RESTE AVEC NOUS par Pascal Maillart

Je reviens de Sainte-Soline.
Je reviens de manif.
Je reviens de contrôle d’identité aller, réquisition du procureur.
Je reviens après avoir ôté mes protections, ce n’est plus envisageable de manifester sans.
Je reviens d’une manifestation où les observateurs de la Ligue des Droits de l’Homme ressemblent aux observateurs des droits fondamentaux dans des pays lointains, où ces droits sont bafoués quotidiennement.
Je reviens de ce territoire absurde où l’on peut masser 3 000 flics pour protéger un cratère pensé pour que quelques-uns s’accaparent l’eau de tous.
Je reviens d’un lieu où l’État montre son visage comme il le fait dans les banlieues ou dans les stades depuis belle lurette.
Je reviens de contrôle d’identité retour, réquisition d’un autre procureur, je ne suis plus, potentiellement mal intentionné, mais terroriste cette fois, moi le terrorisé par la débauche de violence à laquelle j’ai assisté.
Je reviens et tu ne reviens pas, et tu ne reviendras d’ailleurs peut-être pas.
« Reste avec nous. »
Il y a ton corps qui se convulse dans les bras des medics.
Il y a cette femme médecin qui appelle le SAMU au téléphone, SAMU qui ne vient pas car ta vie importe peu, visiblement.
Il y a ces médecins militaires, équipés mais pas pour nous, qui sont à côté, de l’autre côté de la ligne. Des médecins pour prendre soin des sbires de l’Etat, du capital et du cratère. Ils finiront par arriver près de toi, peu avant le SMUR.
Reste avec nous disent toutes ces voix pour que tu te raccroches à la vie dans cet univers nécrophile.
Et je les entends car nous faisons un cordon autour de toi, d’eux, pour que les premiers secours ne soient pas troublés par la terreur alentour, les grenades qui pleuvent, les manifestants tranquilles apeurés par l’irruption des flics sur quad qui déboulent à revers sur la manif, pleins de grenades et de gaz, encore.
Parce que pour nous c’est la vie qui est à protéger.
Reste avec nous camarade
Je reviens et je n’ai pas été danser à Melle.
Je reviens et me pose quelques questions sur nos formes de lutte.
Je reviens en souhaitant que le respect du vivant soit intégré à celles-ci, à nos modes d’actions et que la nécrophilie de l’époque ne nous gagne pas, que le romantisme de l’émeute n’égare pas la jeunesse dans les bras de la police.
Parce qu’ils sont prêts à tout pour préserver les privilèges de quelques-uns, nous devons être prêts à tout pour protéger la vie, les nôtres, la tienne.
Reste avec nous camarade !
Que nos larmes ne remplissent pas leurs bassines !

Pascal Maillart (sur son blog Mediapart)

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