“PRINCESS”, UN CONTE DE NOËL par Claude Semal (2/3)

Photo Zvonock light (Semal dans “Le Noël de Mr Scrooge”)

En 2007, j’ai publié un court récit de 80 pages dans une collection en principe destinée aux adolescent·es (ce qui explique la dimension “pédagogique” de certaines notes de lecture) (1). Il me semble toutefois que sa lecture résiste à des âges un peu plus avancés.
Je vous le ressers donc cette année en forme de “conte de Noël” en trois épisodes.
Résumé de la première partie : Aujourd’hui, le Django Band aurait dû répéter pour la finale de l’émission “A Star is Born”. Mais aujourd’hui, Princess, la chanteuse, n’est jamais arrivée à la répétition. Rongés d’angoisse, Jeepé, Mousse et Anna, ses amis, imaginent tout ce qui a pu lui arriver. Tout, sauf ça…

( “Père Noël” bien malheureux du spectacle “Le Noël de Monsieur Scrooge”, annulé au Théâtre du Parc pour cause de covid dans l’équipe).

(1) “Princess”, aux Editions Averbode, aujourd’hui épuisé.

“Princess” (2/3)

6. Mercredi 23 novembre, dans le journal d’Anna

Quelle horrible soirée ! Mais Papa a été super. Dès que je l’ai prévenu, il a d’abord téléphoné à Cynthia, la mère de Princess, qui fait parfois des extras à l’Hôpital Ste Marguerite. Des horaires de fou, la nuit, le week-end, dès qu’il manque quelqu’un. C’est Papa qui lui avait trouvé ce boulot, qui n’en était pas vraiment un. Je ne sais pas comment ils se sont arrangés. En principe, comme demandeuse d’asile, elle ne pouvait pas travailler. « Qu’au moins, mon métier serve à quelque chose… » disait Cynthia. Je me suis parfois demandé si, entre Papa et elle … Bref ! Il a retéléphoné deux minutes plus tard :
— « Sa mère n’est pas à l’Hôpital. Bougez pas, j’arrive ! ».
« Hôpital », ça a fait « tilt ». Et si elle avait eu un accident ? Jeepé a téléphoné au service « 100 ». Puis à toutes les Urgences des hôpitaux. Mais personne n’avait entendu parler d’une jeune fille de 17 ans, de race noire, de nationalité nigérienne, qui s’appelait Princess Mbanga.
J’ai commencé à flipper grave. A imaginer des trucs très moches. Deux sales types qui la tirent dans une bagnole. Un viol dans un terrain vague. Le visage de Princess dans la boue. Une vidéo crasseuse sur Internet. Ces jeunes filles qui disparaissent. Qu’on enlève, qu’on drogue, qu’on viole, qu’on vend.
— « C’est des phantasmes, tout ça ! » a tranché Mousse, très sûr de lui.
Mousse, le spécialiste des enlèvements de jeunes filles. Le spécialiste du flamenco. Le spécialiste des motos Honda. Le spécialiste de tout. Je l’adore, mais parfois, ce mec me tue. Puis Papa est arrivé.
— « On va d’abord aller voir chez elle. Qui vient avec moi ? ».
Jeepé et moi, on est parti avec lui en voiture. Mousse et Mamée sont restés à la maison pour continuer le tam-tam téléphonique. Quelqu’un, peut-être, pourrait nous donner une piste ? Qui avait vu Princess aujourd’hui, où, et à quelle heure ?
Nous, on a foncé au Parvis de Saint Gilles. Aïe ! Pas de lumière au troisième étage. On a sonné chez elle. Attendu. Resonné. Personne.
Papa, ça le rassurait plutôt. Princess et sa mère pouvaient être ensemble chez des amis. Ou au cinéma. Pour Jeepé, c’était totalement impossible. Jamais, elle n’aurait loupé la répétition. Et en cas d’empêchement, elle aurait téléphoné. Ca ne tenait pas debout.
On a tenté le coup à l’étage d’en dessous. Une voix de femme nous a répondu, assez sèchement, qu’ils étaient à table, qu’on avait réveillé le bébé, et qu’ils ne s’occupaient pas de ce que faisaient les voisins. De fait, on a entendu un bébé pleurer dans l’interphone. Mais peut-être qu’il pleurait déjà avant ? J’ai voulu m’excuser mais elle avait déjà raccroché.
A tout hasard, j’ai fait un saut au Café de l’Union, à trois maisons de là. Le mercredi midi, avant d’aller à l’Académie de Musique, on y mangeait souvent une soupe du jour et des tartines. Et Cynthia y prenait parfois son café le matin, pour lire le journal à l’œil.
Oui, le serveur connaissait Princess et sa mère. Non, il ne les avait pas vues aujourd’hui. Mais il n’avait pris son service qu’à 18 heures. Oui, il les préviendrait de notre passage s’il les voyait. Merci, de rien.
