PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS (TANT QUE LE LOUP N’Y EST PAS).

Quelques centaines de jeunes bavardant au soleil, assis dans l’herbe au Bois de la Cambre, profitant avant l’heure de la douceur des premiers jours du printemps.
Voilà l’horrible image, la profanation sanitaire, le crime en bande organisée, qui depuis le week-end passé fait pousser à quelques commentateurs les cris d’orfraie d’un gendarme qui se serait coincé les plumes dans la charnière d’une tabatière.
« Il va falloir resserrer la vis », matamore aussitôt Philippe Close, le Bourgmestre de Bruxelles, en roulant des sourcils et des clavicules.
Et des centaines de petits caporaux marmonnent aussitôt dans son sillage, sur les réseaux sociaux, des myriades de « peut pas », « pas bien », « c’est à cause de vous qu’on ».
Merci les gars. C’est rassurant. En Belgique, en tout cas, on ne manquera jamais de gardiens de prison.
Purée. On ne pourrait pas un peu leur lâcher la grappe, à ces jeunes ?
Les laisser danser au soleil dans les bois, seins nus sous la blouse, sans leur envoyer illico trois combis de gendarmerie pour saisir deux autoradios et taxer la jeunesse 250 boules la canette ?

Education permanente ou autoritarisme sanitaire

Bien sûr, quand j’en vois trois se partager une bouteille de bulles au goulot, je sais bien que, question prophylaxie, c’est une connerie. Mais à force d’interdire tout et son contraire, à force de prêcher l’obéissance aveugle comme seule curation, à force d’ériger l’absurdité en loi et l’impuissance vaccinale en système, on a totalement déconsidéré la parole publique. Puisque tout est interdit, tout devient désobéissance. Puisque tout est absurde, plus rien n’est respecté.
Moi, je n’oublie pas le coronavirus. Je ne le sous-estime pas. Et c’est précisément pour cela qu’il faut je crois pouvoir distinguer le nécessaire de l’accessoire et de l’inutile. Qu’il faut faire appel à notre intelligence collective plutôt qu’à une obéissance de principe. Porter un masque quand tu marches seul le soir en rue, par exemple, est totalement absurde. Qui peux-tu contaminer ? Personne. Par qui peux-tu être contaminé ? Par personne. Or ce « crime » est aujourd’hui facturé 250 euros.
On nous dit : « Il faut aérer les pièces ». OK. Mais dites-moi, qu’y a-t-il de plus aéré qu’une plage ou une prairie en plein air ?
« Les risque de contagion sont dix-huit fois moins élevés à l’extérieur qu’à l’intérieur » (Journal Of Infections Diseases, 15/2/2021).
« Une étude d’avril a identifié un seul cas de transmission extérieure, en Chine, sur plus de 7000 cas étudiés » (L’Express, avec l’AFP, 13/10/2020).
« Il ne peut pas y avoir de transmission par aérosol à l’extérieur » (Antoine Flahault, épidémiologiste à l’Université de Genève, France Culture, 16/10/2020).
Je sais bien qu’on peut trouver, sur internet, tout et son contraire. Mais ces trois sources me semblent relativement fiables. Dans la vaine quête du « risque zéro », faut-il vraiment, comme l’a joliment dit la comédienne Anne Van K, « échanger le faible risque de mourir contre la certitude immense de ne pas vivre » ?

Une nouvelle thérapie : interdire les bains de mer.

