MAWLI, DE NORVÈGE À ROUEN par Marie Wiener

Que je vous narre la longue, merveilleuse et véritable histoire de Mawli le Tchadien.
Mawli a décidé de quitter les siens, je ne sais pas suite à quelles violences ou misères, je ne sais pas quand. Il est arrivé en Europe, je ne sais pas quand ni par quel chemin.
Il a atterri à Boitsfort chez Diane.
Diane faisait en principe depuis toutes ces années de l’accueil “d’urgence”. Elle avait de la place chez elle, mais elle n’était pas toujours à Bruxelles. Pour son business, elle voyageait en permanence entre Bruxelles, Paris et Rome.
Dès que Mawli posa le pied chez elle, ils surent tous deux que ce serait une relation peut-être “longue distance”, mais indéfectible.

Quand Diane partait, Annie ou Marie, proches voisines, prenaient le relais. Mawli était bienvenu partout. Grand gaillard souriant, il pouvait donner une variété impressionnante de coups de main. Il cuisinait aussi.
A un moment, Dublin le Malin (*) s’en est mêlé.
Mawli s’est fait expédier… en Norvège. Qu’à cela ne tienne, Diane, consultante internationale aguerrie, pouvait traduire les documents les plus abscons en dans un anglais compréhensible par l’avocate norvégienne. Mawli fut donc promptement rapatrié dans notre plat pays.

Cependant les circonvolutions des cerveaux administratifs de par chez nous mettaient sa patience à rude épreuve. Il lui vint l’envie d’aller voir outre-Quiévrain, si l’herbe était là-bas plus verte et plus digeste. Première destination: Rouen.
Diane avait gardé dans un coin de son esprit l’information selon laquelle la fille d’une amie s’était installée en cette illustre Préfecture de Seine et Marne, Chef-Lieu de Normandie.
Les téléphones chauffèrent. Las: non, la jeune femme n’était pas dispo, elle voyageait justement elle aussi.
Qu’à cela ne tienne, elle promit de contacter un sien voisin, homme d’âge et d’expérience lui aussi très hospitalier. Ainsi fut fait et ainsi à Rouen fut accueilli Mawli.

Il y prit goût, à ce Far-West de l’Hexagone. Il logea aussi chez la fille de l’amie, quand elle revint de son périple. Il la charma elle aussi, et son compagnon également. Il régla dans l’appartement de menus soucis d’infrastructure.
Tant et si bien qu’après je ne sais combien de mois, voire d’années vécues en douce France, il y obtint l’asile en bonne et due forme. Hier, il est venu cuisiner chez moi, du riz au poisson.
Il avait amené Damiruh, un ami, avec tous les documents là encore mais sans logement : pourrais-je l’aider, dans la jungle des agences et des gros et petits propriétaires de biens à louer ? Damiruh cherche pour lui et sa sœur (ses documents incluent une aide mensuelle du CPAS). A bon lecteur, à bonne lectrice, salut !

Marie Wiener, « hébergeuse ».

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* C’est-à-dire que ses empreintes digitales, qu’il avait données ici en Belgique au moment de sa demande, avaient été retrouvées par les fonctionnaires dans la base de données Eurodac : elles lui avaient été prises de force lors de son débarquement en Norvège. La Belgique – de même que l’ensemble des pays de l’espace Schengen, qui ont signé le Règlement dit “de Dublin” – se réserve alors le droit de le renvoyer dans le pays considéré comme le lieu de sa « première arrivée » dans l’Union Européenne.

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