SOUS EMPRISE par Laurence Dudek (sur sa page Facebook)

J’ai reçu une jeune femme qui vit une histoire avec un homme dont elle venait me consulter pour savoir si elle était “à sa hauteur” (se sont ses termes). “Est-ce que vous faites de l’hypnose pour s’améliorer quand on n’y arrive pas soi-même ?” (1). Donc, le monsieur en question lui dit sans arrêt (chaque fois qu’ils sont ensemble, d’ailleurs il ne dit quasiment rien d’autre) qu’elle ne fait pas tout ce qu’il faut pour être aimée complètement par lui. Il la compare à d’autres femmes, soit qu’il connait, ou dans la rue, ou sur internet… qui sont “mieux qu’elle”, il lui dit qu’elle devrait faire du sport, s’habiller plus sexy (ou moins vulgaire au choix selon qu’elle suit ses conseils car il n’est jamais satisfait), être prête à l’accueillir n’importe quand avec bonheur (c’est à dire à répondre au téléphone à 4h du mat alors qu’il ne lui a pas donné de nouvelles depuis deux semaines)…

Il lui dit aussi qu’elle n’a pas besoin de voir d’autres personnes que lui pour être heureuse, ni d’accepter une promotion dans son travail, puisque quand il l’épousera elle sera riche : ça fait deux ans qu’il lui dit ça mais elle ne sait pas trop ce qu’il fait professionnellement, il lui a dit “homme d’affaire”, mais qu’il n’aime pas parler de boulot en dehors du boulot. D’ailleurs quand elle veut parler de son boulot à elle, il la coupe et change de sujet. Et en creusant un peu avec elle, elle finit par arriver au constat qu’il ne l’écoute jamais parler, sauf quand elle parle de lui pour l’encenser ou le conforter dans ses dires.
Il lui dit aussi qu’elle ne peut pas rencontrer sa famille ni ses amis parce qu’ils sont trop loin, parce qu’elle n’est pas encore assez présentable, qu’il ne voudrait pas les décevoir, et que lui ne veut pas non plus rencontrer les siens parce que leur relation n’est pas encore officielle, qu’il ne voudrait pas lui donner de faux espoirs, etc… Et elle n’ose pas en parler autour d’elle parce qu’elle sent bien que les gens vont la juger et parce qu’elle a honte d’elle-même, alors du coup elle ne dit pas tout ce qu’il lui fait, elle dit à tout le monde qu’il est très gentil (c’est ce qu’elle a commencé par me dire à moi aussi), d’ailleurs tout le monde le trouve très gentil…

J’écris cet article à la suite des nombreux commentaires au sujet de ces femmes abusées qui se révèlent publiquement (Judith Godrèche et d’autres moins célèbres), parce qu’à la lecture de ma description, il serait tentant de se laisser aller à penser “oui mais quand même, elle a un grain de se laisser faire…”. Ben oui, mais non, et pas du tout même : l’aliénation amoureuse est un piège bien rodé, une prédation dont personne n’est à l’abri (sauf à être bien prévenue et/ou l’avoir vécu soi-même, et parfois même plusieurs fois).
Je connais peu de femmes qui n’ont pas été , même un tout petit moment dans leur vie, sous l’emprise d’un prédateur amoureux. Oui, je sais, il y a aussi des hommes qui sont victimes et des femmes qui sont malfaisantes, cela n’est pas comparable, ni en proportions ni en violence, et ça n’est pas le sujet : si quand vous lisez ces lignes votre première réaction est de commenter “oui mais…” vous risquez fort de faire diversion pour noyer le poisson : ne faites pas ça, vous seriez mal accueilli.e ici.

Pourquoi les hommes adultes sont-ils plus souvent abuseurs qu’abusés ? Sans doute parce que le système patriarcal phallocratique (ça doit être un peu un pléonasme ça tiens) favorise la domination et la construction perverse (qui prend plaisir à faire mal) des personnes qui ont une queue entre les jambes (même une tout petite queue), il la favorise, la valorise et il la protège.
Aujourd’hui Judith Godrèche ouvre une porte en grand, car son histoire est imparable (même si l’on trouve malgré tout des abuseurs-friendly à l’affût pour dire anonymement sur les réseaux qu’elle était consentante) en raison de son âge à l’époque, qui rend illicite la relation qu’elle dénonce ainsi que de la notoriété de cette relation qui ne peut donc pas être niée.

Beaucoup de femmes adultes, donc présumées consentantes, se font violemment nier et rembarrer, y compris par les institutions qui devraient les protéger, quand elles dénoncent leur vie d’emprise, a fortiori quand il y a comme enjeu des enfants dont leur bourreau se sert pour maintenir leur mère en détention : le syndrome d’aliénation parentale, une pure invention misogyne (un synonyme de psychanalytique), fait partie de cet arsenal. La preuve ? Il n’est jamais invoqué au tribunal que dans un seul sens (on n’accuse jamais un père d’aliéner ses enfants contre leur mère).
Revenons à cette jeune femme donc, qui vient me voir pour s’améliorer afin d’être mieux aimée par son bourreau. Elle est au tout début de son chemin de libération de ses conditionnements à la servitude volontaire par amour.
Elle est sortie de l’isolement (puisque je l’accompagne) mais pas encore de la peur ni de la honte, ni de la pression sociale, de la complicité tacite de son entourage, du jugement qu’elle craint (à juste titre)… ça viendra.

Laurence Dudek (sur sa page Facebook).

(1) J’en reçois régulièrement, des jeunes et des moins jeunes, cet exemple est un modèle de description : il est bien évident que je ne dévoile rien d’une personne réelle en thérapie et qui pourrait se reconnaître. Pourtant vous vous reconnaitrez peut-être car cette histoire existe à des milliers d’exemplaires.

On peut lire aussi : Interview de Laurence Dudek BIENVEILLANTE DANS UN MONDE DE BRUTES  ou Interview de Laurence Dudek : REVOLUTION DANS LA PSYCHOPÉDAGOGIE . Et même ADRIEN ET NOUS, FACE À NOUS-MÊMES par Laurence Dudek

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