Ainsi, en France, le débat sanitaire tourne à la guignolade – avec l’interdiction d’accéder aux plages, ou l’obligation d’y porter un masque.
Dans le quotidien Sud-Ouest, le Dr Guillaume Barucq, généraliste à Biarritz, s’emporte : « Confiner le littoral, c’est du délire » (22/2/2021). Sur son compte Twitter, il développe : « Nous avons renoncé à la science, et à la liberté. L’air marin est reconnu pour ses bienfaits sur la santé respiratoire. Les sprays à l’eau de mer, qui reproduisent son action, ont montré leur efficacité contre les infections virales. En limiter l’inhalation par un masque va à l’encontre de l’objectif recherché » (27/2/2021).
Un de ses abonnés surenchérit : « Quelle absurdité ! Comment se passer de l’air iodé, des bains de soleil (vitamine D), des bienfaits de l’exercice physique sans contrainte, comment oublier ces vertus que sanatoriums et hôpitaux marins utilisaient pour lutter contre le rachitisme, la tuberculose,… ».
Oui, comment ?
En allant habiter à Nice, où toute la ville vient d’être reconfinée, et où le couvre-feu, comme partout ailleurs en France, s’impose à dix-huit heures – à ce qui était autrefois, dans un autre monde, « l’heure de l’apéro » aux terrasses des cafés.
Le reportage de Gilles Rof, l’envoyé spécial du Monde, est glaçant : « Pour votre santé et celle de vos proches, évitez les déplacements et restez confinés ». Il est huit heures du matin, et d’une voix métallique, le message tombe du ciel. Ou plus précisément, du réseau de haut-parleurs disséminés par la municipalité dans tout le centre de Nice, en complément des 3419 caméras de surveillance. La Côte d’Azur est reconfinée ». Qui a envie de vivre ou mourir dans ce monde-là ?
Bien sûr, on peut comprendre l’angoisse des services de santé débordés, et la panique des autorités responsables.
Mais je serais eux, j’irais d’abord essayer de comprendre pourquoi et comment, à 20 kilomètres à vol d’hirondelle, la Principauté de Monaco semble totalement maîtriser l’épidémie depuis près d’un an.
Comme ce 17 février, où les autorités sanitaires monégasques peuvent tranquillement annoncer, dans leur bulletin quotidien, « 29 nouveaux cas positifs, 28 guérisons ». De meilleurs protocoles médicaux ? Une meilleure gestion des contaminations ? Une autre façon de compter ? J’aimerais le savoir. Nous aimerions tous le savoir. Avant d’enfermer toute la France en prison, cela vaudrait peut-être la peine d’aller y jeter un œil, non ?

LE POLITIQUE, LA BULLE, LE JACUZZI

L’autre « scandale » qui a fait mousser cette semaine les commentateurs, c’est donc le vrai-faux « aveu » de Jean-Marc Nollet sur l’élasticité de sa « bulle » familiale, et le « couple » d’amis qui aurait ainsi frauduleusement franchi sa porte.
Certains y ont vu une atteinte à sa « vie privée ».
Mais cela ne relève pas de la “vie privée” de respecter la loi (ce serait la même chose s’il battait ses enfants à la maison).
Et si la loi est inadaptée, n’est-ce pas de sa responsabilité d’homme politique de la changer, plutôt que de prétendre s’y soustraire ?
D’autres ont plutôt plaidé l’accès de « sincérité ». Jean-Marc serait simplement humain, tellement humain.
Je crois plutôt qu’il applique ici la vieille tactique médiatique de “Gloub” (Georges-Louis Bouchez) : “critiquer” des mesures que le MR et ECOLO ont eux-mêmes prises et acceptées dans les divers gouvernements auxquels ils participent.
Je ne crois donc pas à un abcès de sincérité, mais à un prurit d’électoralisme.
Quant aux 250 euros d’amende qu’il s’est très hypothétiquement engagé à payer, comme un petit luxe de petit caprice bourgeois, j’aurais préféré l’entendre dire que cette somme, pour un ménage modeste, est scandaleusement impayable – car elle leur ôte littéralement le pain de la bouche. Bon. Voilà. J’y ai moi aussi été de mon petit commentaire.
Mais à vrai dire, la bulle de Jean-Marc, je m’en bats l’œil, la prostate et les coucougnettes. Car tant qu’on saturera les média et les réseaux sociaux avec des photos de jeunes dans les parcs, avec leurs papiers gras dans l’herbe, et avec les politiques qui s’astiquent à deux ou à trois dans les bulles du jacuzzi, on ne parlera pas de l’industrie pharmaceutique qui ne livre pas ses commandes, ou de l’organisation désastreuse des vaccinations à Bruxelles. On donne du grain à moudre à ceux qui aiment dénoncer leurs voisins, plutôt qu’à celles et à ceux qui aimeraient simplement pouvoir se réapproprier le printemps.

Claude Semal, le 28 février 2021.

NB: Comme madame la Ministre Bénédicte Linard l’a annoncé, le printemps revient pour le culture. Je me suis donc remis au piano.

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