd du walk-man dans le grésillement syncopé des cymbales (des cigales ? des sioux ? Enfin, tsss, tsss,…). Par défaut, elle écoute son voisin avec les yeux. A l’abri de sa frange, elle suppute, la Brunette. Elle jauge du regard. Elle déduit. Elle subodore.
Sweat-shirt à capuche, coupe au millimètre, profil de tueur de bac à sable et moue d’enfant de chœur… Un mètre septante huit sans les baskets… Un mètre cinquante vingt-huit, comme disent nos amis Français (…Hi ! hi ! En vacances, c’est sa blague idiote favorite).
« Cé du rap !? », tranche-t-elle finalement, après une ultime délibération du jury, en hésitant toutefois jusqu’au bout entre le point d’exclamation et le point d’interrogation. Belgium, one point.
Râpé, ma belle. C’est pas du rap. C’est du SWING ! Mais t’as des excuses. Ce que Jeepé écoute en boucle, ça ne s’apprend pas au Lycée et ça ne passe pas sur M-teve. « Les Embouteillages », ça s’appelle. Un chouette morceau, bien rigolo, avec des accords « six-neuf » qu’il faut se mettre dans les doigts et des paroles qui filent en moto à du 150 à l’heure. Ton chanteur inconnu, c’est un grand gaillard, avec un anneau d’or dans chaque oreille, et une grosse voix qui swingue à mort. Un fameux guitariste, aussi, qui portait les valises de Michel Fugain pour payer son loyer avant de jouer « Les Voleurs de Poule » et se mettre à son compte. Son nom ? « Sanseverino » ! Et Jeepé est son prophète. A ne pas confondre avec San Pellegrino, une délicieuse eau minérale italienne (si on aime l’Alka Selzer). Tu connais pas ? C’est pas grave : maintenant, tu connais… De toute façon, tu sors de l’histoire Place Fernand Coq et, dommage pour toi, c’est déjà le prochain arrêt. « Pcchhhh…. », font les portes pneumatiques. Exit le piercing, la frange et le Quiz musical. Bye bye, Brunette !
A deux mètres cinquante de là, Mousse regarde la Petite Brune descendre du bus. Il a planqué sa guitare derrière le composteur orange et tente, à chaque arrêt, de protéger son instrument contre le flux et le reflux des passagers. « Prenez les transports en commun ! », qu’il disait, le Ministre de la Mobilité, en rentrant de Kyoto en Turbo Jet. Super idée, mec ! Surtout avec un chauffeur et une voiture de fonction qui t’attendent à l’aéroport. Ou alors, il faut aimer le sport et les jeux de hasard. Car les bus, à l’heure de pointe, c’est « Rugby pour Tous Sans Ballon », et le week-end, c’est « Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? ». Est-ce qu’ils ont jamais pris un bus, ceux qui répètent à la télé qu’il faudrait en prendre ? Bon, Mousse, ta gueule ! Ou Anna, qui est abonnée à Greenpeace, elle te tue. M’en fous ! Dès que j’ai dix-huit ans, je ramasse un peu de thune, une bagnole d’occase, même une 4L pourrie qui n’a jamais vu un Car Wash, et Basta ! Les grattes dans le coffre, Anna sur la banquette et je « fais taxi » pour les copains… Les voitures partagées, c’est écolo aussi, non ? Et c’est plus rigolo sur un parking.
Mousse, c’est Mustapha. Comme Jeepé, c’est Jean-Pierre. Sauf que « Mousse », si je me souviens bien, ça vient plutôt de la bière. « Une petite mousse ? », proposait toujours Mustapha aux copains dans les Cafés. Et voilà, c’est resté. « Mousse », « Mustapha ». …Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ? Un musulman, ça ne boit pas de bière ? Oh ! là là … T’en es encore là, toi ? Mustapha = arabe = musulman = pas d’alcool ? D’abord, Mousse, je ne sais même pas s’il est arabe. Berbère, plutôt, je dirais. Si on parle des origines familiales. Parce qu’à part ça, évidemment, il est belge. Belge de chez belge. Et je sais encore moins s’il est musulman. Je ne sais pas, et je m’en fous. Dans mon histoire, il est guitariste. Point. Ses parents sont nés au Maroc, mais lui, il est né à Bruxelles. C’est un Maroxellois, si tu veux. Et tu as déjà vu un Bruxellois qui ne buvait pas de bière, toi ? Moi pas.
Bon ! Je parle, je parle, le bus roule, on vient déjà de croiser le Boulevard Général Jacques, et Mousse descend au Cimetière d’Ixelles.
