HUIT MÈTRES CARRÉS. VRAIMENT, JE N’AIME PAS CHERCHER par Nicolas Jules.

28 ans. Fauché, beaucoup d’amis et peu d’aventures. Je quitte la région où j’ai grandi pour voir ce que ça fait. J’envisage les villes des régions avoisinantes. Tiens, Tours. C’est pas loin mais je n’y suis jamais allé. Je n’y connais personne. Qui serais-je là-bas ? Allez, ça roule. 205 Peugeot. Je ne sais plus quelle est la saison mais ce jour là il pleut fort. À peine rentré dans la ville, je me gare au hasard et cours m’abriter dans le premier rade venu. Au comptoir je mate le journal local à la rubrique des petites annonces. Appartements à louer. Mon voisin de tabouret mange un sandwich et reluque par dessus mon épaule. « J’ai une chambre sous les toits à louer si ça vous intéresse. C’est petit, pas cher et juste à côté. » Providentiel. J’ai horreur de chercher ce genre de choses et de passer par des agences. « On y va ? ». « On y va ». Troisième et dernier étage. Faux plafond en polystyrène qui se décolle. Une fenêtre au simple vitrage avec un carreau cassé. Murs recouverts de deux matières, lambris brun en bas, crépi beige en haut. Lino cradingue découpé à la hâte. Douche dans un coin avec une hauteur de 1m20. Un évier. Pas de cuisine. Emménagement envisageable de suite. Loyer à régler en liquide. Ce qui saute d’abord aux yeux c’est que c’est petit. Très petit. Huit mètres carrés. Moins qu’une cellule de prison. Mais l’évasion y est légale et c’est bien sûr toute la différence. Je demande à Michel (il s’appelle Michel, médecin, gros fumeur et joueur de poker) si quelqu’un a déjà habité ici. Michel fait non avec la tête. Vraiment, je n’aime pas chercher. Je dis banco à Michel. C’est en attendant mieux. C’est du provisoire. Ma guitare et mon ampli sont dans le coffre. Demain j’achète un matelas. Mon père m’offrira une table de sa conception, en bois, en carrelage… et en béton (oui, c’est possible et c’est solide). La table sera trop grande alors je renoncerai à mettre des chaises pour gagner de la place. Je mangerai debout ou assis sur la table. Finalement, le bar du premier jour sera la principale extension de ma résidence. Comme je suis content de vivre une nouvelle aventure, je vais rester huit ans dans ce réduit. Jamais changé le carreau. De belles années. J’ai rencontré de nouveaux amis et un jour je suis reparti en laissant sur place la table bétonnée. Michel n’a jamais retrouvé de locataire.

Nicolas Jules (sur sa pages Facebook)

Pas de commentaires

Poster un commentaire