En sortant du café, c’est Jeepé qui a parlé de prévenir la Police. On était tellement flippés que ça nous a semblé une bonne idée. Après un enlèvement, pour recueillir les indices et les témoignages, les premières heures sont paraît-il cruciales. On est remonté en voiture, et en remontant vers le Cimetière d’Ixelles, on s’est arrêté au Poste de Police de la Chaussée de Boendael.
Je n’ai jamais vu de commissariat qu’à la télévision. Mais ça n’a rien à voir. Pas de suspects menottés qu’on croise dans les couloirs. Pas de gros types en sueur avec des bretelles rouge et bleu et un cigare. Pas de beaux mâles bronzés qui rajustent leur porte-flingue en cuir en enfilant leur veston.
— « C’est pour quoi ? », a demandé la dame de l’accueil, une blonde à queue de cheval. Le genre à vous mettre une contravention pour vous dire bonjour.
Il a dû y avoir un malentendu, car elle a ajouté :
— « Pour les vols de GSM, ça ne sert à rien de porter plainte. Vous allez perdre du temps. Et il n’y a jamais de suites ».
— « C’est pour signaler une disparition », a répondu Papa d’une voix grave, pour bien indiquer que ce l’était (grave). Au moins un meurtre ou un attentat à la bombe avec des sirènes et des ambulances.
On nous a fait asseoir sur un banc pour patienter. Exactement le même modèle qu’à la Maison Communale. Au bout de dix minutes, tu as mal au cul. C’est la guerre psychologique qui commence. Si tu es coupable, tu avoues tout de suite.
Une demi-heure plus tard, on devait être à point, car un inspecteur est venu nous chercher.
Il ne transpirait pas la sympathie, mais il n’avait pas l’air antipathique non plus. Disons compétent. Un fonctionnaire faisant fonction — et après tout, on ne va pas au commissariat pour se faire des amis. Il sembla hésiter un instant à nous vendre une Assurance Incendie, puis, en rajustant ses lunettes, il y renonça :
— « Que puis-je pour vous ? »
— « Voilà », a dit Papa de sa voix de catastrophe, «nous voudrions déclarer la disparition d’une jeune fille ».
— « Vous êtes de la famille ? »
— « Non, des amis ».
— « Quel âge a-t-elle ? »
— « 17 ans ».
Il y eût une légère pause.
— « Cette personne n’a plus de parents ? »
— « Si. Sa mère et son petit frère ».
— « Pourquoi est-ce vous qui faites cette démarche ? »
— « Nous ne sommes pas parvenus à joindre la mère».
— « Qu’est-ce qui vous fait penser que cette jeune fille a disparu ? »
— « Elle avait une répétition avec ma fille et elle n’est jamais arrivée. Un groupe musical ».
— « Il y a combien de temps de cela ? »
— « Le groupe ? »
— « La répétition ».
Papa a consulté sa montre.
—« …Un peu plus de trois heures ».
L’inspecteur a regardé Papa comme s’il venait d’enlever son pantalon, ou comme s’il s’était brusquement transformé en Gilles de Binches avec un nez rouge et des clochettes.
—« Et vous voulez que j’enregistre une disparition parce qu’une jeune fille de 17 ans n’est pas venue, ce soir, à une répétition de musique ? »
Il se mit à parler plus lentement, en articulant, comme si le Quotient Intellectuel de Papa était soudain passé sous les soixante.
—« Vous savez, elle est peut-être avec sa mère. Dans un café avec des copines. Ou chez son petit ami ».
—« Non ! Ca, c’est impossible ! ». Jeepé avait sauté dans la conversation comme un para sur Kolwési.
Le flic le jaugea du coin de l’œil, avec un poil de scepticisme.
—« C’est vous, le petit ami ? ».
Jeepé devint tout rouge :
—« Non ».
Un ange passa, avec une grande pancarte autour du cou : « Mon pauvre garçon. On voit que tu ne connais ni les hommes, ni les femmes, ni les jeunes filles. Si tu avais entendu le tiers du quart de la moitié de ce qu’on m’a déjà raconté dans ce bureau, tu mangerais ta langue avec des petits oignons plutôt que de débiter de telles âneries ». Flop flop flop, fit l’ange.
— « Bon », repris l’inspecteur, « je vais prendre note du signalement de votre amie. Vérifier s’il n’y a pas eu d’accident sur la voie publique ».
— « Les hôpitaux, c’est déjà fait », j’ai dit, histoire de ne pas faire la potiche muette jusqu’au bout.
— « Alors, il n’y a plus qu’à espérer et attendre », a dit le bras armé de la Justice dans un grand élan de philosophie. « Elle rentrera très probablement ce soir. Ca arrivera souvent, vous savez, à cet âge-là ».
— « Je sais, Dugland », ai-je pensé très fort. « Cet âge-là, c’est le mien. Et je sais que pour cette raison, justement, ni Princess ni moi nous ne ferions cela». Mais je n’ai plus rien dit.

