UN STATUT “D’ARTISTE” OU UNE MACHINE À EXCLURE ? * par Émilienne Tempels

La comédienne Émilienne Tempels est sans doute une des personnes qui connaît le mieux le projet de nouveau “statut d’artiste” aujourd’hui proposé par le gouvernement fédéral.
C’est à la fois une guerrière et une diplomate, qui ne craint ni d’aller au feu, ni d’aller au charbon, ni d’aller à la table de négociation.
Avec le groupe féministe F(s), elle a analysé en profondeur les 120 pages du pré-projet.

Avant cela, elle avait participé “au culot” à (presque) toutes les réunions préparatoires du WITA. Et comme seule membre “artiste professionnelle” de l’actuelle Commission Artiste, elle a analysé et a pu discuter des centaines de cas concrets.
Bref, elle sait de quoi elle parle. Elle connait son sujet. Et elle connait son combat.
Voici le texte complet de son intervention à la soirée de mobilisation “Culture en Lutte” de Liège du lundi 30 mai.

Claude Semal

Bonjour à toutes et à tous,
je vous préviens je vais être un peu longue, mais je pense que c’est nécessaire pour saisir certaines nuances de cette réforme sur la table. Par ailleurs, vu que je suis la seule femme, je pense que ce n’est que justice ;-).
Tout d’abord je me présente. Je suis Emilienne Tempels, comédienne/chômeuse, 38 ans. J’ai fait mes études ici au Conservatoire de Liège, et puis un master en ciné documentaire à l’Ulg.
J’ai obtenu la non dégressivité des allocations de chômage en 2013, in extremis avant le durcissement de la loi que nous subissons aujourd’hui.
Je suis membre du collectif F.(s), un collectif en mixité choisie sans hommes cis qui existe depuis 2018, et qui se propose d’abolir le patriarcat d’abord dans la culture, et nous espérons, par ruissellement dans l’ensemble de la société.
Avec F(s), nous avons créé un groupe de travail sur le statut depuis 2 ans maintenant (avec des femmes de disciplines différentes : théâtre, musique, arts plastique, métiers techniques, assistantes, danseuses, etc…).
Et clairement, femmes-précaires, se ramassant au quotidien les inégalités de traitement dont souffre le deuxième sexe dans notre secteur. Et du coup, expertes de la précarité.
Je siège également dans la Commission Artiste actuelle, depuis le 2 septembre 2020, et j’y suis la seule artiste professionnelle. J’y reviendrai.

LA PLATE-FORME “WITA”

Tout d’abord je vais vous parler du processus de Working In the Arts, la fameuse plateforme WITA.
En avril 2021, il y a un peu plus d’un an maintenant, les cabinets Dermagne, Vandenbroucke et Clarinval ont pris en charge l’organisation de la « consultation du secteur » dans le cadre de la réforme, et de l’accord du gouvernement du 30 septembre 2020 qui prévoyait qu’ « en concertation avec le secteur et les partenaires sociaux comment poursuivre la réforme du statut social des artistes » et à formuler « des propositions précises, objectives et justes pour les artistes actuels et en devenir, qui valorisent l’ensemble des étapes du travail de création, de la répétition à la représentation, publication et vente. ».
Il y a eu des auditions à la Chambre le 29 mai 2020, ainsi que le 20 janvier 2021. J’ai eu l’occasion de faire un discours le 20 janvier, pour présenter notre proposition de statut idéal, découlant de l’enquête menée par F(s) via un questionnaire qui fait état d’une participation de 554 professionnel.les du secteur.
Ensuite, nous avons entendu parler du groupe WITA et F(s) n’était pas invitée.
Nous avons fait un travail de lobbiyng très intense pour faire partie du groupe, au début ils ne voulaient pas du tout, puis ils ont accepté que j’assiste juste en temps qu’experte sur la commission, et ensuite ils ont fini par céder et nous accepter. J’ai juste manqué la première réunion.

