UN ENTERREMENT EN RASE CAMPAGNE par Hugues Le Paige

Belgique : Le jour où le PS — et Ecolo — ont enterré la journée de huit heures !

« Les syndicats ont rouspété, le FEB aussi. On se dit que quand les deux rouspètent, c’est bon… »
Elio Di Rupo, Ministre Président — socialiste — de la Région wallonne, Président pendant 20 ans du PS (1999-2019) à propos de l’accord gouvernemental sur la nouvelle flexibilité du travail (1).
Outre qu’ils ne reflètent pas la réalité (alors que le patronat se frotte ouvertement les mains, la FGTB, par la voix de Thierry Bodson, parle de “coup de couteau assassin” (2) ), ces propos auraient pu être tenus par n’importe quel dirigeant de centre-droit (3).
À mi-chemin entre les syndicats et le patronat : voilà désormais le discours et la ligne politique du PS qui témoignent de la dégénérescence idéologique d’un social-libéralisme privé de tout repère.
Il ne faut pas se leurrer, ce que Di Rupo présente comme “ une conquête ” (4) est une des plus grandes défaites de la gauche depuis des décennies. La nouvelle flexibilité du travail adoptée par la Vivaldi – 4 jours par semaine avec des journées jusqu’à 9 h 30 — est la condamnation définitive de la journée des 8 heures, la mère des conquêtes du mouvement ouvrier. Un principe jusqu’ici intangible qui permettait encore de limiter les dérives de l’ultralibéralisme.
Le PS a ouvert la voie à tous les dérèglements. C’est là le plus beau cadeau offert au patronat. Le PS et Ecolo qui sont dans le même bateau en perdition (dont ils seront les premières victimes électorales) ont donc abandonné en rase campagne la revendication phare de la réduction collective et du partage du temps de travail (5).
On ne comprend même pas l’absence de réflexion de ces partis « progressistes » sur ce que cela représente en termes de perte d’identité pour eux et de désarroi qu’ils provoquent chez ceux qui leur avaient encore accordé leur confiance.
De plus, ils alimentent ainsi le rejet de la politique.
N’oublions pas que la séquence Di Rupo avait été précédée par la séquence Magnette. Pour rappel, le successeur de Di Rupo, adepte averti du second degré, s’était prononcé pour l’interdiction de l’e-commerce alors que le parti qu’il préside s’était battu bec et ongles pour obtenir l’installation d’Ali Baba à Liège.
Nous n’avions rien compris : Magnette faisait de l’humour. Mais les nouvelles normes en matière de flexibilité auxquelles il a ensuite paradoxalement souscrit sont tous sauf une comédie.

Hugues Le Paige,
avec l’aimable autorisation de l’auteur

Son blog : https://leblognotesdehugueslepaige.be/rubrique/blog/

[1] Le Soir du 19 février 2022
[2] Mais d’autres représentants syndicaux et de mouvements associatifs dont la Ligue des Familles s’y’opposent également.
[3] Il faut rappeler que dans les années 90, Elio Di Rupo, salué par toute la droite pour son « courage », privatisait allègrement au nom de la « consolidation stratégique »
[4] A noter, tout de même, que c’est le seul dirigeant socialiste à avoir osé utiliser cette expression.
[5] Voir à ce sujet l’éditorial de Pascal Lorent dans le Soir (peu suspect de complaisance avec les syndicats) du 16/02/22 : « Marché du travail : un accord plus difficile à digérer à gauche »

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