FEMMAGE À IRÈNE par Anne Löwenthal et Claude Semal

Photo Florence Gérard

BONJOUR… ET AU REVOIR.

 

Cette fois-ci, ce ne sont ni les incohérences des politiques, ni le Qatar, ni la RTBF, ni Viva for Life qui m’auront fait « sortir de mes gonds ».
Ce soir, une porte a claqué. Pour toujours.
Ce samedi 5 novembre, mon Dibbouk est venu me chercher alors que je dormais de plus en plus profondément depuis 24h.
Ce sont mes amies Julie, Rosine et Florence qui ont recueilli mon dernier souffle … en non-mixité choisie (restons cohérente 😉 ).
Mes combats ne sont pas terminés … je compte sur vous pour les poursuivre.

 

Irène Kaufer Briefel

AVANT, JE ME CROYAIS FÉMINISTE par Anne Löwenthal

 

Avant, je me croyais féministe. Pire : je pensais qu’en tant que femme qui n’a peur de rien, j’étais de celles qui allaient devenir madame le président et que c’est comme ça qu’ils allaient voir la différence, pas en ajoutant des ‘’e’’ partout. Et que combattre le ‘’mademoiselle’’, c’était une putain de perte de temps de gens qui n’avaient sans doute pas envie d’aller à l’essentiel.

Pas la peine de vous dire que ce n’est pas sur cette question qu’Irène et moi nous sommes rencontrées. On était d’accord sur bien des choses, on se retrouvait dans bien des combats, sur le fond comme sur la forme, on détestait les opérations caritatives qui font le job de l’État, en particulier Viva for life et son défilé de politiques avec des chèques payés par nous, elle venait à mes manifs parce qu’elles n’étaient pas classiques, et elle m’expliquait des trucs. Plein de trucs.

Dans son message d’au revoir, Irène a dit ‘’Mes combats ne sont pas terminés … je compte sur vous pour les poursuivre’’ et j’ai bien l’intention d’être une Irène quand je serai grande. Ca sera un peu plus compliqué que prévu, parce que ça devra se faire sans elle et que je n’ai clairement pas fini de grandir.

Aujourd’hui, j’ai adopté l’écriture inclusive (Irène m’a expliqué), me faire appeler ‘’mademoiselle’’ n’a plus sur moi l’effet d’une cure de jouvence (Irène m’a expliqué) et je suis convaincue qu’en effet, le langage est performatif (Irène m’a expliqué). Irène m’a expliqué sans me mordre ou mépriser mes ignorances, avec une patience qui me surprenait toujours, moi qui adore en découdre. Irène ne fuyait pas le conflit, elle y entrait calmement et je l’écoutais. Parfois même, j’allais chercher son approbation. Bien souvent, on écrivait sur les mêmes sujets et j’attendais son point de vue pour valider le mien.
Irène, c’était plus qu’une grande dame. C’était une amoureuse des mots, c’était une fêtarde, c’était une musicienne. Irène, c’était quelqu’un qui aimait (avoir) la paix. C’était quelqu’un de nuancé. C’était quelqu’un de drôle. C’était quelqu’un de cohérent. C’était quelqu’un d’une honnêteté intellectuelle crasse. Irène, c’était quelqu’une.

Je suis sûre d’une chose : je l’agaçais bien souvent. Et ce petit texte l’aurait sans doute agacée aussi. Je l’ai trop peu connue, tout le monde l’a trop peu connue. Je ne l’ai pas assez fréquentée, je n’étais pas de ses intimes et je présente mes excuses à celles·ceux (ouf, j’ai quand même un point médian)-là, qui trouveront ce texte réducteur.
Je sais qu’il l’est et je m’en désole.

Anne Löwenthal

 

CHAMPAGNE, SORORITÉ ET GRATITUDE par Claude Semal

 

Sans sa signature, c’est sûr, l’Asympto n’aura plus jamais tout à fait la même allure.
Mais en hissant notre sorcière bien-aimée à la proue du journal, dressée sur son souriant balai comme un ex-voto farceur au mur marin d’une chapelle portuaire, nous plaçons désormais notre fragile esquif sous le regard bienveillant, ironique et exigeant de son “dibbouk”. Va falloir tenir bon la barre, et garder le cap !
En acceptant de lancer ce web magazine avec Luc, Michel et moi, il y a pile poil deux ans, Irène se savait déjà malade, même si elle espérait évidemment guérir de ce crapuleux crabe machiste qui s’attaque d’abord aux attributs des femmes (les seins, l’utérus).
Elle connaissait la violence de la chimio, et ses effets pervers sur le corps et sur l’esprit. Parfois, elle ne savait même plus lire. Alors, écrire… !?
Elle nous avait prévenu: “je ferai pour le mieux“.
Jusqu’au bout, elle a simplement fait pour le meilleur.