On s’est retrouvé sur le trottoir, l’oreille basse, la queue entre les jambes. On avait perdu une heure pour rien.
Puis le portable de Papa a sonné. C’était Mamée.
—« Hmm… », a fait Papa.
Et j’aurais voulu avoir des oreilles de chauve-souris pour entendre ce qui se disait. Il devrait jouer au poker, mon Papa. Visage de bois, œil de verre. Sûr de gagner. Qu’est-ce qu’il allait nous annoncer ? Une paire de neuf, ou un full des Rois par les As ? Morte ou retrouvée ? Il n’a pas fait durer le suspense trop longtemps :
— « Mousse est parvenu à joindre une fille de sa classe. Une certaine Katheline. Ou Catherine ? Enfin, bref, peu importe : Princess n’est pas venue à l’école aujourd’hui ».
Il a respiré un bon coup, et a poussé un long soupir par le nez.
— « Il y a autre chose. Tom est rentré à la maison, et comme je n’étais pas là, il a téléphoné à Mamée. Steeve n’était pas non plus à l’entraînement de foot. Ca change un peu les données. On dirait que toute la famille s’est volatilisée ».
En pointillé, j’ai senti que dans la famille Mbanga, le sort de la mère de lui était pas non plus complètement indifférent.
—« Allons dormir » conclu-il, « on y verra plus clair demain ».
Et, soudain soupçonneux :
—« Vous êtes sûrs que Princess ne vous a rien dit ? ».
Qu’est-ce qu’il s’imagine, le Dad ? Que je lui sorte une lettre d’adieu de ma poche ? Genre : « Tiens, c’est vrai, maintenant que tu me poses la question, ça me revient ? ». Ouais, c’est ça. Allons dormir.

PS. Facile à dire. Il est une heure vingt et je n’arrive pas à fermer l’œil.
Ce soir, je n’ai pensé qu’à Princess. Mais sans Princess, plus de groupe. Plus de groupe, plus de concours. Django Plouf. Est-ce qu’elle aurait vraiment pu se barrer sans rien nous dire ?
En une soirée, j’ai perdu ma meilleure amie, mon groupe de musique et deux ans de ma vie. Ca me donne le droit de pleurer, non ?