Avec des gestes de lézard chinois en hibernation, il soulève précautionneusement sa guitare et amorce une lente reptation vers la porte à soufflets. « Pardon… Pardon… ». C’est qu’il y tient, à sa gratte ! Oh ! C’est pas un instrument de luxe, juste une petite Aria Jazz, modèle Django 1935, 350,00 euros avec la housse, mais enfin, il y tient ! Un instrument qui a vécu, et qui a du caractère. Avec un joli son rond, bien plein, quand elle doit modestement « faire la pompe » (1), mais qui sait aussi donner de la voix, et cracher ses notes comme une grande, quand elle doit aboyer un solo. « Pardon… Pardon… Je descends ici… ». La guitare serrée contre lui, Mousse profite d’un ultime hoquet du bus pour acrobatiquement attraper la main courante juste en dessous de Jeepé. Il lui touche le bras, désigne la porte d’un index impératif, et articule silencieusement avec l’énergie un peu ridicule des sourds muets : « ON DES-CEND ! ».
L’autre ahuri se décapsule l’oreille : « Quoi ? ».
Mais déjà, les portes se sont ouvertes avec un soupir de vieille loco épuisée, et, dans une ultime pirouette, Mousse, précédé par sa guitare, s’est précipité sur le trottoir. Juste à temps pour voir Jeepé, son cartable et sa chaussure coincés dans la portière, hurler comme un putois à l’intention du chauffeur : « La porte… LA PORTE, S’IL VOUS PLAIT… ! ». Le monstre hésite, comme s’il renâclait à lâcher sa proie, puis, dans un ultime soupir, consent enfin à libérer le retardataire.¬
— « Quel con, ce chauffeur ! », grogne Jeepé, qui, chaque jour d’avantage, se perçoit comme la perpétuelle victime d’un monde peuplé d’imbéciles et de bourreaux. Mousse, qui s’est depuis longtemps résigné à voyager avec un zombie, change subrepticement de sujet.
— « Tu la connaissais, la petite brune » ?
— « Quelle petite brune » ?
Jeepé, depuis qu’il connaît Princess, tu ferais danser Marilyn à poil sur la table de la cuisine, il ne la voit même pas !

(1) Rien à voir avec la bière, ni d’ailleurs avec les pompiers. La musique manouche — une forme de jazz « historique » incarné par Django Reinhardt — se joue généralement sans batterie (mais souvent avec une contrebasse): ce sont les guitares qui « font » la rythmique. Elles jouent tous les temps de la mesure, en accentuant le second et le quatrième, ce qui donne une pulsion musicale très caractéristique. C’est ce qu’on appelle « faire la pompe ». Un second guitariste, lui, joue généralement la mélodie et les solos. Dans la plupart des groupes, les deux rôles sont interchangeables, et chacun s’exprime donc à la fois comme soliste et comme accompagnateur.

2. Le journal intime d’Anna, mardi 22 novembre, 16 heures 30

Cher journal, il y a des choses que je ne dirai qu’à toi. Tu seras ma confidente. Mon journal de bord. Mon psychanalyste. Mon secrétaire clandestin. Mon carnet de poésie. Mon secret. Car même à sa meilleure amie, il y a des choses qu’on ne peut pas dire. Même à Carole. Même à Princess. Tom et Papa, n’en parlons même pas !
Je me sens parfois tellement nulle. Tellement bête. Si laide. Si ridicule. Oui, je sais… c’est ridicule ! Tu vois ? …C’est bien ce que je disais ! Mais c’est moi. Moi ! Alors, à qui en parler, si ce n’est à moi-même ?
Oh ! maman, tu me manques parfois tellement…
— « Anna Dumont, pourquoi avez-vous brutalement arrêté le piano, un instrument que vous adoriez, pour vous consacrer totalement à la guitare ? »
Tu me vois déjà, répondre dans quinze jours à la journaliste du « Soir » :
— « Parce que je déteste mes seins. Parce que je ne les ai jamais supportés. Et parce qu’à douze ans, me cacher derrière ma guitare est devenu, pour moi, la seule façon d’encore pouvoir jouer de la musique » ?
Ou raconter à Papa, qui s’étonnait, hier, de mon manque d’appétit devant son délicieux gratin de légumes « light », cuisiné pourtant avec de la patience, de l’ail et de l’amour :
— « Mon cher petit Papa, avant de rentrer la maison, j’ai fait un arrêt « chocolat » à l’Aldi. Je viens d’avaler vingt-quatre Melo-Cakes en douze minutes. Alors, tu vois, tes légumes bio, tu peux franchement les donner au chien ! ».
