AUTO-STOPPEUSE ET RATATOUILLE par Marie Wiener

Ces derniers mois, j’héberge surtout des hommes, demandeurs d’asile laissés à la rue, parce que la Belgique ne remplit pas l’obligation légale de les héberger. Durant des années cependant, j’ai plutôt hébergé des “sans papier”, hommes et femmes qui cherchaient à passer en Angleterre, et que j’allais chercher le soir au Parc Maximilien. Nouveau flash back.

Vous connaissez le truc de l’auto-stoppeuse?
Elle se poste au bord de la route, et quand le gros lourd s’arrête, elle lui annonce tout sourire qu’y en a trois de plus, qui d’ailleurs émergent au même moment des buissons.
Eh bien, elles m’ont fait le coup, mes amies est-africaines. L’une de mes trois “habituées” du moment m’appelle, sur le GSM de la deuxième, et m’explique qu’elles sont là toutes les deux avec une copine. La copine, je ne la connais pas encore, mais elle est “très très très sympa”. D’accord pour venir les chercher toutes les trois au Parc ?
D’accord. J’ai déjà deux gars, dont un fait Ramadan. On s’arrangera: ils se partageront la petite chambre du deuxième étage. Et elles dormiront à trois dans la grande chambre du premier.

Au parc, elles sont bien là, les deux “habituées” et la nouvelle copine. Tout le monde embarque dans ma teuf… et au moment de démarrer, qui arrive en trottinant? Ma troisième “habituée” (tout aussi adorable que les deux autres, bien sûr).
Mais oui, Mami, on dormira toutes les quatre dans la même chambre, trois dans le grand lit et la quatrième sur le matelas au sol” (1,60 m de large, le grand lit: c’est effectivement faisable vu leur gabarit tout menu – qu’est-ce que je peux répondre!?!)
Au deuxième étage, celui qui fait Ramadan souhaite visiblement s’isoler.
Alors l’autre gars – “Pas d’problème, Mami, pas d’problème!” – passera la nuit sur le divan du salon.

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Retour au présent. La liste de ces demandeurs et demandeuses en attente d’une place dans le réseau Fedasil est longue (1). Ils et elles sont donc nombreux à se retrouver à la rue, ou dans un squat, ou dans une “family”: sous mon toit, par exemple, comme Billy et son copain Mapu.

Ce soir, nappe fleurie au jardin et ratatouille de poulet.
Billy, musulman, s’est prosterné juste avant le repas. Mapu, orthodoxe, se signe devant l’assiette servie. Avec moi qui suis juive par ma mère, les trois confessions du Livre sont réunies.
Ils insistent pour trinquer, ce qui change évidemment en divin breuvage le Château La Pompe habituel.
L’un ne mange pas la peau de son pilon. L’autre laisse les légumes. Bah…
Je suis leur Mami, pas leur mère, ça m’épargne tout effort de mise en conformité ;-).
It is a party, sourit Billy. A family party!
Merci les gars, comme dirait Brigit, de me faire une petite place dans votre coeur!

Marie Wiener (2)

(1) 2.100 noms, a indiqué début juin la secrétaire d’État à l’Asile, Nicole de Moor.
(2) LES AIRBNB DU CŒUR

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