7. Jeudi 24 novembre, au matin, à l’Athénée Jacques Brel

Et ce n’est pas le temps qui allait remonter le moral d’Anna.
Pendant toute la nuit, de lourds nuages noirs s’étaient rassemblés au-dessus de Bruxelles. Comme s’ils n’attendaient que ce signal, les premières sonneries des réveille-matin avaient déclenché une formidable averse. Une « drache nationale », comme on disait à Bruxelles. Depuis sept heures, Il pleuvait sans interruption à grosses gouttes.
Anna arriva à l’école les cheveux complètement trempés. Toujours aucune nouvelle de Princess… et deux heures de maths pour commencer la journée ! Et en plus, elle avait oublié son bonnet !
Le prof de maths aurait, tout aussi bien, pu parler étrusque ou écrire en mésopotamien. Les chiffres s’étaient mystérieusement transformés en hiéroglyphes martiens.
Assis deux bancs derrière Anna, Mousse n’en menait pas beaucoup plus large. Généralement vif comme un lapin Duracel, il regardait fixement le tableau avec des yeux d’ours en peluche devant une banane.
Anna avait discrètement caché son GSM sous son foulard, en mode « silencieux ». Depuis que les élèves passaient plus de temps à envoyer des SMS qu’à suivre les cours, l’usage du GSM avait été interdit en classe. Avec « confiscation de l’objet du délit en cas d’infraction », comme l’avait poétiquement précisé madame Blizard, la secrétaire administrative, dans le nouveau règlement affiché aux valves de l’école (1).
Mais bon, on pouvait toujours s’arranger ! Entre deux équations martiennes, Anna lorgnait donc le petit rectangle fluo caché entre les plis de son foulard.
À 9h25 et 9h45, il y eut deux appels en absence. Elle profita de l’intercours de 10 heures pour écouter sa boîte vocale.
Mousse vint la rejoindre dans le couloir. Anna était blanche comme une pub de lessive, avec les yeux rouges passés au savon.
Il imagina immédiatement le pire :
— « Elle est morte ? »
— « Princess, Steve et leur mère ont été arrêtés hier à sept heure trente du matin. Ils sont enfermés dans un Centre Fermé en attendant leur expulsion au Nigeria ».
— « Merde… ! Oh ! Non. Merde… ! Nom de dieu ! ».
Le vocabulaire de Mousse semblait brusquement réduit à ces deux ou trois mots, infiniment répétées dans un ordre aléatoire.
— « Oh ! non. Merde ! »
— « Papa a été prévenu ce matin au bureau par l’avocat ».
— « …Merde ! ».
Si Mousse continue à jurer comme ça, c’est sûr qu’il va rentrer dans le Guinness Book des gros mots. Mais il parut soudain se réveiller.
— «Pourquoi elle ne nous a pas prévenus ? ».
— «J’en sais rien. Je crois qu’on lui a pris son téléphone. Elle est en prison, Mousse. En prison ! ».
Cette fois, Mousse resta sans voix.
Princess, Steve et Cynthia, dans un cachot !? Un gosse de dix ans, une lycéenne et une infirmière, arrêtés chez eux, à l’aube, comme les gangsters dans les films ? Il n’arrivait pas à y croire. On avait dû mélanger les bobines : le son ne correspondait pas à l’image !
La prof d’Histoire Géo arrivait au bout du couloir, son gros cartable en cuir noir contrastant avec l’élégance de sa démarche chaloupée.
Anna écouta en vitesse le second message. C’était Mamée, qui les embrassait tous très fort, et proposait une réunion d’urgence, à 19 heures, chez elle.
— « Il faut prévenir Jeepé et Carole ! », glissa Anna à l’oreille de Mousse, en suivant le cartable et le prof dans la classe.
Ainsi, entre « Le règne de Louis IV » (chez Anna) et « La reproduction chez les mammifères» (le cours de bio chez Jeepé, un sujet toujours très populaire chez les élèves), de nombreux SMS se faufilèrent clandestinement entre les murs de l’athénée.
Par une curieuse alchimie de la rumeur, à midi, toute l’école avait appris l’arrestation de Princess. De nombreux élèves vinrent s’informer auprès des membres du Django Band :
— « On peut faire quelque chose pour elle ? »
— « Elle n’a besoin de rien ? »
— « Je vais recopier mes cours et les lui envoyer ».
— « Et comment allez-vous faire pour le concours ? ».
En même temps, les bruits les plus fantaisistes commencèrent à pousser comme des mauvaises herbes dans les couloirs.
