NOUS SOMMES LE 18 AOÛT

Nous sommes le 18 août 2022.

18 août 1789.
Cela fait un bon mois qu’à Paris, la Bastille a été prise, et deux semaines que les privilèges sont abolis. À Liège, tout ça ne fait que commencer. Mais ça démarre fort.
Échauffé par les événements de Paris, le peuple liégeois se soulève et prend d’assaut l’Hôtel de Ville et la citadelle de Sainte-Walburge. On nomme deux bourgmestres en remplacement des magistrats en place. Le prince-évêque est contraint de ratifier la chose. C’est le début de la « Binamêye revolucion », la « Revolucion lidjwesse », quoi.
En de temps-là, on pouvait cumuler les métiers de prince et d’évêque. L’ennui, c’est que quand on perdait un job, on perdait l’autre en même temps.
Le prince-évêque fuit donc en Allemagne et la République de Liège est proclamée. Deux ans avant la France ! Quand les Liégeois s’y mettent, ça ne traîne pas !
La suite ne sera pourtant pas un long fleuve tranquille. Le tribunal du Saint-Empire germanique ne l’entend pas tout à fait comme ça et ordonne le rétablissement de l’ancien régime.
En 1791, pour valeureux qu’ils soient, les Liégeois ne font pas le poids devant l’armée autrichienne. Le prince-évêque retrouve le pouvoir et la plupart des partisans de la République s’exilent à Paris. Pas pour longtemps. L’année suivante, les troupes françaises de Dumouriez prennent le contrôle de la Principauté et des Pays-Bas autrichiens. Le prince-évêque se fait la malle. Les Liégeois votent pour l’annexion de la Principauté par la France, mais en 1793, les Autrichiens battent les Français à Neerwinden et remettent un prince-évêque à la tête de Liège. Celui-ci a tout juste le temps de défaire ses valises que les Français, victorieux aux batailles de Fleurus et de Sprimont, reprennent la principauté. Enfin, en 1795, la Convention nationale française approuve l’incorporation de la principauté à la France. Elle est pas binamêye cette révolution ?

Encore du bruit et de la fureur…
18 août 1944.
Alors que les alliés progressent à bonne allure sur le territoire français, l’armée américaine bombarde Namur. La cible est le pont ferroviaire du Luxembourg qui enjambe la Meuse. L’intention est de le détruire pour couper la route aux troupes allemandes. Plus de 200 bombes sont larguées. Pas une seule n’atteint son objectif. Bilan : au moins 330 morts, au moins 600 blessés graves, près de 2000 bâtiments sinistrés. Le pont est resté intact.

Ce même 18 août 1944, suite à l’exécution, la veille, par des résistants, du bourgmestre collabo du Grand-Charleroi, abattu à Courcelles, en même temps que son épouse et son fils, des rexistes arrivent à Courcelles pour punir les attaquants. Leur réponse à l’exécution de la veille sera d’une extrême violence. Plusieurs immeubles sont mis à sac, pillés et incendiés, dont les locaux de la police judiciaire où un homme est abattu.
Trois personnes d’une même famille sont tuées le 17 au soir, trois autres personnes dans la nuit du 17 au 18. Cette nuit-là, les rexistes de Bruxelles et de Charleroi décident d’arrêter des personnalités locales, hommes et femmes. Vingt-et-une personnes sont prises en otages et emmenées à Courcelles. Dix-neuf d’entre elles, policiers, médecins, architectes, hommes de loi, et le curé doyen de Charleroi, sont abattues à l’aube du 18 août.
Au total, 27 hommes et femmes auront été assassinés les 17 et 18 août 1944.

Tout autre chose pour se changer un peu les idées.

Le 18 août, il est bon de commémorer le décès d’Étienne de La Boétie, écrivain humaniste et poète français, mort à 33 ans, le 18 août 1563.
Ami de Montaigne, celui-ci rendra un hommage posthume à cette amitié dans ses « Essais » (« Parce que c’était lui, parce que c’était moi… »). Remarquable par son esprit de tolérance en une époque troublée par les guerres de religions, La Boétie est admis comme conseiller au parlement de Bordeaux deux ans avant l’âge légal. Il y jouera un rôle important.
Par la suite, il sera chargé par le chancelier Michel de L’Hospital, principal collaborateur de la régente Catherine de Médicis, d’intervenir dans diverses négociations pour parvenir à la paix dans les guerres de religions opposant catholiques et protestants.
Son œuvre principale « Discours sur la servitude volontaire », sera publiée après sa mort, par Montaigne. Ce texte, revendiqué par certains comme précurseur de l’anarchisme, démontre les mécanismes du pouvoir, de la soumission, et les moyens de s’en affranchir.
« Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand nombre infini de vos villes, sinon qu’il a plus que vous tous, c’est l’avantage que vous lui faites pour vous détruire »…

« Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux », « Soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres »…

En 1563, on n’en a pas fini pour autant avec les religions, leurs guerres et leurs nuisances…
18 août 1572.
Tout juste neuf ans après la mort de La Boétie, le prince protestant Henri de Navarre, futur Henri IV, épousait Marguerite de Valois (la Reine Margot) : un mariage en prélude au massacre de la Saint-Barthélemy. On en reparlera sous peu.
Et puis encore un autre 18 août, 62 ans plus tard, le 18 août 1634, Urbain Grandier, curé de Loudun, est exécuté pour commerce avec le diable pour voir ensorcelé un couvent de religieuses. Il faut dire qu’il avait aussi publié un pamphlet assez sévère contre Richelieu…

Allez, changeons-nous encore les idées.
Le 17 août 1908, au Théâtre du Gymnase à Paris, Émile Cohl (de son vrai nom Émile Courtet) présentait le premier dessin animé cinématographique « Fantasmagorie ». On a sans doute fait mieux depuis, mais on a aussi fait bien pire…

André Clette

On peut voir cette pépite ici : →

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