Les participant.es au WITA étaient des représentant.es de fédérations, sociétés, ASBL ou collectifs tels que F(s), ATPS, SOTA, Acteursguilde, Stepinlive, SACD, Artists United, Amplo, UPACT, STEPP vzw, l’Atelier des Droits sociaux, Kunstenpunt, AEPO-ARTIS.
Au total, il y a eu une vingtaine de réunions, à un rythme très soutenu tous les mardis et les jeudis de 9h à midi et également une réunion de finalisation de 9h à 18h.
D’emblée, le scénario était assez clair.
Les mardis étaient consacrés à la réforme “volet chômage”, chapeautée par Cédric Norré du cabinet Dermagne, et les jeudis à la réforme “volet commission”, chapeautée par Floris Tack et Tom Kestens du cabinet Vandenbroucke.
Avec de tels intitulés, il n’était pas question de se pencher sur des scénarios qui sortent du chômage. Exit l’idée d’un genre de fonctionnariat, ou d’un salaire à vie, ou d’un revenu inconditionnel, exit l’idée d’un Bureau Social pour Artiste qui serait géré par l’État, exit l’idée de créer une 8 ème branche de la sécurité sociale spécifique… Et donc, exit un vrai statut.

Le projet qui allait en découler était donc quadrillé : la réforme, ce sera chômage et commission. Les premières réunions, tout le monde y est allé de son scénario, de ses constats et ses doléances. Et puis il y a eu une pause d’une semaine, et les cabinets sont arrivés avec un scénario.
Un squelette, déjà assez précis, qui ne reflétait pas vraiment les discussions, on n’a pas fait de mindmap ou utilisé d’outils d’intelligence collective. A ce moment là, plusieurs d’entre nous ont très clairement eu l’impression que les dés étaient pipés et qu’on nous avait réuni pour faire genre ; mais qu’en réalité les cabinets nous faisaient aller dans la direction qu’ils avaient décidé.
On nous demandait notre avis, mais la structure était cimentée. Notre marge se limitait à modifier des curseurs.
Par exemple, sur la question du nombre de jours pour le renouvellement, certains voulaient 156/an. F(s) était la seule à défendre les 3 prestas actuels, voire un retour à 1 jour symbolique.
Finalement ceux qui voulaient 156 se sont arrêtés à 52 ; plusieurs proposaient 26 ; Alors les cabinets ont dit « ok ce sera entre 26 et 52 », je me suis emballée, et c’est finalement le 26 qui l’a emporté. Ca s’est un peu joué à qui insiste le plus, à la grande gueule. Pour nous, chez F(s), les lignes rouges étaient franchies. On est restées à la table pour tenter de limiter la casse…

A côté de nos réunions (par zoom), il y avait une plateforme internet : Workinginthearts.be, où les gens pouvaient émettre des opinions, avec un nombre de signes ridicule, genre un petit paragraphe, et alors tu peux liker les idées des autres, comme Facebook finalement. Et c’était à nous les participant.es au WITA de relever ce qu’il y avait comme propositions sur le site. Or nous avions vraiment peu de temps, entre chacune de ces réunions. Avec F(s) nous avions également à chaque fois une réunion pour préparer la suivante et faire le bilan de la précédente, ça faisait au total quatre réunions par semaine !
Donc certain.es membres du Wita allaient voir sur la plateforme, relevait les posts qui allaient dans le même sens que leur argumentaire et puis c’était tout. En matière de participation démocratique on peut faire mieux ! ( Pour info il n’y a eu que 128 propositions avancées par 470 participant.es – on avait fait mieux avec notre enquête chapeautée par F(s) !)

Et quand une idée dans les discussions WITA était un peu trop progressiste, les cabinetards ne manquaient pas de rappeler que ça ne passerait jamais, qu’il ne fallait pas oublier qu’il y avait l’open VLD et la NVA en face et que ce ne serait pas de la tarte. Pour la neutralité requise à cette mission de facilitation, on repassera.
N’aurait-il pas mieux fallu des médiateurs/facilitateurs indépendants, et plus de temps et d’inclusivité dans ces débats ?
N’aurait-il pas mieux fait d’attendre un gouvernement un peu progressiste pour demander la réforme de notre statut ?
A la fin nous sommes sortis de là avec des gueules de zombie, passés au rouleau-compresseurs et je suis allée faire du camping dans les ravages des inondations.

