KEYA, UNE FERMIÈRE À LA MER !

Keya m’a été amenée par Mary, fermière en Condroz, chez laquelle elle s’était intégrée comme une fille de la maison. Jeune femme calme, réfléchie, énergique. Qualités accompagnées d’une maîtrise absolument impeccable de l’anglais.

Elle m’a raconté qu’elle avait demandé l’asile en Norvège: refusé. En Belgique: refusé. Puis recours contre cette décision: refusé. “Qu’est-ce que je peux faire d’autre, Mami, que d’essayer d’aller en UK?
Elle cuisinait au moins aussi bien que les autres. Ses injeras étaient magistralement réussies dès la première crêpe. Ses garnitures étaient roboratives.
Elle faisait aussi excellemment le ménage, à fond à fond!
Mami, do you have gloves?” J’étais très fière de me remémorer, grâce au contexte, que “gloves” signifiait “gants”. Je lui ai donc fourni les gants en caoutchouc.

Tous les coussins sur le toit !

Elle battait à chaque fois tous les coussins et les faisait aérer au soleil de mon petit jardin, cependant qu’elle récurait soigneusement les sols et les surfaces.
Quand je me suis absentée pour les vacances, je l’ai laissée chez moi avec un de ses amis. J’ai su par Isa et Nico, mes voisins, qu’ils avaient déhoussé le grand divan et lessivé ce tissu. C’était bien nécessaire: s’y étaient accumulées non seulement la poussière du salon mais aussi la sueur des dormeurs surnuméraires occasionnels.

Son arrivée en UK dans le quotidien Daily Mail !

Elle a vécu chez moi la majeure partie du confinement.
Puis elle est “passée” en “small boat”. Et m’a envoyé la coupure de presse avec la photo prise lors de son débarquement en UK. Assez vite, elle a obtenu le permis de séjour et trouvé du boulot.
Et un logement en grande banlieue de Londres.
Au printemps dernier, elle est revenue à Bruxelles me remercier, les bras chargés de cadeaux de grande dame: fleurs, parfum, champagne!
Lors de mon séjour à Londres en août, elle a à nouveau pris un jour de congé pour me promener en ville.
Après une crème à la glace maousse, nous avons embarqué sur la Thames, au pied de London Bridge, pour Greenwich que j’avais envie de revoir et qu’elle ne connaissait pas.
Promenade dans cet immense parc. Montée sur la verte colline. Five ‘o Clock tea au “Pavilion Cafe”. Puis nous sommes redescendues, en passant par la roseraie et en admirant au loin la “skyline” de la City. Nous avons rejoint Mae en métro au Canary Wharf, pour y admirer le coucher du soleil.

Après quoi, restau indien en terrasse sur le quai, au ras de la Tamise. La carte proposait de quoi contenter tout le monde: Keya jeûnait, ce qu’elle traduisait pour sa commande par “I am vegan”. Leur jeûne équivaut à manger (très) “maigre”; Mae voulait du “spicy”, du “hot”; et moi quelque chose que je puisse déguster sans craindre de m’enflammer la langue et les entrailles.
A la fin du repas, on n’y a pas coupé: négociations véhémentes et serrées pour payer, ou au pire diviser la note.
Ils ont tous les deux un bon job déclaré: je n’avais donc pas de scrupule à me faire inviter. Mais pour finalement les mettre d’accord plus facilement, j’ai fait mine de me lever pour passer moi-même à la caisse.

 

Marie Wiener, « hébergeuse ».

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