Pendant « l’heure de table », Mousse faillit se battre avec le gros François, de Terminale Latin Grec, qui croyait savoir que la famille Mbanga avait été arrêtée pour trafic de drogue ! Et dans une classe de Scientifique B, quatre tables avaient même évoqué « le démantèlement d’un réseau terroriste d’El Quaïda».
— « Sûr et certain, j’en ai entendu parler ce matin sur Radio 21»…
Vraiment, n’importe quoi ! Anna en était malade. Toutes ces rumeurs étaient franchement dégueulasses.
Mais les diffamateurs avaient au moins une excuse.
N’était-ce pas une façon, certes perverse, de résister à l’idée que l’on puisse, dans une démocratie, mettre les innocents en prison ?
Chez les profs, les réactions furent aussi contrastées.
Tous regrettaient l’arrestation, en plein milieu de l’année scolaire, d’une élève brillante et sociable.
Les uns, révoltés, y voyaient la démonstration d’une « politique d’asile » absurde et inhumaine.
— « On ne peut pas laisser passer ça. Il faut protester. II faut agir ! » répétait Marc, le prof de gym, aux membres de sa section syndicale. Car il était aussi membre d’Amnesty International. S’il faisait sortir les gens de prison, à l’autre bout du monde, ce n’était pas pour les laisser enfermer chez lui !
Mais les autres profs, dans l’attente d’informations complémentaires, estimaient qu’il fallait d’abord laisser la justice faire son travail. Et que le mal étant fait, il importait surtout de laisser les professeurs donner leurs cours. Bref, qu’il était urgent d’attendre !
L’après-midi même, dans la classe de Jeepé, la discussion faillit tourner à l’affrontement pendant le cours de français.
Monsieur Delith, le titulaire, était pourtant considéré comme un prof sympa. Il montait, chaque année, en « parascolaire », une pièce de théâtre avec les élèves des classes supérieures. Bien que la chanson l’intéressa moins, il avait félicité Jeepé de la prestation du Django Band au concours télé. Si les jeunes voulaient chanter, au moins que ce soit en français !
Aussi, quand au début du cours, Jeepé, encore frémissant d’indignation, orienta la discussion sur l’arrestation de Princess, il fut surpris de voir Monsieur Delith y mettre immédiatement le holà :
— « Vous venez d’avoir deux heures pour en parler, Jean-Pierre. Je partage votre inquiétude pour votre camarade, mais ce n’est ni le lieu ni le moment de poursuivre cette discussion. Ce qui est au programme cet après-midi, c’est Montaigne ».
— « Je ne pense pas que Montaigne eût injustement abandonné La Boétie en prison», répliqua Jeepé, un peu plus vite et un peu plus fort qu’il ne l’eût souhaité.
Ce qui n’était pas faux, mais guère diplomatique. Monsieur Delith se cru obligé de poser un acte fort pour rétablir son autorité :
— « Jusqu’à preuve du contraire, c’est encore moi qui fixe le contenu des cours. Mais puisque le droit d’asile semble vous passionner, vous me ferez tous, pour lundi prochain, une dissertation sur le thème : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Thèse, antithèse, synthèse. Ce travail sera coté ».
Jeepé, qui était déjà au bord de l’explosion, en profita pour péter carrément une durite :
— « Vous ne préférez pas qu’on vous apporte un coussin ?».
La remarque faisait directement allusion à Sémira Adamu, une jeune fille nigériane, étouffée par onze gendarmes, dans un avion, lors de son expulsion de Belgique. Il y avait plus de 3000 personnes à son enterrement à Bruxelles.
Monsieur Delith préféra ignorer l’ignominieuse référence, et il fit comme s’il ne l’avait pas comprise.
— « Il n’est pas prévu de dormir à mon cours, avec ou sans coussin. Et monsieur Jean-Pierre fera deux heures de retenue ce soir pour affiner son vocabulaire et ses arguments ».
Je ne le jurerais pas, mais une ombre de sourire sembla planer sur sa moustache.
— « D’autres volontaires pour l’accompagner ? ».
Et c’est dans un silence de mort qu’il entama sa leçon d’une voix tranquille :
— «Michel de Montaigne est né à Bordeaux en 1533. Ses parents, de riches négociants bordelais… ».