A une manifestation féministe en 1981. Irène au texte et à la guitare, Claude à l’accordéon

Cela fait presque cinquante ans que nos routes se sont croisées.
Avant même de militer côte à côte pendant cinq années à l’hebdomadaire POUR, où nous nous sommes passés le relais à la photocomposeuse et au secrétariat de rédaction, nous nous étions rencontrés en 1973 au Grenier aux Chansons, sous le prétexte d’une passion commune pour l’impertinence, la politique et la chanson.
Quand l’équipe du journal POUR a implosé, nous nous sommes retrouvés du même côté du manche.
Dans les années ’80, quand j’ai cherché du boulot pour payer mon loyer d’artiste belge désargenté, c’est elle qui m’a fait rentrer à la FNAC, où elle était alors responsable “disque” au rayon “Variétés”, pour bosser chaque année, pendant six semaines, comme “renfort Fêtes” entre les guirlandes de Noël et les têtes de gondoles.
Mon petit travail saisonnier.
L’ironie de la situation – un chanteur belge vendant à la FNAC les disques des autres, et parfois même les siens – n’avait pas dû lui échapper.
Il y a une bonne vingtaine d’années, c’est étrangement encore à elle que j’ai fait appel, devant quelques verres de vin blanc, pour démêler l’écheveau d’une histoire de cœur un peu compliquée. Les supposées vertus, devais-je espérer, de ses anciennes études de psycho à l’ULB.
Nous avons ensuite tenu l’une et l’autre une chronique mensuelle, elle au magazine “Politique” et dans de multiples publications féministes, moi au magazine “Imagine” et dans le périodique du Théâtre le Café. Nous devions ainsi mutuellement nous lire à distance, sans plus jamais vraiment nous consulter.
Jusqu’à cette aventure commune de l’Asymptomatique, où je m’étonnais souvent, après avoir enjambé ce demi-siècle cahotant, de me sentir encore intellectuellement si proche d’elle, après avoir pourtant suivi des chemins si différentes.

Car je ne faisais pas partie du premier cercle de ses intimes, ni même du second.
Des pans entiers de sa vie, parmi les plus importants, me sont restés complètement étrangers.
Je ne sais pas grand-chose de son travail syndical à la FNAC, où elle a pourtant terminé comme déléguée principale. Je ne sais presque rien de son action militante dans la mouvance “LGBT”. Je ne sais rien de son travail à l’ASBL Garance, qui lutte contre les violences faites aux femmes.
Et avant son récent livre, “Dibbouks”, qui eut l’honneur de la presse française et des vitrines des librairies, je ne savais (presque) rien de son rapport à sa famille polonaise, à sa judéité originelle et à cette demi-sœur engloutie dans les fumées de la Shoah.

Est-ce pour avoir perdu cette demi-sœur, chère Irène, que tu as passé toute ta vie à t’en fabriquer des centaines d’autres ? (Tu vois, moi aussi je peux faire de la psychologie à cinquante centimes).
Car si je te savais bien sûr féministe (qui aurait pu l’ignorer ?), je n’imaginais pas vraiment à sa juste mesure la place symbolique et cardinale que tu as visiblement occupée en Belgique (et jusqu’au Québec !) dans la vie de générations entières de femmes et de militantes.
J’en veux pour preuve que, sous ton dernier “post” annonçant ton départ sur Facebook, plus de cinq cents messages de gratitude sont aussitôt venus s’empiler en moins de 24 heures ! Et pas des condoléances ou des R.I.P. de pacotille. Des messages chargés, intimes, reconnaissants. Visiblement, t’avoir croisée a bouleversé quelques destinées. Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire.

Au début de ce mois de septembre 2022, nous nous étions encore retrouvés à la terrasse matinale d’un café à Etterbeek (oui, oui, il m’arrive de sortir de Saint-Gilles). Vu l’heure, on a commencé au café, et terminé au vin blanc.
Après ces deux horribles années covidiennes, où, entre propagande d’État et “fake news” à répétition, notre raison d’être semblait s’imposer d’elle-même, il nous fallait à présent réinventer une ligne éditoriale pour l’avenir de l’Asymptomatique.
Stop ou encore ? Pas tout seuls, en tout cas.
Nous avions donc imaginé d’aller à la rencontre de nos lectrices et lecteurs, au cours de soirées festives où nous chanterions l’une et l’autre nos chansons, avant de refaire une fois de plus le monde autour de quelques boissons rafraichissantes.
Semal et Kaufer ensemble en scène, une première mondiale !
Comme une réplique et un clin d’œil aux lointaines “fêtes de mai” de nos vingt / vingt-cinq ans. J’avais déjà trouvé une salle pour accueillir notre “première” : le Monty à Genappe. Et évidemment, l’idée t’amusait.