(Si mon père lit ça, je suis morte de honte) Ou même avouer à Princess, qui est sans doute la personne que j’aime le plus au monde :
— « Je suis jalouse. Quand on sort ensemble, pourquoi est-ce toujours toi que les garçons regardent d’abord ? Pourquoi peux-tu te nourrir de glaces, de frites, de Mac et de Quick sans prendre en gramme alors que moi, je regarde une tartelette aux fraises dans la vitrine et je prends deux kilos ? Pourquoi fais-tu toujours tout mieux que moi ? J’ai fait huit ans d’Académie de Musique, et toi, tu débarques dans le groupe, tu ouvres la bouche devant un micro, et tout le monde se pâme ! C’est pas juste ! ».
Tu vois, mon cher journal, il n’y a qu’à toi que je peux vraiment dire la vérité. Je me déteste, quand je suis comme ça. Comment peut-on être aussi bête ?
Princess, c’est ma sœur. C’est mon double. C’est la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie. Elle est sortie de l’enfer pour s’asseoir à côté de moi, à 5672 kilomètres de son lieu de naissance, et dès le premier jour, c’est devenu ma meilleure amie. Tu peux imaginer, ça ? Imaginer l’incroyable cortège de drames, de hasards, d’accidents, de bonheurs… la guerre civile, les camps de réfugiés, l’ONG belge… les taxis-brousse, les trains, les avions, les ambassades… les visas, les frontières, les grilles, les couloirs, les files d’attente… Tu peux imaginer, l’extraordinaire labyrinthe de la vie et la mort qui, au-dessus des mers, des pays et des continents, entre toutes les villes, toutes les rues, toutes les écoles, a conduit une petite fille de dix ans jusqu’au seuil de ma classe — un matin d’octobre, six semaines après le début des cours ?
Là, évidemment, le plus gros du chemin était fait. Mais nous étions encore vingt-quatre en classe. Je ne parlais pas un mot d’anglais, elle ne parlait pas un mot de français.
Qu’est-ce qui a fait qu’entre nous tous et nous toutes, c’est mon banc que Melle Jeanne a désigné — et que c’est à côté de moi que Princess est venue s’asseoir ? Tu peux imaginer, ça ? Elle m’a souri, et elle est entrée dans ma vie. Cela fait six ans qu’elle est là. Quatre ans qu’elle est la seconde de la classe (mais Gérard, ça ne compte pas : il dort avec son cartable et passe les vacances avec son ordinateur !). Et dans trois semaines, avec un peu de chance, on est sélectionné pour la finale télé du concours « A Star is Born ! ». Et on gagnera, j’en suis sûre !
Comment pourrais-tu ne pas croire au destin, après ça ?
Ca me rappelle l’histoire du crabe. En vitesse, parce qu’après, il y a la répet’ !

3. Le Journal intime d’Anna. L’histoire du Crabe

C’est l’histoire d’un couple d’amoureux qui va à la mer. A la mer, on mange du poisson et des crustacés. Ils achètent donc un gros crabe chez le poissonnier. Un crabe vivant qui déprime sec dans un aquarium avec des élastiques autour des pinces.
Rentrés à la maison, ils font bouillir une grande casserole d’eau avec du sel et des épices. Et là, leur petit cœur se serre.
L’idée de plonger cet animal vivant dans l’eau bouillante leur coupe complètement l’appétit.
Ils remettent le crabe dans son panier en osier, vont jusqu’au bout de la jetée… et rejettent le crabe à la mer !
Si on se place du point de vue des amoureux, c’est une anecdote amusante. Une qu’on racontera peut-être aux amis, le jour du nouvel an, devant un homard mayonnaise.
Mais si vous vous placez du point de vue du crabe… C’est une histoire absolument extraordinaire !
Vous viviez tranquillement votre vie de crabe, au milieu de la Mer du Nord, quand un filet vous a arraché aux hauts fonds.
On vous a mis dans une caisse sur le pont d’un bateau.
Exposé en plein air dans un port.
Transporté en camionnette au milieu des poissons morts.
Plongé dans un aquarium saumâtre. Ressorti de l’eau pour vous jeter dans un panier en osier. Conduit jusqu’à une cuisine sans fenêtre où l’on a fait bouillir devant vous de l’eau de mer parfumée.
De tous les poils de vos pinces, vous avez su que ce récipient vous était destiné, et que votre dernière heure avait sonné.
Et puis, là, coup de théâtre ! On vous reconduit en procession jusqu’à la mer, et, sans la moindre explication, on vous relâche dans l’océan !