(1) Le mot « valves », généralement utilisé au pluriel, est ce qu’on appelle un « belgicisme ». Il désigne, en Belgique, les panneaux d’affichage dans les écoles et les administrations. C’est un mot très courant chez nous, mais inconnu dans le reste de la francophonie. Il est bon le savoir, si l’on veut se faire comprendre ailleurs… mais puisque nous sommes en Belgique, je me permets néanmoins de l’utiliser !

8. Encore jeudi, 16 h45, à la Radio Télévision Belge

Gilbert Mortier, le réalisateur producteur de l’émission « A Star is Born », sortait de l’ascenseur, un gobelet de café dans chaque main. À 48 ans, il avait conservé sa silhouette et sa coupe de cheveux d’ancien étudiant de l’INSAS. Mais il avait perdu beaucoup de son enthousiasme. Dieu, que ces couloirs le déprimaient ! Et ces plantes vertes anorexiques ! Et ces autocollants sur les portes, vieux d’au moins vingt ans ! N’était-ce pas pire chaque année ? Ou bien, souffrait-il, déjà, du syndrome du « vieux con » ? Celui qui s’imagine, en permanence, que « c’était mieux avant » ?
Il croisa et salua distraitement un collègue qui paraissait soufflé aux stéroïdes ou à la cortisone. Mais ce n’était que la « Jupiler » du mess.
— « Il a pris un coup de vieux ! », pensa-t-il in petto. Il évita toutefois prudemment de se regarder lui-même dans les vitres.
Non ! Lui, au moins, il avait de bonnes raisons de regretter le passé. Après tout, à la RTB-Liège, il avait produit une grande émission de variétés pendant quatre ans. Récompensée, s’il-vous-plaît, par une Rose d’argent à Montreux ! Avec de vrais moyens techniques, et des chanteurs qui ne chantaient pas en playback (1) ! Et toutes ces émissions spéciales pour les Fêtes, avec Geluck et Cie ! Ah ! On savait rigoler, en ce temps-là ! On rigolait, mais on travaillait !
Aujourd’hui, il fallait pleurer pour avoir trois francs cinquante. Gueluck fait le pingouin chez Drucker. Et quand on présente un projet d’émission, on a toujours l’air d’emmerder la direction. C’est tellement plus simple de débiter, au mètre, des feuilletons brésiliens et allemands pendant tout l’après-midi ! Heureusement que sa femme n’était pas là : elle l’aurait encore accusé de radoter…
Enfin ! Avec « A Star is Born », il tenait un bon filon. Et fréquentation de ces jeunes musiciens lui donnait la pêche.
Il ouvrit la porte de son bureau d’un coude expérimenté.
— « J’ai dû prendre des gobelets en plastique. Ils ne laissent plus sortir les tasses de la Cafete ».
Il poursuivit son numéro de jongleur en refermant la porte avec le pied. Presque bon pour le Cirque de Pékin.
— « Il paraît que les gens ramènent les tasses chez eux et qu’elles disparaissent ! J’espère que le café n’est pas tiède ».
Gisèle, l’assistante de production, était en train de classer le matériel promotionnel des dix groupes finalistes.
L’idée de s’équiper en vaisselle « RTBF » lui paraissait totalement saugrenue. Les gens devaient plutôt, par paresse, jeter leur tasse à la poubelle !
— « Dis, je n’ai toujours pas reçu la fiche de confirmation du Django Band. Tu les as eu en ligne cette semaine ? » interrogea-t-elle.
— « J’ai eu la grand-mère mardi passée. J’espère qu’elle fait suivre les messages. Elle a l’air d’avoir toute sa tête, mais… ».
Ils furent interrompus par la sonnerie du téléphone.
Gisèle décrocha :
— « A Star is Born », bonjour… Ah ! On parlait justement de vous… Oui, je vous le passe ! ».
Elle mit la main devant le téléphone :
— « Quand on parle du loup… C’est le Django Band ! ».
Il prit l’appareil, masqua à son tour le cornet de la main et souffla à mi-voix :
— « La grand-mère ? ».
— « Non, la jeune fille. La guitariste… ».
Il reprit sa voix normale, ou plutôt sa voix-de-producteur-chaleureux-au-téléphone :
— « Gilbert Mortier à l’appareil… Oui, bonjour, Anna ! Je suis content d’avoir de vos nouvelles. Nous attendons toujours votre fiche technique ! …Ah ? ».
Gisèle n’entendait que la moitié de la conversation, mais Gilbert avait soudain pris l’air grave et contrarié.
— « Vous dites que c’est un problème administratif ? …Ah ! …Elle ne peut pas sortir ! … Dans combien de jours !? ».
Il y eut de nouveau, à l’autre bout de la ligne, le bruissement inaudible d’une explication.
— « Je comprends tout à fait, et je trouve cela scandaleux. Mais de notre côté, nous devons être sûr de notre programmation. Il nous faut dix candidats à l’antenne ! Si vous vous désistez, il faut que nous ayons le temps vous remplacer… Dans cinq jours au plus tard… ? Non, bien sûr, sans la chanteuse, cela n’a pas de sens… Une réunion, ce soir ? … À quelle heure ? D’accord, j’essayerai de venir. À tantôt, alors, et courage à tous ! ».
Il raccrocha avec un long soupir nasal.
— « La petite chanteuse black a été arrêtée avec sa mère. Elles sont enfermées dans un Centre Fermé. Une histoire de sans-papiers ».
— « Ça peut s’arranger ? ».
— « Ils vont faire le maximum pour la sortir de là. Mais sans garantie. »
— « Quand doivent-ils donner une réponse ? ».
— « J’ai dit dans cinq jours… ».
— « Ca nous laisse peu de temps pour nous retourner », objecta Gisèle.
Gilbert Mortier lui répondit par un sourire, sur un ton légèrement cynique :
— « C’est con, on serait en direct à la télé, ça ferait un sujet terrible… Tu imagines, à la Star’ac, le suspense et le compte à rebours ? La chanteuse sortira-t-elle à temps de prison pour participer au concours ?! ».
Il pris le temps de rêver à cette émission qu’il ne ferait jamais, et soupira :
— « Mais, hélas, on est en différé ! ».
Puis, comme s’il était honteux de ce qu’il venait de dire, il ajouta :
— « Je vais prévenir Jean-Pierre au journal télé. Il y a peut-être moyen de faire quelque chose pour les sortir de là… ».
Et il ajouta :
— « Téléphone toujours au onzième groupe. Dis-leur de se tenir prêt. Au cas où… ».