Chère Irène, il faudra désormais remettre à plus tard notre duo foutraque et notre plan “vieux fourneaux”, car à nos âges, ne pas être malade n’a jamais rendu personne immortel.

Une très belle photo de Véronique Vercheval

Jeudi midi, tes multiples sœurs t’enterreront.
Ce sera, j’en suis sûr, joyeux, combattif et impertinent. Il y aura des chansons, des témoignages émouvants et du Champagne. Comme tu l’aurais sans doute voulu.
Et moi, face à ces rires mobilisateurs et réparateurs qui demain emporteront le monde, assis en silence sur un banc pour vous dire ma gratitude, je sais déjà que je ferai simplement d’héroïques et d’inutiles efforts pour ne pas pleurer.

Claude Semal le 7 novembre 2022.

Nora Bene : les commentaires ci-dessous vous sont évidemment ouverts.

POST-SCRIPTUM (11 novembre)

Voilà, je n’ai pas trop pleuré, parce que malgré l’émotion partout sensible, les “organisatrices” avaient voulu donner à la cérémonie une tonalité joyeuse et combative. Elle le fut.

Je ne connaissais pas non plus personnellement Edgar Szoc (et je continue d’ailleurs à ne pas le connaître 😉 ), mais il a joliment parlé à la cérémonie d’au revoir à Irène. Je me permets de reproduire ici son texte, car j’ai vu passer sur FB quelques commentaires couillus qui prétendaient que cette cérémonie aurait été “non mixte”. Faut-il qu’Irène les ait bien énervés de son vivant pour continuer ainsi à alimenter leur exécration et leurs phantasmes même au-delà de la mort.
Mais merci surtout à toutes les femmes présentes qui, par leurs témoignages et leurs chants, ont fait de cette cérémonie d’adieu la plus triste et la plus drôle à laquelle j’ai assisté. La sororité aussi peut être un état d’esprit avant d’être une assignation de genre.

(C.S.)

LE TEXTE D’EDGARD : “INDÉFECTIBLEMENT FIDÈLE ET TOTALEMENT LIBRE”

Ce midi, on a dit au revoir à Irène mais on s’est surtout promis de se revoir longtemps en son honneur. C’était triste, mais c’était tellement plus que ça. Être à sa hauteur n’était pas une mince affaire. Merci à Julie, Florence, Rosine et Croque Madame d’y être parvenues!
Ce midi, en ayant l’occasion de lui dire ceci, j’ai découvert qu’on pouvait être en même temps très triste et très fier.

Bouche-toi les oreilles, Irène, on va encore dire du bien de toi !
Tu n’aurais pas aimé sans doute ce déluge unanime de compliments univoques.
Mais de toute façon, tu aurais encore moins aimé que quelqu’un d’autre que toi dise ce que tu aurais aimé ou pas. Tu l’aurais d’autant moins aimé qu’il y avait souvent quelque chose d’unique et d’imprévisible dans tes goûts et tes dégoûts.

Étymologiquement définir, c’est limiter : voilà sans doute pourquoi la tâche paraît si difficile dans ton cas. Dès que je pense à un terme pour te décrire, son opposé me paraît tout aussi adéquat. Ce n’est pas vrai pour tout, bien sûr. Irène était intelligente, Irène était sensible, Irène était droite, Irène était drôle. Tout cela, elle l’était intégralement et sans contrepartie. Mais pour le reste, c’est autre chose.
Irène était tendre. Mais qu’est-ce qu’elle pouvait être rosse. Irène était engagée jusqu’au cou, mais elle gardait toute sa tête. Y compris pour jeter un regard critique sur les mouvements auxquels elle offrait toute son énergie. Irène était une grande dame… et une toute petite fille. Que j’ai si souvent eu envie de serrer dans mes bras. Elle se fichait du qu’en-dira-t-on mais portait au creux d’elle une faim inapaisée d’être aimée. Ta pudeur était infinie et pourtant, qu’elles sont nombreuses celles que tu as touchées au plus profond de leur âme. Tu n’as pas voulu être mère, Irène, et regarde les centaines d’orphelines que tu laisses aujourd’hui. Et puis, comme l’a si justement écrit Caroline Sägesser, Irène réussissait le tour de force d’être à la fois indéfectiblement fidèle à ses engagements et à ses amitiés, et totalement libre.