Comment ne pas croire à Dieu, au destin ou aux extra-terrestres, quand une histoire pareille vous arrive ?
Ce crabe-là, j’en suis sûr, a dû fonder une religion.

4. Encore mardi, 18h, stade de l’Union St Gilloise

Tom, le petit frère d’Anna, était en train de se battre avec les lacets de ses chaussures de foot. C’était très mystérieux. Ses habits faisaient de la résistance. À neuf ans, ce gamin débrouillard avait conservé, pour s’habiller, des maladresses d’école maternelle. Sa paire d’Adidas, il la connaissait pourtant par cœur. S’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait dormi avec. Seulement voilà. Tous les autres étaient déjà montés sur le terrain : il était en retard, inquiet et surexcité. Plié en deux dans le vestiaire de l’Union St Gilloise, il avait le sentiment de faire des nœuds dans ses doigts.
L’Union St Gilloise était un des plus vieux Club de Foot de la capitale. Avant la deuxième guerre mondiale, l’Union avait même été onze fois champion de Belgique ! Une vieille rivalité l’opposait alors au Racing Club de Molenbeek —devenu récemment le « Brussels ». On parlait déjà de cette vieille concurrence dans « Le Mariage de Mademoiselle Beulemans », la célèbre pièce de théâtre bruxelloise (1).
Puis l’Union avait raté le tournant de la « professionnalisation » du football. Après 1965, le Club avait dégringolé en deuxième puis troisième division, et le RC d’Anderlecht l’avait remplacé dans le cœur des petits Bruxellois.
Mais l’Union St Gilloise reprenait du poil de la bête. Le Club était remonté au classement et la nouvelle équipe accordait beaucoup d’importance à la formation des jeunes. Tom s’était inscrit avec enthousiasme à l’école des Jeunes. Et voilà qu’aujourd’hui, l’entraîneur fédéral des Diablotins (2) venait, en personne, assister à l’entraînement ! Il y avait de quoi s’exciter, non ? Et ce crétin de Steve qui n’était toujours pas là !
Enfin équipé, Tom sautilla sur place comme s’il allait jouer le match du siècle ou battre Mohamed Ali en trois rounds, et il se précipita dans les escaliers pour monter sur le terrain. Il pleuvinait. Saïd, le « coach », avait pourtant tenu à ce que l’on s’entraîne à l’extérieur.
— « Si l’on veut jouer au foot, en Belgique », disait-il, « autant s’habituer tout de suite à la pluie ! ».
En trois arrêts, Bahir, le premier gardien de but, ressemblait déjà à un jeune yéti tombé dans la vase.
Tom se mit à trottiner sur l’herbe pelée, en sautillant entre les flaques. Il leva le bras pour appeler la balle.
— « Oui ! …Hep ! Par Ici ! »
Aujourd’hui, pas question de passer inaperçu !
Au bord du terrain, Saïd, Karel et Monsieur Vandenberg regardaient les gamins zigzaguer sous la bruine, en multipliant les passes, les dribbles et les tirs au but. Saïd et Karel avaient enfilé un K-way bleu et jaune au-dessus de leur training. Mais l’entraîneur fédéral avait gardé son manteau de ville. Il devait visiter un autre club dans moins d’une heure.
— « Alors, ce fameux Steve, c’est lequel ? ».
Saïd était bien embêté :
— « Je ne l’ai pas encore vu. Il doit être en retard ».
Monsieur Vandenberg fit une moue contrariée.
— « Il a du mal avec les horaires et la discipline ? ».
— « Pas du tout ! » protesta Karel avec enthousiasme, « généralement, il est le premier sur le terrain ! »
Depuis le succès des frères Mpenza en équipe nationale belge, le rêve de tout entraîneur était de découvrir et de révéler la nouvelle « perle noire » (comme on écrivait dans « La Dernière Heure / Les Sports » et « L’Equipe ») qui « boosterait » demain l’attaque des Diables Rouges. Réputés pour leur pointe de vitesse et leur vivacité, les joueurs d’origine africaine avaient pris de plus en plus de place dans toutes les équipes européennes. Au grand dam d’un politicien d’extrême-droite comme Jean-Marie Le Pen qui proclamait « qu’il y avait trop de noirs dans l’équipe de France ! ».
Karel, l’entraîneur adjoint, détailla les qualités du jeune joueur :
— « On fait jouer Steve Mbanga « avant gauche », mais il sait tirer au but des deux pieds. Il a un excellent jeu de tête et le sens de la passe. Il peut effacer deux défenseurs en un seul dribble, et il n’hésite jamais à venir se replacer en défense ».