9. Jeudi à 19 h 10, la réunion chez Mamée

Maître Olivier, l’avocat de la famille Mbanga, avait de grandes oreilles. De très grandes oreilles. Il en avait beaucoup souffert quand il était gamin :
— « Eh ! Mickey, t’as perdu ta queue ? »
— « Fais gaffe, il y a du vent, tu vas t’envoler ! »
S’il était devenu avocat, vingt ans plus tard, c’était aussi pour combattre cette petite humiliation d’enfance. C’est peut-être idiot, mais c’est comme ça !
Le dossier rouge de Princess, Steve et Cynthia était ouvert devant lui. Autour de la table, dans la salle à manger de Mamée, une vingtaine de personnes. Des voisins de Cynthia, un prof de l’Académie de Musique, Karel, l’ entraîneur adjoint du Club de Foot de Steve, trois parents d’élèves, des amis de Princess, John, un délégué syndical FGTB de l’Hôpital de Cynthia, Marina, une membre du Collectif contre les Expulsions. Et bien sûr, le Django Band au grand complet. On n’attendait plus que Jeepé, retenu par sa « retenue ». Le producteur de l’émission « A Star is Born », qui avait promis d’assister à la réunion, s’était fait excuser au dernier moment.
Anna et Mousse avaient apporté les tabourets de la cuisine et toutes les chaises pliantes du jardin. Même les horribles vieilles chaises vertes à barreaux, qui se transformaient parfois en piège à ours pour leur malheureux occupant. Il y avait pourtant encore cinq ou six personnes debout ! En une journée de coups de téléphone, Mamée et Papa avaient bien fait les choses : ils avaient mo-bi-li-sé.
Maître Olivier prit d’abord la parole pour expliquer la situation.
Aujourd’hui, quand il ouvrait la bouche, plus personne ne regardait ses oreilles. Un brushing latéral, savamment entretenu tous les quinze jours par un coiffeur hors de prix, avait élégamment éludé le problème dans la vie comme dans les prétoires. C’était son seul luxe, mais il était pour lui essentiel. Son coiffeur lui avait beaucoup manqué, quand il avait été, pendant cinq ans, coordinateur pour Médecins sans frontières dans le sud-ouest africain.
— « A la demande du Papa d’Anna, j’ai repris, il y a deux ans, le dossier de demande d’asile politique de Cynthia, Steve et Princess. Techniquement, c’est un dossier difficile à défendre. Vous le savez, le mari de Cynthia a été assassiné. J’ai bien sûr argüé de ce que la vie de son épouse et la vie de ses enfants étaient en danger dans leur pays d’origine. Mais je dispose de très peu de documents officiels pour le prouver. Je n’ai pas de certificat de décès. Officiellement, le mari de Cynthia est « simplement » considéré comme disparu. On n’a jamais retrouvé son corps. ».
Pour une raison inconnue, Fly-tox, le chien de Mamée se mit soudain à gronder furieusement. Anna frissonna.
— « De plus, dans la région, tous les bâtiments administratifs ont été régulièrement brûlés et pillés. Je ne dispose même pas du certificat de mariage de Cynthia. Ni de l’acte de naissance de Steve et Princess. Nous n’avons que quelques témoignages indirects et, bien sûr, celui de Cynthia. Il ne s’agit pas, ici, de mettre sa bonne foi en doute. Mais vous devez savoir que la parole d’un réfugié est systématiquement considérée comme suspecte par l’Office des Etrangers. Or c’est lui qui gère les demandes de régularisation. Nous devons donc pouvoir rencontrer ses objections ».
Il regarda ses interlocuteurs, droit dans les yeux, pour donner plus de poids et de gravité à son propos.
— « Pour cette année, j’ai une vingtaine de témoignages qui, tous, témoignent de l’excellente intégration de la famille Mbanga dans la société belge. Votre présence ici, ce soir, le montre à suffisance. Cependant, pour fonder une demande d’asile politique, c’est sur le passé que je dois m’appuyer. Pas sur le présent ».
Il avait pris la tête que l’on compose généralement pour vous annoncer un grave accident de la route ou un cancer du poumon.
— « J’ai évidemment introduit, devant le Conseil d’Etat, un ultime recours contre cette expulsion. Mais vous devez savoir que ce recours n’est pas suspensif ».
— « Concrètement, tu veux dire quoi, avec ça ? » demanda Karel, l’entraîneur de foot de Steve, qui avait le tutoiement facile des vieux wallons et des Marolliens. Comme tout le monde, il était un peu perdu devant certaines formulations juridiques d’Olivier. Mais lui, avec sa grande gueule graissée à l’accent bruxellois, n’avait jamais hésité à l’ouvrir pour contester un penalty ou poser une question !
— « Concrètement, cela signifie que Cynthia, Princess et Steve peuvent être expulsés de Belgique d’un moment à l’autre. Demain matin, peut-être. ».
Dans le silence qui suivit cette déclaration, la sonnette de l’entrée les fit tous sursauter. Fly-tox s’étrangla en aboiements frénétiques. Pendant quelques secondes, chacun imagina une fourgonnette blindée devant la maison, quatre gendarmes devant la porte — et l’aéroport de Zaventem pour seule destination.
Mais ce n’était que Jeepé, essoufflé d’avoir couru, accompagné par deux élèves de sa classe.
— « Quel crétin, ce Delith ! » grommela Jeepé à l’oreille de Mousse et d’Anna. Puis il se tu, car Mamée venait de se lever :
— « Nous ne pouvons pas laisser Princess et Cynthia seules face à l’Office des Etrangers. Ce chemin-là ne mènera qu’à l’aéroport. Nous devons amener le débat sur notre propre terrain, là où nous pourrons montrer notre force et notre solidarité. Nous devons mobiliser l’opinion publique. Alerter la presse et les médias. Il faut court-circuiter la procédure officielle et interpeller directement le Ministre de l’Intérieur sur cette expulsion. Et c’est urgent ! ».
En quelques mots, le Général Mamée Django venait de proposer un objectif et une stratégie d’action. On sentit un certain soulagement dans l’assemblée. C’était difficile, certes, mais on allait enfin pouvoir se battre !
Seul Maître Olivier émit une sérieuse réserve :
