20 novembre JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES ENFANTS par Laurence Dudek.

Parmi ces droits qui les concernent tous sans distinction sociale, économique ou culturelle, celui d’être éduqué sans violence.
La violence faite aux enfants, qu’elle soit physique ou psychologique est certes moralement indéfendable, car on ne peut en aucun cas justifier de faire mal à un enfant (surtout pas en se disant que “c’est pour son bien”), mais surtout elle ne produit aucun apprentissage valable en termes d’intelligence : elle n’est d’aucune efficacité éducative.
Qu’ils soient individuels, collectifs ou institutionnels, volontaires ou involontaires, tous les comportements, paroles, actions, techniques et méthodes qui produisent de manière intentionnelle ou fortuite de la souffrance physique et/ou de la manipulation émotionnelle pour neutraliser un enfant ou le contraindre relèvent de la violence dite « éducative », ainsi qualifiée parce qu’elle s’exerce dans l’illusion ou au prétexte d’éduquer.
La violence dite éducative s’articule autour d’une domination institutionnalisée des adultes sur les enfants, dont la punition et la récompense forment le noyau. Elle se décline en différents types de violences, plus ou moins éprouvantes pour les enfants qui les subissent, ET aussi pour les parents qui les infligent en croyant qu’il n’y a pas d’autre fonctionnement efficace et qui en souffrent par ricochet sans pouvoir en sortir.
Quand on parle de « violence éducative », on pense d’abord aux châtiments corporels, à « la fessée », à la violence physique utilisée de manière ordinaire pour « faire obéir » les enfants par la force ou pour sanctionner (et réprimer) leurs erreurs. Cette forme de maltraitance physique est encore trop répandue dans les familles, même si elle est bannie depuis longtemps des établissements scolaires.
En effet, lorsqu’on interroge les parents sur ce qu’ils pensent de la violence physique sur les enfants, une large majorité s’accordent à dire que « ce n’est pas bien », que c’est mauvais pour l’enfant, que ce n’est pas une bonne méthode pour éduquer, etc. Pourtant, lorsque j’interviens dans les écoles et les collèges sur le thème de la violence entre élèves et que, pour amener les enfants à s’interroger sur l’empathie, je dis : « Levez le doigt ceux parmi vous qui n’ont jamais reçu une fessée ou une claque par un adulte », il n’y a JAMAIS un seul enfant qui lève le doigt !
Il s’agit donc bien d’un problème réel et qui nous concerne tous. Un problème à traiter sans tabou pour aider les adultes à mettre en pratique leur refus théorique de l’usage de la violence physique dans l’éducation des enfants.
Car ce type de violences, qui est interdit par la loi en France sans aucun effet sur la fréquence ni le nombre de parents qui la pratiquent (j’ai longuement expliqué pourquoi dans plusieurs articles), est hautement toxique pour le développement cognitif et détériore l’ensemble de la relation au monde, bien au-delà de la douleur physique qu’elle génère et de l’impasse dans laquelle elle maintient parents et enfants.
Frapper un enfant pour le faire obéir, pour le punir ou pour se décharger émotionnellement d’un sentiment d’impuissance à éduquer, ne provoque chez lui que des encombrements cognitifs et des apprentissages pervers : au delà de la condamnation morale qu’on peut légitimement porter sur le fait qu’un individu s’arroge le privilège d’user de la force physique sur un plus petit que lui afin d’obtenir ce qu’il veut (en se laissant croire à lui-même que “ça n’est pas méchant”, “c’est pour son bien” “j”en ai reçu moi-même et je n’en suis pas mort”, etc.) il est intéressant d’observer ce que nous apprenons réellement à nos enfants lorsque nous les frappons (poussons, pinçons, hurlons dans leurs oreilles, tirons les cheveux, etc.).
Lorsqu’un adulte procède de violences vis à vis d’un enfant, il se transforme instantanément en monstre : un monstre imprévisible qui décide au gré de son humeur de maltraiter et de faire mal. Un monstre dont on ne peut pas prévoir si sa main va caresser ou si elle va frapper. Un monstre qui se dédouane de sa propre violence en me faisant croire que c’est moi qui l’ai provoquée, donc qu’elle est juste… quand nous frappons un enfant, nous lui apprenons la violence. Il apprend non seulement à avoir peur et à avoir mal, mais aussi à utiliser la violence sur un plus petit que lui. Il apprend aussi à mentir pour se protéger des coups et à fuir ses responsabilités.
Quand cette violence est répétée tout au long de l’enfance, l’individu l’intègre comme quelque chose de normal et le reproduit dans tous les domaines de la vie, bien au delà de la domination d’âge. Ceci perpétue la violence du monde : la coercition plutôt que la négociation, la guerre plutôt que le partage, la loi du plus fort en toutes circonstances. Enfin, s’il est un effet des plus pervers des châtiments corporels sur la construction du Soi, c’est la confusion entre l’amour et la violence : apprendre à être frappé par quelqu’un qu’on aime et qui vous aime n’est pas anodin. La symbolique de domination/soumission peut impacter durablement d’autres espaces de la vie intérieure et de la vie sociale.
Pour toutes ces raisons et pour d’autres encore (je vous renvoie aux travaux d’Alice Miller sur le sujet, Cf sa bibliographie), il est important que chaque parent prenne conscience du pouvoir de changement qu’il détient en décidant de se libérer lui-même du carcan de la violence éducative dans lequel nous avons tou(te)s plus ou moins été contraints. J’ai conscience que c’est difficile à concevoir (et je le constate quotidiennement en entretien avec des parents), justement parce que nous y avons été formés (formatés même) mais je vous assure que c’est bien plus facile à changer qu’on ne pourrait le croire a priori. Cela modifie profondément la relation parent/enfant quand un parent décide que, quoi qu’il arrive, il n’usera plus jamais de violence avec son enfant, qu’il le lui dit et qu’il l’applique scrupuleusement. C’est comme si pour l’enfant, tous les nuages de son ciel bleu disparaissait pour toujours.
Et pour le parent c’est le début d’un renouveau éducatif. En mettant en oeuvre l’égalité, l’écoute, l’empathie, la confiance… et toute la créativité qui redevient possible lorsqu’on n’a plus l’option “je punis, je frappe, je fais mal, etc.”, on (re)devient un éducateur efficace, puisant dans la nature profonde de notre humanité l’amour et la miséricorde. J’encourage tous les parents à prendre cette décision définitive et irrévocable.
Et la violence dite éducative existe également par la maltraitance psychologique, dont les punitions sont le « fer de lance ».
Cette violence s’exerce quotidiennement partout, dans des situations d’éducation parentale et/ou institutionnelle. Cette forme insidieuse de maltraitance dont on mesure désormais scientifiquement l’impact toxique est pourtant pratiquée aussi bien à l’école que dans les familles.
Quelles que soient ses modalités d’application et les « déguisements » éducatifs qu’on lui affuble pour la justifier, la violence affecte non seulement le bien-être des enfants, mais elle dégrade aussi la société toute entière.
Laurence Dudek (sur sa page Facebook) (1)
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