— « Il ferait aussi un très bon numéro dix », confirma Saïd , « ou même un défenseur latéral, quand il aura pris un peu de bouteille ».
Monsieur Vandenberg regarda sa montre.
— « J’aimerais bien voir une véritable phase de jeu, si vous le voulez bien. J’ai un autre rendez-vous à 19 h 30. J’espère que j’aurai l’occasion de voir votre champion à l’œuvre ».
— « Son meilleur copain est sur le terrain. Je vais lui demander s’il a des nouvelles… ».
Saïd mit les mains en porte-voix :
— « Tomas ! Tom ! ».
Tom n’en croyait pas ses oreilles ! Il venait de réussir une feinte de corps assez subtile, et son tir n’était passé qu’à cinquante centimètres du but. Et voilà qu’on l’appelait au bord du terrain, à côté de l’entraîneur fédéral !
Son cœur se mit à battre plus fort, et il trottina vers les trois hommes.
— « Dis-moi, Tomas, est-ce que tu sais si Steve a un problème ? » interrogea Saïd.
— « Non, M’sieur. Je ne l’ai pas vu aujourd’hui. Il devrait être là ».
— « C’est bien, tu peux retourner au jeu ».
Monsieur Vandenberg dû sentir la déception du gamin, car il l’encouragea avec un sourire :
— « Joli dribble, manneke ! Maintenant, montre-nous ce que tu as vraiment dans le ventre!».
Saïd fit rouler son sifflet et leva le bras pour appeler les autres garçons :
— « Match d’entraînement ! Deux fois vingt minutes ! Tom et Bahir, vous formez les équipes. »
A la fin de la première mi-temps, Tom réussit un assez joli « assist » (3). Mais ce soir-là, Monsieur Vandenberg ne vit jamais Steve sur le terrain.

(1) Créée en 1910 au Théâtre des Galeries, et souvent rejouée depuis, cette pièce fait partie du folklore bruxellois. Elle a notamment inspiré Marcel Pagnol pour écrire sa célèbre trilogie marseillaise : « César », « Marius » et « Fanny ».
(2) Le nom que l’on donne aux équipes « jeunes » des « Diables Rouges », l’équipe de foot nationale belge.
(3) Au football, un « assist » est le nom de la dernière passe « décisive » qui permet à un attaquant de marquer.

5. Toujours mardi, à 18h30, Chez Mamée

A 78 ans, Marcelle, la grand-mère d’Anna, ne s’était jamais sentie, ni très « mémé », ni très « bobonne ». Elle eût donc préféré qu’on continuât à l’appeler « Marcelle ». Un prénom un peu ingrat, certes, hérité d’un oncle métallo mort dans les tranchées en 1916. Mais enfin, c’était le sien. Par un curieux hasard, « monsieur Marcel » était aussi, pour tout le quartier, le nom du charcutier-boucher du Cimetière d’Ixelles.
Anna et Tom, son petit frère, ne s’étaient jamais habitués à cette bizarrerie langagière. Quelle parenté entre leur grand-mère et ce gros chauve jovial qui débitait des saucisses au mètre, avec un accent de Strombeek-Beveren à découper au hachoir ?
Au terme d’un subtil compromis linguistique, « mémé Marcelle » s’était ainsi métamorphosée en « Mamée ».
Tout le monde semblait aujourd’hui s’en satisfaire.
Après son troisième accident de voiture, l’année passée, Mamée avait conclu que la conduite automobile en ville était devenu une activité trop sportive pour elle. Une variante citadine du saut à l’élastique ou de la varappe en haute montagne.
Non qu’elle soit maladroite, distraite ou gaga. Au contraire, tout l’intéressait, tout la passionnait. Tout l’intéressait même un peu trop. Car sa vue baissait, ses réflexes aussi sans doute, et le monde entier semblait brusquement s’être accéléré autour d’elle.
Aussi, quand le « Django Band » s’était lancé dans l’aventure du concours télé « A Star is Born », elle avait proposé de transformer son garage en salle de répétitions.
— « Pour faire mes courses au Delhaize, deux fois par mois, un taxi fera l’affaire. Et le reste du temps, ma vieille Renault 5 sera tout aussi bien à la rue », expliqua-t-elle, pour les convaincre, autant que pour s’en persuader elle-même. « Et puis, je serai plus tranquille de vous voir répéter au garage, au fond du jardin, que de vous imaginer le soir, je ne sais où, au fond d’une cave humide, à l’autre bout de Bruxelles ! ».