Avant cela, plusieurs d’entre nous ont fait des notes pour se distancier totalement de la note WITA, notamment l’ATPS, F(s), et aussi la CSC, qui n’avait pas participé aux réunions.
Anne-Catherine Lacroix, de l’Atelier des Droits Sociaux, a aussi sorti une note critique.
Nous y dénoncions déjà la proposition de modification des règles de chômage, et notamment le durcissement du renouvellement, la règle du cachet appliquée à tous types de contrats (et notamment aux contrats à la durée), la disparition des jours assimilés, les allocations forfaitaires.
Et le flicage de la commission, avec ce contrôle tous les 5 ans sur des critères très imprécis, et la répétition des termes abus et fraude, jamais définis, mais qui mettent l’usager et l’usagère en position de présomption de culpabilité.
Voilà pour la petite histoire de cette fameuse consultation du secteur à Working in the arts !

LA COMMISSION “ARTISTE”, COMME ELLE FONCTIONNE AUJOURD’HUI

Je vais maintenant faire un petit topo de ce qu’est la commission actuelle, parce que si nous n‘arrivons pas à bloquer cette réforme, la commission prendra une place prépondérante, puisqu’il s’agit de la « pierre angulaire » du nouveau statut.
Or, il est stipulé dans la nouvelle loi que la future commission s’appuiera sur la jurisprudence de l’actuelle commission. Il est donc important d’avoir connaissance de la façon dont elle fonctionne aujourd’hui.
Petite parenthèse historique sur l’histoire de cette commission :
La commission artiste a été mise en place en 2002, en même temps que l’article 1bis (qui permet de déclarer avec un contrat de travail, par exemple une vente d’œuvre, lorsqu’il est établi qu’il n’y a pas de lien de subordination entre un patron et un employé).
Pour cela, le demandeur doit prouver que son activité est « artistique ». Et si c’est le cas, la personne reçoit un VISA valable 5 ans, et peut recourir aux contrats 1bis.
Avant la réforme de 2013, la non-dégressivité (1) s’appliquait aux personnes prouvant 312 jours sur 21 mois (pour les moins de 36 ans) , avec des contrats courts (des contrats de moins de 3 mois), quelque soit le secteur, à l’exception de l’Horeca.
Le renouvellement annuel demandait une prestation symbolique de travail par an. Et c’était tout.
Mais ça c’était en théorie, parce qu’en pratique, l’Onem avait une note interprétative qui limitait l’accès à cette non dégressivité uniquement au secteur des arts du spectacle.
Exit les autres disciplines artistiques, et les autres emplois courts.
Petite remarque, si nous étions partis de la base de la loi de cette époque, nous avions une perspective pour offrir une protection sociale à tous les travailleur.euses intermittent.es !! Ce n’est pas rien !!
Toujours est-il qu’en 2011, Smart et les syndicats ont fait des centaines de procès contre l’Onem pour que la loi sur les emplois courts soit vraiment appliquée. Et ils ont gagné tous les procès. Parce que l’Onem était dans le faux.

En gros on est passé de 4628 allocataires en 2004 – ce qui ne représentait que certains bénéficiaires du secteur des arts du spectacle – à 8367 en 2011 – tous secteurs confondus. Ce doublement s’explique sans doute en partie par la facilité avec laquelle Smart proposait à des personnes qui auparavant travaillait quasi “en black” à se retrouver dans un dispositif déclaratif qui socialisait enfin leurs revenus.
Et donc les 8367 en 2011 c’était 99 % d’artistes/technos, toutes disciplines confondues, et 1 % de gens hors secteur culturel. Et là tout le monde a crié à l’abus.
On était en pleine montée de l’idéologie néolibérale de l’État Social Actif chère à Mr Franck Vandenbroecke, avec l’arrivée des contrôles de “recherche active d’emploi” qui ont aussi été mis en place en même temps (en 2012).
L’austérité comme une religion nouvelle, la fraude et l’abus comme vocables admis.

