UN SPECTRE EN BURKINI

En ce beau mois de mai, un spectre hante la France. L’inflation galopante? La montée inexorable de l’extrême-droite? Le recul de l’âge de la retraite? Que nenni! Ce qui fait trembler le pays, c’est la possibilité que certaines femmes aient le droit de nager en burkini.
Le sujet revient chaque année ou presque : la présence de femmes en burkini dans la mer, voire sur la plage, est-elle une atteinte intolérable à la laïcité ? La question faisait déjà polémique en 2016, comme le rapportait le Monde. En 2019, une action militante a provoqué l’intervention de la police et la fermeture d’une piscine parisienne. Le même genre de polémique a surgi l’an dernier autour de la piscine en plein air d’Anderlecht.

Liberté vestimentaire

Cette année, la “menace” se matérialise par le projet de la municipalité de Grenoble d’autoriser le burkini à la piscine de la ville.
Les médias s’emparent de l’affaire, des locaux aux nationaux, du Figaro à Libération, signalant, ou pas, qu’il s’agit avant tout de liberté vestimentaire. Invitée de France Inter le 14 mai, l’écologiste et candidate sur les listes Nupes Sandrine Rousseau se voit interpellée sur le sujet, en tant que féministe.
A noter que même l’article de BFMTV, relativement neutre contrairement à bien d’autres qui s’indignent avant d’informer, figure dans la rubrique “religions”, alors que ce sont bien les “injonctions vestimentaires” concernant les femmes qui sont en cause, sujet éminemment politique (ou à la rigueur, rubrique “société”)
De son côté, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Eric Woerth, monte sur ses grandes bouées pour menacer de couper des subventions à la ville.
Le maire de Grenoble, Eric Piolle, remet la polémique dans son contexte: le règlement des piscines devrait être “juste un progrès social pour que les femmes puissent venir se baigner les seins nus comme les hommes et pour que les maillots couvrants pour se protéger du soleil soient autorisés, et pour que les burkinis soient autorisés aussi“. Eh oui, le règlement en discussion autoriserait aussi les seins nus, ce qui peut passer difficilement pour une revendication des Frères Musulmans. Et si les féministes sont divisées sur le sujet, on peut tout de même se demander si l’interdiction du burkini pousse les femmes concernées vers la liberté (sous forme de maillot une ou deux pièce) ou vers le repli, en les privant des joies de la baignade ou plus grave encore, en les empêchant d’apprendre à nager.
A noter enfin que le burkini est autorisé à Rennes depuis 2018, sans avoir transformé la ville en capitale de l'”islamogauchisme”.

PS: Après un débat serré, le nouveau règlement a été adopté ce lundi 16 mai. Le texte interdit les shorts et les tee-shirts flottants, pour raisons d’hygiène, mais autorise des “tissus spécifiques à la baignade, ajustés près du cors”, pouvant couvrir les bras et les jambes. Ce qui autorise de fait le burkini.
Aussitôt Laurent Wauquiez, le président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé la suspension de toutes les aides régionales à la ville de Grenoble. On n’a pas fini d’en parler, en pleine campagne pour les législatives.

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