Mamée avait même eu la délicatesse de présenter la chose comme un troc et un service. Pas comme un cadeau. Car si elle n’avait plus toutes ses jambes, elle avait encore toute sa tête.
— « En échange », avait-elle donc conclu, « vous m’apprendrez à me servir d’un ordinateur ! ».
Jeepé avait fait mieux que ça. Il lui avait offert son vieux PC, un ordinateur préhistorique, solide comme un poêle en fonte, avec un disque dur tout neuf. Et il lui avait donné quelques cours particuliers, avant de l’abonner, dans la foulée, à un serveur Internet.
— « Tu vas voir, c’est formidable ! », avait surenchéri Anna, « grâce au Net, tu peux communiquer avec qui tu veux, quand tu veux, dans le monde entier ! ».
— « Avec le téléphone, aussi… » avait grommelé Mamée, que les vendeurs de vent de la « révolution informatique » agaçaient au plus haut point.
Recevoir et envoyer des cartes postales, restait, pour elle, un des petits plaisirs saisonniers de l’été (« les vacances ») et de l’hiver (« les bons vœux »).
Mais l’ancienne prof de français s’était peu à peu prise au jeu.
Elle avait découvert le pouvoir encyclopédique des « moteurs de recherche » (« Anna ! …Viens voir ! Il y a déjà 48 références sur le Django Band dans Google ! »). Et la convivialité popote de ces « listes de discussion », Cafés du Commerce virtuels, où, autour d’une passion commune, quelques dizaines d’inconnus, parfois distants de plusieurs milliers de kilomètres, parlent, jusqu’au milieu de la nuit, de tout, de rien, et surtout de rien du tout.
Mamée participait ainsi à quelques discussions lettrées avec « Les amis de Colette » — cette grande romancière française du siècle passé. Elle échangeait quelques mails routiniers avec un groupe « Amnesty », en hibernation mais opiniâtre.
« Si nous ne le faisons pas, qui le fera ? ».
Et, depuis peu, en soutien aux Indiens du Chiapas, s’était abonnée à une liste de diffusion “zapatiste” qui lui rappelait Cuba et le Vietnam. Le « sous-commandant Marcos », le porte-parole cagoulé des zapatistes, lui semblait un assez bon compromis entre Zorro, Che Guevara, Jaurès et Groucho Marx.
En outre, Mamée s’était très rapidement bombardée « attachée de presse » du Django Band. Depuis, elle noyait les rédactions sous les communiqués de victoire euphoriques, et co-animait, avec Jeepé, le « blog » consacré au groupe. Après leur sélection pour la Finale, c’est ainsi elle qui avait répondu aux e-mails de leurs premiers « fans ». Pour la plupart, des ados qui fréquentaient la même école qu’eux, et qui devaient se demander pourquoi leurs messages étaient systématiquement corrigés en rouge (« un peu gonflant, ce webmaster ! »).
Comment auraient-ils pu deviner que derrière « Django » (le « pseudo » de Mamée sur le Net) se cachait une petite grand-mère de 78 ans ?
Un ancien prof qui avait corrigé plus de fautes d’orthographe, dans sa vie, qu’ils n’en commettraient, tous ensemble, dans les dix siècles à venir ? (Et pourtant, ils en commettaient beaucoup !).
— « Ding-Dong ! » fit soudain la sonnette, qui se fichait pas mal de la « révolution informatique ». Elle faisait tranquillement son travail, depuis six ans, avec un simple doigt, un bouton pressoir et une vieille pile de 9,5 volts.
— « Mousse et Jeepé ! » entendit-elle, sans surprise, dans le parlophone (quoique que Princess arrivât généralement aux répétitions avant les garçons).
Le garage avait son entrée propre, à l’arrière du pâté de maisons. Un accès direct par une cour intérieure, fermée par un porche grillagé, qui donnait directement dans la rue, à une trentaine de mètres de la maison. Mais tous préféraient sonner chez Mamée, pour l’embrasser au passage, et accéder au garage en traversant son appartement et le jardin.
Anna, qui avait habité plusieurs mois chez sa grand-mère après la mort de sa mère, avait d’ailleurs toujours « sa chambre » dans l’appartement, et ils avaient pris l’habitude de s’y retrouver avant les répétitions.
Mamée offrait toujours quelques biscuits aux musiciens et, selon l’heure et la saison, un jus d’orange, un café ou un chocolat chaud (sauf Mousse qui, par une curieuse fraternité des bulles, remplaçait la bière des « sorties » par un verre de Coca).