Le gouvernement et le CNT (Conseil National du Travail où siègent les patrons et les syndicats) ne pouvaient tolérer tous ces « abus », que l’Onem ait perdu ses procès et que la loi soit appliquée. Et donc le gouvernement a changé la loi en 2013-2014, qui est celle que nous connaissons aujourd’hui, avec une entrée dans la non-dégressivité en deux étapes, dont 104 prestations de nature artistique ou technique, et le renouvellement en 3 prestations au lieu de 1 pour les bénéficiaires.
Et donc en 2013 on a redéfini les missions de la commission artiste pour en limiter les bénéficiaires, et donc en faire le lieu central de la définition de ce qui est artistique et de ce qui ne l’est pas, et on a changé sa composition.
Personnellement je pense qu’on aurait mieux fait de rester sans gouvernement à cette époque. C’est finalement en affaires courantes que le gouvernement travaille le mieux.

Fin de la Parenthèse historique.

Juste, une précision par rapport aux chiffres. Le gouvernement prétend que nous sommes 5000 bénéficiaires aujourd’hui, et qu’avec la réforme, ils souhaitent passer à 7000.
Or, ici, selon les chiffres de l’ONEM de 2019, on était déjà 7774, et vu que les chiffres croissent chaque année, on peut raisonnablement penser qu’on est plutôt 8000.
Viser 7000 bénéficiaires demain, ceci en dit long sur le vœux pieu du gouvernement avec cette réforme.

Je vais vous parler maintenant de mon expérience de deux années à siéger dans cet organisme fédéral, qui a le pouvoir de laisser exercer certaines activités et d’autres non et de la difficulté d’y siéger en tant qu’artiste, vu de l’intérieur, donc.
La commission, c’est un groupe composé de représentant.es de l’Onem, l’Inasti et l’Onss, des syndicats, du banc patronal et du banc artistique. Pour le moment, dans le banc artistique, il y a deux employés de la SACD et moi.
Théoriquement il y avait d’autres artistes mais iels sont venus parfois une fois, et puis ne sont jamais revenus, sont démissionnaires, mais toujours sur le site web. Maintenant il y a deux autres artistes qui attendent la validation pour y siéger depuis janvier. Ca traine.
J’ai presque peur qu’elles partent avant qu’elles soient nommées effectivement.
Tout le monde dans cette commission est salarié par son organisme, sauf moi, qui fait ce travail pour l’État à titre bénévole. Cela représente une réunion de 4h tous les 15 jours, sauf pendant les vacances scolaires.

A chaque séance nous avons une moyenne entre 70 et 110 dossiers à examiner (VISA, CARTE – pour les RPI et DAI confondus). On convoque également certaines personnes à la demande d’un.e commissaire/commissionnaire. Entre 0 et 5 par réunion. Ce sont des séances qui vont à un rythme soutenu, et on sait qu’on a la vie de quelqu’un.e entre les mains.
Pour faire le job correctement, il convient d’examiner tous les dossiers à l’avance et de déjà avoir des notes sur chacun.e. Car beaucoup de dossiers sont refusés sur base de manque d’éléments.
Souvent on n’a pas suffisamment d’éléments, un portfolio, un CV, des vidéos. Mais c’est subjectif aussi, le “manque d’éléments”. Pour certain.es on accepte un CV, et pour d’autres ce n’est pas suffisant. Pour certain.es une video c’est bon, mais pour d’autres non, surtout s’il n’y a pas clairement le nom associé à la fonction dans le générique.
S’il y a des photos de la personne sur scène, qu’est ce qui nous prouve que c’est bien elle sur la photo ? Et dans les liens vers soundcloud ou autre, qu’est-ce qui nous prouve que c’est bien la personne qui l’a composé, et que c’est une composition originale ?

