SDF : UN PEU PLUS À LA RUE ?

Le 7 juillet, est sortie une nouvelle circulaire signée par les ministres fédéraux Annelies Verlinden (CD&V, Intérieur) et Karine Lalieux (PS, Pensions et Intégration Sociale).
Cette circulaire concerne « l’adresse de référence » des SDF belges.
Les ministres plaident une volonté de « simplification » et « d’uniformisation » des pratiques des CPAS.
Mais comme Bernadette Schaeck vous le signale presque chaque semaine dans l’Asympto, ce qui semble surtout motiver les autorités fédérales comme les CPAS, c’est l’obsession de la « traque » d’une « fraude sociale » souvent fantasmagorique.
Conséquences ? Des chausse-trappes administratives qui affament un peu plus des familles déjà très fragilisées par la vie et par l’absence de revenus.
Dans ce cas-ci, il semble que ce soit l’élargissement de la notion de « cohabitant » aux titulaires d’une « adresse de référence » qui puisse décourager les bonnes volontés, et isoler un peu plus les sans-abris qui auraient pu en bénéficier.
Interview de José Parades, membre de l’Union Bruxelloise des SDF.

Claude : Au début juillet, une nouvelle circulaire est sortie concernant « l’adresse de référence » des SDF. Peux-tu nous dire de quoi il s’agit ?

José : Quand tu as tout perdu et que tu te retrouves à la rue, tu n’as par définition plus de domicile, donc plus d’adresse. Or il t’en faut impérativement une pour avoir une carte d’identité ou une mutuelle, ou encore pour pouvoir bénéficier de certaines aides sociales.
« L’adresse de référence », qui peut soit être localisée dans un CPAS, soit chez un particulier, est une adresse « virtuelle » qui te permet ainsi de rester administrativement « en ordre » avec tous ces organismes, et donc de ne pas sortir complètement des radars.
Cela a été à l’origine une des principales conquêtes du Front Communs des SDF au début des années 90.
En s’inspirant du statut administratif de certains métiers itinérants, comme la batelerie, ils avaient pu obtenir cette « adresse administrative » pour les SDF. Car sur une péniche non plus, tu n’as « pas d’adresse » fixe.

Claude : Qu’est-ce que la nouvelle circulaire va concrètement changer pour les SDF ?

José : On doit encore analyser à fond le document pour examiner toutes les conséquences pour les SDF. Mais on peut déjà constater que les deux ministres concernés ont sorti cette circulaire au début de l’été sans aucune consultation des associations de terrain. Et dire aussi que son effet sera de rendre plus ardu l’accès à cette fameuse « adresse de référence ». Donc de rendre la vie encore plus difficile pour des milliers de sans-abris.
Or cette « adresse », c’est vraiment le dernier rempart quand on a tout perdu et qu’on se retrouve à la rue. Et cela peut arriver bien plus vite qu’on ne le croit.
Un couple qui se sépare et l’homme qui laisse l’appartement à la femme et aux enfants –et il n’a plus d’adresse. Une femme ou un homme qui perd son boulot, ne sait plus payer son loyer et se fait expulser de chez lui – et il ou elle n’a plus d’adresse.
Je ne sais pas si les ministres se rendent bien compte des milliers de drames sociaux qu’ils sont ainsi directement en train de provoquer.

Claude : Qu’est-ce qui fait que tu t’es intéressé ainsi aux droits des SDF ? Tu es toi-même passé par la case « rue » ?

José : Je n’aime pas parler de ma vie privée. J’ai connu des périodes de galères, mais depuis toujours, j’ai été impliqué dans la vie syndicale et dans diverses luttes sociales.
Je suis d’origine espagnole, mes grands-parents baignaient là-dedans, et j’ai toujours combattu l’injustice sous toutes ses formes. C’est ce que je continue à faire.
Maintenant, depuis plusieurs années, je travaille dans une école et j’ai un emploi, mais je trouve scandaleux qu’on puisse laisser des gens dormir à la rue.
Ce sont peut-être des mots un peu « bateaux », mais avoir un toit, un peu de chaleur, un peu de réconfort, c’est vraiment le minimum, et c’est absolument fondamental pour tout être humain.

Claude : Quelles est dans l’immédiat votre première revendication ?

José : Geler cette circulaire et négocier avec les associations de terrain. Avoir une « adresse de référence » ne résout évidemment pas tous les problèmes, mais c’est un premier pas pour sortir de la galère. Et il est scandaleux qu’on puisse vouloir en priver celles et ceux qui rament aujourd’hui, pour les regarder ensuite se noyer demain.

Propos recueillis par Claude Semal le 30 août 2023 à la Brasserie « Verschu ».

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