Qui ne la connaissait que de loin l’imaginait sans doute toute d’un bloc, alors qu’elle était un bloc de fêlures obstiné. Il m’est arrivé plusieurs fois de me demander comment diable tout ça pouvait tenir ensemble. Tu étais solide comme un roc écorché, délicate comme un bulldozer en porcelaine et surtout fragile comme une plume en acier trempé.
C’est sans doute pour toutes ces raisons que, quel que soit le lieu où tu apportais ton inépuisable énergie, tu te plaisais plus à la marge que dans le noyau. Mais pas la marge facile et confortable du « tous pourris » et de l’anti-système ! Non, la marge vigilante et exigeante qui voudrait que les personnes et les institutions soient à la hauteur de leurs promesses et des valeurs qu’elles proclament. Le service médiation de la RTBF en sait quelque chose…

Je ne connais pas bien les parades amoureuses des hérissons, mais pour peu qu’elles existent, elles doivent ressembler à nos premières rencontres. Ça a vraiment commencé, il y a une quinzaine d’années, le jour où, invité à discuter de la place des hommes dans le mouvement féministe, j’avais pris exactement sept secondes sur les dix minutes qui m’étaient allouées pour déclarer solennellement que le rôle des hommes là-dedans, c’était de préparer le café pour les réunions. Mais du bon café, hein ! Puis je t’avais laissé la parole pour vingt minutes beaucoup plus intéressantes.
Tu n’étais pas dupe du coup d’éclat et de la fausse modestie. Tu n’étais jamais dupe de grand-chose, d’ailleurs. Mais ça t’avait amusée. Et tu m’as évidemment proposer d’aller boire… un café. On a très vite senti qu’on s’aimait bien mais on a aussi rapidement senti qu’on n’était pas très doué pour se le dire. On a heureusement fini par y arriver.
Ici, tu me demanderais peut-être d’ajouter des points d’ironie : c’est bien connu, les féministes dans ton genre détestent les hommes. De deux choses l’une, dès lors. Soit tu n’étais pas tout à fait féministe, soit je n’étais pas tout à fait homme. Quelque chose me dit que je vais avoir du mal à convaincre cette assemblée de la vraisemblance de la première hypothèse. Il faut donc que je me résigne à la seconde.

La résignation est d’autant plus facile qu’elle fait écho à cette phrase que tu aimais citer de ta chère Françoise Collin : le féminisme ce n’est pas le devenir homme des femmes ou le devenir femme des hommes, c’est le devenir autre des femmes et des hommes.
Sans le vouloir, sûrement, sans le savoir, peut-être, tu m’as aidé à devenir autre. Les innombrables réactions à ton départ montrent que je suis loin d’être le seul. Au nom de ces centaines de femmes, d’hommes, de ni l’un ni l’autre et toutes la gamme entre les deux, merci de nous avoir ouvert les possibilités de cet autre en devenir, que nous continuerons à chercher en tâtonnant.
Si tu y tiens, tu peux maintenir tes oreilles fermées, mais ouvre au moins encore une fois les yeux et emporte avec toi tous nos sourires embués de gratitude.

Edgard Szoc

 

5 Commentaires
  • Jean-René THONARD
    Publié à 11:48h, 12 novembre

    Comme Didier, je resterai évidemment lecteur de l’Asymptomatique ! Car, j’en suis certain, son souvenir alimentera les plumes de celles et ceux qui vont continuer à y écrire. Sa liberté et sa grande humanité sont les témoins du relais qu’elle vient de passer à ses amis, et particulièrement à Claude, son complice… Personnellement, j’essaye d’être un peu chrétien, plein de doutes et de questions… Alors j’ai dans un petit coin de ma tête, l’espoir que la Vie ne s’arrête pas ainsi brusquement, qu’elle continue de manière différente… En tout cas, c’est à vous, ses proches, de faire vivre le plus longtemps possible, tous les souvenirs qu’Irène vous laisse… Plein de pensées positives pour sa famille et ses amis et belle vie à l’Asymptomatique !

  • didier somzé
    Publié à 21:39h, 07 novembre

    J’ai eu la chance de rencontrer quelques fois Irène “en vrai”. Le mois passé, j’ai pu bénéficier d’une réflexion tellement juste à propos des relations entre femmes et hommes. Merci beaucoup. Pour l’Asymptomatique c’est une grande perte … mais je vais quand même en rester lecteur 😉

  • Catherine Kestelyn
    Publié à 13:26h, 07 novembre

    Merci, Claude!
    Mon “intimité” toute relative avec Irène date d’unvoyage en groupe, en 1986, au Nicaragua, où sévissait encore la guerre de “faible intensité” des “contra” stipendiés par les Yankees, et où les Sandinistes faisaient encore rêver à “la tendresse des peuples”

  • Bernadette Goossens
    Publié à 12:28h, 07 novembre

    Merci Claude pour cet hommage tout à la fois sobre et chaleureux qu’Irène mérite largement. Je n’étais pas des proches d’Irène, mais je m’amuse de la coïncidence qui fait que je prenais un abonnement à l’Asymptoqmatique au moment même où elle rendait son dernier souffle. Que la terre lui soit douce.

  • Marie-France Vincke
    Publié à 11:18h, 07 novembre

    Merci Claude pour ce beau texte plein d’humilité qui rend si bien compte de ce que fût Irène pour chacun de nous : une grande dame.

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