Il y a des fonctions qui passent plus facilement que d’autres : comédien.ne ; danseur.euse (chorégraphe c’est plus compliqué parce que c’est plus dur à prouver) (on voit qu’il y a toujours une facilité pour les gens des arts du spectacle, ce qui est un peu absurde parce que ces gens travaillent généralement avec lien de subordination et donc n’ont théoriquement pas besoin du 1bis, ni du RPI). On accepte aussi chanteur, musicien, illustrateur, arrangeur, graveur.
Il y a des fonctions qu’on requalifie.
Par exemple DJ qui avant était systématiquement refusé, maintenant pour certains on requalifie en compositeur (vous remarquerez qu’on ne féminise pas les fonctions 😉 !.
Photographe, ça peut éventuellement passer en « photographe d’art », mais attention!, sont exclus tout ce qui relèverait du documentaire ou du journalisme.
Vidéaste c’est généralement refusé, mais parfois on accepte de requalifier en réalisateur.
Céramiste c’est refusé sauf exceptions rares, alors c’est requalifié en art plastique.
Costumière, c’est sujet à discussion. Comme créateur sonore ou scénographe. Performeur, c’est pas clair. Le doublage non plus. La traduction littéraire, oulala !!
Et puis il y a des fonctions qui « ne sont pas artistiques » et donc automatiquement rejetées : régisseur, caméraman, cadreur, webdesigner, monteur, figurant, habilleuse, maquilleuse (encore qu’on est arrivé à avoir 3 exceptions cette année), graphiste, designer textile, assistant, accessoiriste, décorateur, artiste de rue, youtubeur, illusionniste, charmeuse de serpent et de feu, transformiste, curateur…

Et puis, si on voit dans le CV des activités pédagogiques ou des ateliers, on ajoute la mention « à l’exception des activités pédagogiques ». « A l’exclusion du coaching ».
Il y a parfois de l’absurde, par exemple un tatoueur, on peut le requalifier “en art plastique, à l’exclusion des activités de tatouage…
Cela donne lieu à des discussions étranges, « mais si là on voit bien que c’est artistique ! -Non, c’est fait avec des tissus, c’est de l’artisanat... » « ici la photo est belle », « non elle est trop photoshopée, c’est un travail d’amateur » « cette personne demande un visa pour photographe et comédien, mais il n’a plus fait d’expo depuis plus de 5 ans » « bon on lui accorde comme comme comédien mais pas comme photographe » …Bref !
C’est très important la présence de professionnel.les du secteur dans la commission, parce que les fonctionnaires sont à des kilomètres de nos pratiques. Mais pour ne pas être là complètement perdu, il faut de l’adaptation.
Après les premières réunions j’allais marcher en ville avec une nausée affreuse, comme si j’avais participé à une expérience de Milgram.
Et puis il faut comprendre les codes, et puis faire du travail pour modifier les usages dans la commission. L’ouvrir, insister, ne pas avoir peur de s’énerver, de faire des bras de fer avec l’Onem. Et alors on parvient à faire bouger les lignes. Des millimètres.

IL FAUDRA TROUVER 18 (!) PERSONNES DU SECTEUR ARTISTIQUE…

Le gros problème c’est qu’être là, c’est aussi faire des sacrifices sur sa propre pratique professionnelle, en terme de temps et aussi en terme d’argent.
La nouvelle commission qu’ils veulent mettre en place commencerait en 2023, avec 18 personnes du secteur artistique (9 effectifs et 9 suppléants). Dans les textes de lois, parfois ils disent « représentants des fédération », sachant qu’une majorité du secteur n’est affilié à aucune fédération ; parfois ils disent – « des membres qui disposent de l’attestation du travail des arts , d’une expérience des règles spécifiques applicables aux travailleurs des arts », parfois ils demandent d’être bilingues ou d’avoir des connaissances en droit.
Je me demande qui ils vont trouver pour siéger en fait.

Vu que tous les dossiers, pour pouvoir bénéficier des allocations « du travail des arts », sont conditionnés par l’obtention de cette attestation, il y aura beaucoup plus de dossiers que maintenant (alors qu’aujourd’hui plein de gens n’ont pas besoin du visa ou de la carte artiste).
Donc ce sera certainement plus qu’une réunion tous les 15 jours (sans compter le jour de prépa). Et pour cela, ils proposent un défraiement de 150€ la séance !
Même pas un contrat de travail. Rien qui ne compte dans le calcul de la pension, qui ne nous couvre au niveau assurances… et en plus c’est plafonné au niveau du fisc à 1850€/an, alors qu’on se doute bien que vu le nombre de séances ce montant sera explosé. L’État se fout de notre gueule !