— « Vous êtes les premiers, aujourd’hui ! ».
Mamée entraînait déjà Jeepé vers l’ordinateur.
— « J’ai reçu le règlement complet du concours. Vous devrez être sur place, la veille, à 14 heures, pour la « balance son » (2). Et pour répéter les entrées et les sorties de scène ».
Elle mit en marche l’imprimante pour éditer le document.
— « Un assistant viendra bien sûr vous chercher dans les loges, mais ils veulent répéter les déplacements avec les caméras. La script demande aussi le chronométrage de vos trois morceaux, et les titres et les auteurs des chansons ».
« A Star is Born » avait été lancé, l’année précédente, par la Première chaîne Télé, comme une des grandes « nouveautés » de la saison, dans la foulée des « Star’Académies » et autres « Eurokids ».
Mamée trouvait que ça ressemblait furieusement aux Concours de Chansons de sa jeunesse. Celui-ci, il est vrai, avait une particularité. Il ne s’adressait qu’aux groupes de moins de dix-huit ans qui chantaient en français.
Plus de six cents participants avaient envoyé des Cd’s et des cassettes. Le Django Band avait été sélectionné parmi les 24 demi-finalistes. Les deux demi-finales avaient été retransmises en direct à la radio.
Le public — qui votait par SMS — et un jury de professionnels avait ensuite choisi les dix finalistes. Dans trois semaines, ils s’affronteraient en direct à la télévision !
— « Et alors, les gars, on glande ? »
Anna, toute rose encore d’avoir couru, entourée d’un léger halo de bruine et d’adrénaline, avait illico transformé l’appart en QG de campagne. Elle rangeait ses clés en dégrafant son bonnet andin, ouvrait le frigo en déboutonnant son manteau, fouillait son sac en embrassant sa grand-mère, et effleurait au passage la joue de Jeepé avant de s’attarder, une nanoseconde de trop, sur celle de Mousse. Qui en profita discrètement pour vérifier, d’une légère pression de la poitrine, si les seins d’Anna faisaient toujours du 3,9 gr/cm2. Affirmatif, ma générale. Mais elle fit celle qui ne se rendait compte de rien.
« Sorry pour le retard… Je suis passée chez Carole prendre la vidéo, et au retour, le tram n’est jamais arrivé. Princess n’est pas encore là ? ».
Carole, c’était la photographe du groupe. En option « Arts et Communication » dans le même Athénée qu’Anna, elle hésitait encore entre une carrière d’assistante « réa » chez Spielberg, une place de « camera women » chez les Frères Dardennes ou un parcours “free lance” de photographe de guerre. En attendant, elle filmait les répets du Django Band avec la caméra Canon familiale. Et gravait tout en DVD sur l’ordi de son frère, qu’elle soudoyait en lui présentant ses copines.
A toute vitesse, Anna tricota des deux pouces sur son GSM :
— « Princess, té où ? G la K7, C répet et G faim ! ».
Elle fixa un moment le petit écran vert fluo et liquide.
« …Message en cours. Crotte de Zut ! Elle a fermé son portable ou ses piles sont nazes ».
Mousse, qui aimait souligner les faiblesses des autres pour masquer ses propres turpitudes, tenta de faire le malin :
— « J’espère qu’elle ne nous fait pas un plan à l’africaine ! ».
— « Africain, toi-même ! », répliqua, aussi stupidement, Jeepé, qui prenait toute critique de Princess pour une attaque personnelle.
Les musiciens « blacks » avaient parfois la réputation, nourrie par de mystérieuses rumeurs, d’avoir une conception assez élastique des horaires.
— « C’est dingue ! Ils étaient programmés au « Black Lemon » à 20 heures, et ils se sont amenés à 22 heures ! ».
Mais la remarque était d’autant plus déplacée que Princess était la ponctualité même, alors que Mousse, notoirement fâché avec sa montre, accumulait les retards avec une régularité qui usait toutes les patiences. Jeepé aussi, d’ailleurs, ceci dit en passant. Mamée sentit que la discussion était en train de déraper.
— « Venez m’aider à porter les assiettes, au lieu de dire des bêtises ! On va toujours s’installer dans le divan et se regarder la vidéo en mangeant un morceau de tarte… ».
Carole avait préparé un « bout à bout » des chansons, un montage sommaire, qui proposait trois ou quatre versions de chaque morceau. C’était un document brut, en plan fixe, sans effets, filmé sous la lumière crue d’une lampe au néon. Mais on y retrouvait pourtant déjà ce qui faisait le charme et l’énergie du groupe, cette « alchimie Benetton » qui avait tant séduit le public en demi-finale.