— « Je vous ferais observer que c’est une arme à double tranchant. Si l’affaire Mbanga est très médiatisée, cela peut se retourner contre Princess et Cynthia. Le Ministre de l’Intérieur est un libéral flamand, et les étrangers n’ont pas que des amis dans ce pays. S’il choisit de flatter la partie xénophobe de son électorat, notre action peut tout aussi bien plomber le dossier plutôt que le faciliter. Le ministre y gagnerait, à peu de frais, une réputation de « fermeté ». Il vaut parfois mieux négocier une affaire de façon plus discrète ».
C’était peut-être vrai. Mais son objection le replaçait, aussi, au centre d’un processus judiciaire qui, sinon, lui échapperait largement.
— « Je comprends l’argument », répondit Papa. « Mais avons-nous encore vraiment le choix ? Cela fait deux ans que tu t’occupes de discrètement ce dossier. Et aujourd’hui, Steve, Princess et Cynthia sont en prison. Tu disais toi-même que le dossier est techniquement difficile à défendre. Je crois que si on laisse la procédure suivre son cours, ce sera l’expulsion assurée. Alors, qu’avons-nous à perdre ? ».
— « Ce n’est pas en fermant sa gueule que l’on se fera entendre ! », résuma Mousse, qui ruminait la formule depuis quelques minutes. Elle eut moins de succès que d’habitude. Tout le monde était plongé dans ses pensées.
Maître Olivier digéra l’objection et fut très « classe » dans la défaite.
— « Je me range à vos arguments », dit-il, finalement, de sa belle voix grave. « Quelles sont vos propositions concrètes ? ».
Marina, du Collectif contre les Expulsions, proposa une distribution de tracts aux passagers de l’avion, le jour de d’expulsion. Et une « chaîne téléphonique », pour pouvoir se mobiliser en cas d’urgence.
— « Nous avons déjà empêché plusieurs expulsions comme ça à Zaventem. Si les passagers protestent, si les expulsés résistent pacifiquement, le commandant de bord peut refuser l’embarquement — s’il estime que la sécurité du vol n’est pas garantie ».
Papa n’était pas du tout convaincu :
— « Ces techniques de résistance civile sont peut-être efficaces pour empêcher des expulsions d’adultes. Mais il y a toujours un risque de violences. Nous parlons ici d’une mère accompagnée de ses enfants. ».
— « De toute façon, cela ne fait que déplacer le problème », estima Maître Olivier. « Si on ne traite pas le dossier de fond, il y aura d’autres tentatives d’expulsion ensuite, et nous risquons d’y épuiser nos forces. En plus, si Cynthia résiste, ils la menaceront de la séparer de ses enfants ».
— « C’est dégueulasse ! » commenta sobrement Jeepé.
On conserva toutefois l’idée du tract et de la « chaîne téléphonique ».
Mamée proposa de rédiger un communiqué de presse, et John, le délégué FGTB de l’Hôpital, fit part de son expérience :
— « C’est une bonne idée. Mais un communiqué tout seul, cela ne sert à rien. Ils en reçoivent vingt par jour. Ca va directement à la poubelle. Il faut une action spectaculaire pour l’accompagner. Sans cela, pas d’images ; et sans images, pas de télévision ! ».
— « Une manifestation ! » s’exclama Carole.
— « Sur le Parvis de St Gilles ! » enchaîna Marina, toujours prête à en découdre.
— « Si vous êtes sûrs de rassembler du monde », objecta Maître Olivier, toujours soucieux de pondérer son petit monde.
— « Pour ça, pas de problème ! » lança Mousse, toujours optimiste.
— « Tu peux compter sur moi », assura Karel. « Je préviendrai les parents et les supporters ! ».
Il s’autorisa même une plaisanterie idiote :
— « On a besoin de notre avant gauche, nous ! Pour une fois qu’on tient un soulier d’Or ! ». Il recueillit quelques sourires polis.
— « Au Parvis, il y a le marché. Pourquoi pas devant l’école ? » proposa Mamée. « Cela me semble symboliquement fort. Après tout, ce sont d’abord des enfants qu’on arrache à leur école et à leurs amis ! ».
C’est Jeepé qui eut l’idée du cadenas :
— « Si on cadenassait les deux grilles d’entrée avec des chaînes de vélo et de moto ? Puisque l’école est fermée pour Princess et Steve, qu’elle le soit pour tout le monde ! »
— « Il faut que l’action reste symbolique », objecta Papa.
— « Symbolique, mais efficace ! » protesta Carole.
— « Si vous êtes prêts à assumer une heure de grève, par solidarité, pourquoi pas ? » admit Maître Olivier.
— « Comme ça au moins, on en parlera ! » s’enthousiasma Mousse.
— « Mais il faut que les élèves qui veulent assister au cours puissent le faire », insista un parent, que cette action d’éclat effrayait un peu.
— «On laissera la porte des profs ouverte », concéda Anna. « Ceux qui voudront entrer dans l’école pourront le faire. On n’obligera personne à ne pas aller au cours. Mais je suis sûr que beaucoup d’élèves voudront concrètement soutenir Princess ! ».
— « Et le Django Band jouera un morceau devant les grilles cadenassées », ajouta Carole, qui imaginait déjà les images au JT. « Avec un bâillon sur la bouche et un calicot : rendez-nous notre chanteuse ! ».
— « N’oubliez quand même pas Cynthia dans l’affaire » objecta John. « Moi, je viendrai avec une délégation de l’hôpital. Quand je pense qu’il reste six postes d’infirmières à pourvoir, et que la direction ne voulait pas l’engager ! ».
— « Ne pouvait pas l’engager », corrigea Papa. « Parce qu’elle n’avait pas de permis de séjour. »
Puis il leur fallut encore trois quarts d’heures pour se distribuer les tâches. Il y avait du pain sur la planche !
Anna doucha un peu leur enthousiasme :
— « Et en attendant, qu’est-ce qu’on fait concrètement pour Cynthia, Steve et Princess ? Ils ont certainement besoin d’un tas de choses ».
— « Je vais essayer d’obtenir un droit de visite pour ce samedi » répondit Maître Olivier. « Pour deux personnes. Cela me semble un maximum ».
Jeepé voulut se proposer, mais Anna et son père l’avaient déjà devancé. Anna, cela allait de soi. Et il fallait quelqu’un pour conduire la voiture. De toute façon, ce week-end, Jeepé était coincé avec sa dissertation.
A 23 heures, tout le monde rentra chez lui.
Il restait cinq jours pour sortir Princess de prison.

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