Car oui, si nous ne bloquons pas ce projet de réforme, il faudra avoir l’attestation obligatoire de travailleur.euse des arts.
Dans les textes, ils prévoient d’emblée une série d’exclusions, car il s’agit de prouver une « contribution artistique nécessaire à une création ou à une œuvre artistique ».
Et là, il y a une liste qui exclut toutes les fonctions de soutien (établir des contrats, faire de la com’, agent d’art) et les métiers techniques (conduire un camion chargé de décors, construire un podium, couper les cheveux d’un artiste).
On éjecte aussi les activités pédagogiques, parce que donner des cours ou un atelier en temps qu’artiste ce n’est pas « artistique ».
Un photographe portraitiste, exit, si tu bosses dans la pub, exit… un doublage de docu, exit… on se base bien ici sur la mauvaise jurisprudence de l’actuelle commission artiste ; ce qui est un comble car comme le rappelle Anne Catherine Lacroix dans son texte « un périmètre élargi, vraiment ? » beaucoup de métiers exclus demain sont en fait totalement inclus aujourd’hui.

Obtenir son attestation de “travailleur des arts”, ça veut dire quoi alors ?

Et bien ça veut dire que pour les bénéficiaires actuels du statut, il faudra monter un dossier qui prouve des « activités artistiques nécessaires à la création », sur les cinq ans auparavant. Si la réforme passe maintenant, il n’y aura pas d’examen avant 2027 pour les bénéficiaires actuels.
Pour être exempté d’examen à la commission, il faut que vos revenus artistiques soient supérieurs à 65 477€/brut cette année, sachant que ce chiffre ne tient pas compte de l’index annuel et qu’il sera augmenté chaque année (ce qui est très malin quand on truffe une réforme de montants bruts à tous les étages).
Les 65 477€ sont sensés être une mesure d’allègement administratif, mais qui peut parvenir à un tel montant, et en plus artistique ? Sans la pédagogie, la pub, etc ?
Pour les prétendants au statut, il faudra rentrer un dossier qui prouve 300€ de revenu brut et avoir un “plan de carrière”… si et seulement si tu sors d’une école reconnue. C’est quoi un “plan de carrière” dans notre secteur, quand tu sors des études ?
Quand on te dis « sachez que la porte est par là, et que personne ne vous attend » quand tu viens de réussir l’examen d’entrée à l’école… ?

Donc pour celles et ceux qui arrivent à prouver leur trajectoire artistique professionnelle, on obtient l’attestation +, valable 5 ans ; et pour les débutants, l’attestation provisoire valable 3 ans.
Cette attestation ne donne droit à rien, si ce n’est le droit de demander le chômage du « travailleur des arts », en prouvant d’autres montants.
Simplification administrative, mon cul !
Maintenant, mettons que vous avez eu votre attestation et que vous avez le montant requis pour être au chômage des arts. Et la fleur aux dents tout se passe bien, et 5 ans passent.
Et au contrôle suivant, dans votre dossier pour renouveler votre attestation, on relève une fraude, un abus, parce que vous avez déclaré un lundi alors que le contrat stipulait samedi sur l’affiche ; ou que vous avez déclaré costumière alors que vous êtes habilleuse, ou que vous étiez en Grèce et pas en Belgique, parce qu’on googelise tout, et que dans la commission il y aura un recoupement de données, c’est prévu.
Ou que simplement on vous a dénoncé puisque la commission se révèle être un lieu « pour signaler des abus ».
Dans ce cas, votre attestation est sensée ne jamais avoir existé, et donc vous allez pouvoir rembourser les allocations de chômage « du travail des arts » sur cinq ans.
Alors que vous serez directement déchu.e en allocation forfaitaire, donc environ 600€ mensuels, ou au CPAS, avec tant qu’on y est un ordre de quitter le territoire si vous n’êtes pas résident belge.

Emilienne Tempels

“Culture en Lutte” organise ce vendredi 10 juin à 10 heures une manif contre le projet de statut devant le cabinet Vandenbroecke 23 rue de la Loi à Bruxelles.

* titre de la rédaction

https://culturenlutte.wordpress.com/

https://www.openpetition.eu/be/petition/online/non-a-ce-projet-de-reforme-du-statut-social-des-travailleuse-eur-s-des-arts

la vidéo de la soirée de mobilisation de Liège :

https://culturenlutte.wordpress.com/2022/06/08/videos-de-lag-de-liege/

 

 

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