Sur le flanc gauche, la contrebasse. Jeepé, les yeux fermés, en douceur, du bout des doigts, renvoyait chaque note avec la rage liftée d’un joueur de tennis qui aurait fumé la pelouse. « Le grand blond ténébreux ». Sur le flanc droit, assis sur un tabouret bas, la banane toujours aux lèvres, Mousse moulinait ses solos comme s’il faisait des blagues, sur une guitare qui semblait un peu trop grande pour lui. « Le petit brun sympathique ». Il chantait aussi les « secondes voix », avec cet accent métisse hérité du rap, qui colore le Français des jeunes flamands et polonais de Molenbeek comme s’ils étaient nés du côté de Marrakech. L’accent d’une génération plus que celui d’un pays.
Entre les deux garçons trônait Anna, méditerranéenne et nordique, cœur battant et cheveux au vent, déesse Shiva du groupe.Elle présentait les chansons, indiquait les tempos, lançait les morceaux, attentive à tous et à chacun, et pointait sa guitare vers la caméra avec le charme insolent d’une guérillero latino. Une « belle des champs » déguisée en pasionaria rebelle. Pour un sourire d’elle, c’est sûr, sa troupe se serait fait tuer sur place, et le public avec elle.
En contrepoint, minérale et aérienne, presque effacée derrière une voix grave et un peu rauque, Princess attirait le regard par un étrange mélange de grâce et de maladresse. Cool jusqu’à l’indolence, et pourtant rythmiquement chronométrique, la voix de Princess surfait sur les guitares croisées pour sensuellement rendre tout son « swing » au phrasé des mots. Ses yeux, son visage, son corps même, semblaient se fondre dans la musique. La petite fille cachée de Django et de Billie Holiday. Une « Princess », oui, une princesse noire en baskets, qui un soir, c’est sûr, règnerait sans partage sur le peuple en délire du Djangoland !
Ce que Carole avait filmé, c’était la grâce même. L’énergie de la jeunesse et la mélancolie de la musique, miraculeusement mêlées.
Et pourtant, en secret, chaque membre du Django Band se jugeait comme son pire ennemi.
— « J’ai l’air complètement con, comme ça, avec les yeux fermés. On dirait que je m’endors, tellement ça m’emmerde… Aïe ! Mon ré bémol. Trop bas, trop bas ! T’es nul, mon vieux ! » (Jeepé).
— « Hideux. Mes bras sont hideux. Sur la guitare, on dirait mes cuisses ! …Et ce chemisier ! Ca ne va pas du tout. Oh ! la la… On ne joue pas ensemble, là ! Mais qu’est-ce qu’il fout, Mousse, à cavaler comme ça ? » (Anna).
— « On n’entend pas mes solos : ils jouent beaucoup trop fort. Et ça traîne, ça traîne… Ouais, bon, là j’ai raté une marche. C’est ça, souris, hypocrite ! Souris ! Je crois que je vais gagner le concours du sourire le plus idiot… » (Mousse).
Si Princess avait été là, c’est sûr : elle se serait flinguée avec autant d’enthousiasme. Mais il était passé 20 heures, et Princess n’avait toujours pas donné de ses nouvelles.
A la fin du DVD, il y eut comme un blanc. Un silence. Anna sentit un grand vide s’ouvrir en elle. Avant même que son cerveau ne comprenne exactement ce qui se passait, un petit animal terrorisé était venu se nicher dans sa poitrine. Et c’est d’une voix de petite fille qu’elle dit :
— « Ce n’est pas normal. Il a dû arriver quelque chose à Princess ».

Claude Semal (1/3 – Premier épisode. La suite la semaine prochaine)

NB: “Princess” a été publié en 2007 par les Editions Averbode dans une collection destinée aux adolescents.

(2) La « balance son » fait partie de la préparation technique d’un concert. On vérifie le câblage des instruments et on répartit les « micros voix » entre les chanteurs. Le groupe joue ensuite deux ou trois morceaux pour tester la sono. L’ingénieur-son, derrière sa « table de mixage », filtre les sons qui lui parviennent, et les amplifie ou les diminue pour que l’ensemble « sonne » agréablement dans la salle. C’est lui qui est responsable, aussi, du niveau sonore de l’amplification. C’est un boulot très délicat, qui peut ajouter une « touche magique » à la musique… ou au contraire, flanquer tout un concert en l’air ! La plupart des groupes finissent d’ailleurs par avoir leur propre sonorisateur.

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