UNE MARMITE NORVÉGIENNE “À LA BELGE”?

La “Marmite norvégienne” n’est pas une marmite et n’est pas norvégienne, ce qui me la rend tout de suite sympathique. Un peu comme les french fries ne sont ni vraiment françaises ni vraiment frites (hahaha : B.B.B. – bête blague belge).
La “marmite norvégienne” est un mode de cuisson lente, à l’étouffée, à l’intérieur d’un récipient thermiquement isolé.
Une sorte de grande bouteille Thermos, qui tiendrait non seulement les aliments au chaud, mais continuerait à lentement les cuire.
On peut de cette façon cuisiner de nombreux aliments, à commencer par les soupes, les légumes, le riz, les viandes et les plats mijotés, en consommant au final deux fois moins d’énergie.
Au moment où nos factures de gaz et d’électricité explosent, vous comprenez évidemment tout de suite l’intérêt de la chose… et sa soudaine “actualité” !

Une cuisson “à l’étouffée” présente dans de nombreuses cultures

On trouve des “marmites norvégiennes” dans le commerce, à des prix parfois un peu prohibitifs.
Mais comme le principe de fabrication en est relativement simple, le must est d’en bricoler une soi-même à la maison.
Heureuse crise de l’énergie, qui nous permet ainsi de célébrer les vertus de l’inertie thermique et de l’ingéniosité de nos ancêtres !
Car ce mode de cuisson lente, “à l’étouffée”, existe traditionnellement dans de nombreux pays et de nombreuses cultures.
C’est par exemple le principe du “four polynésien” : on creuse un trou dans la terre, on couvre le fond de pierres plates, on y allume un feu, et sur les braises encore rougeoyantes, on place les légumes, la viande ou le poisson entourés de feuilles de bananier, avant de recouvrir le tout de terre.
La “marmite norvégienne” reproduit le même processus, mais avec des matériaux “modernes”. Comment en concevoir une vous-même ?
Il vous faut d’abord une casserole avec couvercle, dans un matériau disposant d’une certaine inertie thermique – par exemple, une bonne vieille cocotte en fonte.
Vous y mettez vos aliments, puis vous amorcerez la cuisson sur le gaz ou sur votre plaque électrique en le chauffant entre 10 et 25 minutes, selon le plat cuisiné.
Vous placez ensuite cette casserole bouillante dans votre “caisson thermos”, aka votre “marmite norvégienne”, pour y terminer lentement votre cuisson à basse température (pendant une demi-heure à une heure trente, selon les aliments). En principe, “à la sortie”, les aliments seront encore à 70 degrés.

Une “vraie” marmite norvégienne (Photo Musée de Bretagne)

Pour bien isoler votre “caisson”, vous devez tenir compte des trois modes de propagation (ou de perdition) de la chaleur : par contact (conduction), par transmission de l’air (convection) et par rayonnement thermique.
Vous aurez ainsi d’abord besoin d’un grand contenant dans un matériau isolant : un coffre en bois avec couvercle, une caisse en carton (avec une caisse plus petite à l’envers comme couvercle), une caisse en frigolit avec un couvercle, une vieille frigobox (ce qui isole du froid isole aussi du chaud), un couffin en tissus, ou même un panier à chat ou un grand sac bricolé dans un vieux sac de couchage.
Doublez ensuite, si possible, l’isolation de la caisse ou du panier avec un second isolant (par exemple : bois + liège).
Pour contrer la perte de chaleur par rayonnement, ajoutez-y une couverture de survie ou un pare-soleil de voiture (la partie argentée vers l’intérieur) que vous découperez à mesure et collerez sur toutes les parois internes de votre caisson (dont l’intérieur doit au final être juste un peu plus grand que votre casserole initiale).
Placez-y à présent votre cocotte sur un sous-plat en liège ou en bois.
Remplissez ensuite les espaces restés vides avec un quelconque matériau isolant (laine, chaussettes célibataires, vieux t-shirts, etc…).
Il ne vous reste plus qu’à refermer le tout… et à attendre !

Un modèle “commercial” en forme de sac 

Le seul défaut de ce bazar, c’est que cela prendra probablement beaucoup de place dans votre cuisine, et qu’une vieille caisse en carton n’est pas vraiment très esthétique (même si j’ai vu des “marmites” très décoratives en tissus colorés).
On peut donc simplifier l’opération en emballant votre cocotte, sur un sous-plat en liège, dans une simple couverture de survie (1), puis dans une vieille couverture, ou même une vieille veste d’hiver dont vous aurez préalablement scellé ou cousu la base (et fait un gros nœud dans les manches pour refermer le tout).
C’est plus “bricolo”, mais ça marche aussi, et c’est plus facile à ranger ensuite dans un placard.
Voilà, voilà.
Tout le reste, temps de cuisson et temps de pré cuisson, relève des qualités thermiques de votre propre boîte “maison”, et demandera donc un peu d’expérimentation.
Vous trouverez toutefois sur internet de nombreux modèles de construction de “marmites norvégiennes”, avec quelques recettes “de base” et des temps de cuisson approximatifs (2).

Maintenant, si vous voulez faire des économies d’énergie sans vous encombrer de tout ce tralala, une bonne vieille casserole à pression fera également l’affaire.
Mais cela n’aura pas le charme poétique et exotique de ces pionniers des temps modernes qui sauvent la planète (et leurs factures) en redécouvrant un peu plus chaque jour l’ingéniosité de nos ancêtres.
Un type de cuisine qui est donc particulièrement résilient (3) et déconstruit (4), ce qui me permet, du coup, de cocher trois cases en une seule phrase au Grand Lotto Impromptu des tics de langage de 2022.

Claude Semal le 5 janvier 2023

(1) Par précaution, préférez une couverture de survie qui supporte les 200 degrés.
(2) Par exemple ici : https://reporterre.net/La-marmite-norvegienne-la-cuisson-ecolo-qui-ringardise-le-Thermomix et là : http://www.marmite-norvegienne.com/
(3) https://fr.wiktionary.org/wiki/résilient
(4) dont le comportement s’est affranchi du formatage du patriarcat (définition personnelle).

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