VALJEAN, PRÉVERT, POULIDOR, SEMPÉ par Gilbert Laffaille.

« Heureux comme Dieu en France » dit une expression allemande. Les petits malins ajoutent : « Mais sans les Français ! » Cette boutade a le mérite de souligner qu’un pays n’existe pas sans son peuple. Il se trouve que le roman national regorge de héros nommés Mandrin, Cartouche, Rocambole, Arsène Lupin, Gavroche, Jean Valjean… En France, où l’on préfère Poulidor à Anquetil et l’Abbé Pierre au Pape, on aime que Guignol donne des coups de bâton aux gendarmes. Ici l’on pêche… on aime jouer aux boules, prendre l’apéro sous les platanes à la fraîche, prendre du temps pour préparer le repas et aussi rejouer le match à l’infini car à la 27è minute si l’arbitre n’avait pas sifflé un pénalty, le score aurait été différent !

Ce goût d’un certain art de vivre n’a jamais empêché personne de travailler, de construire, de créer, d’inventer. Au contraire. Après la sieste on travaille mieux. Pays de Louis Blériot, André Citroën, Marie Curie, Albert Jacquard, Ambroise Croizat, Debussy, Courbet, Prévert, Camus et quelques autres… la France dans son imaginaire et dans son quotidien est très éloignée du monde des Rotschild et des Bernard Arnault. Ils nous font moins rêver qu’un alpiniste, un navigateur solitaire, un as de la petite reine, un Django Reinhardt, un Gérard Philipe, un Cabu, un Sempé. Et nous aimons rêver. Périodiquement on aime aussi la révolte.

Il me semble qu’une grande partie de la population n’attendait qu’un prétexte pour exprimer son rejet du mépris, son besoin d’autre chose. Avoir un travail qui a du sens, du temps pour soi et pour ses proches. Vivre dans un environnement sain où l’on peut être écouté et s’impliquer. Loger dans un endroit décent et abordable, pouvoir se faire soigner, envoyer ses enfants à la crèche, à l’école… autant de choses basiques devenues aujourd’hui problématiques un peu partout en France. Et si l’on regarde en face les questions de l’eau, des ressources énergétiques, de la pollution, du réchauffement climatique, de la déforestation, de la fonte des glaces, de la surpopulation, de la course aux armements et de l’augmentation des conflits armés… on comprend qu’il faudrait offrir d’autres perspectives que celles du CAC 40.
Construire des murs pour protéger les îlots de richesse dans un monde de pauvreté… c’est ça votre projet ? Quelle perspective ! Répondre à coups de chiffres biaisés, de débats esquivés, de médias complaisants, de matraques et de gaz lacrymogènes, c’est tout ce que vous avez à dire ?
Quel message veut-on envoyer à la jeunesse ? Qu’il n’y a rien à changer ? Qu’on ne peut rien faire ? Que le monde appartient aux banquiers ? Ou bien veut-on secrètement qu’à force de crétineries audiovisuelles et de modèles clinquants, les jeunes n’aient plus comme envie que de devenir influenceurs et de gagner en bourse pour s’acheter des SUV pétaradants ? La question se pose quand on voit les ministres en exercice se presser chez Hanouna.

Entouré de courtisans, de palaces en jets privés, de cabinets feutrés en photos sur les perrons, de brushing en maquillage et de parades militaires en coups de fil aux rédactions, on se croit important. Mais quand il y a toujours quelqu’un pour vous tenir la porte on passe à côté de la réalité. À Wall Street on n’enseigne par l’histoire de France. On y apprendrait qu’il ne faut pas pousser à bout les gueux, les « Gaulois réfractaires », « ceux qui ne sont rien ». Il avait fait campagne en ironisant sur « le monde d’avant » … Six ans plus tard, force est de constater que le vieux monde c’est lui.

Gilbert Laffaille (sur sa page Facebook)

Pas de commentaires

Poster un commentaire