Bernard Crutzen CECI N’EST PAS UNE INTERVIEW (MAIS UN DÉBAT)

Il y a un mois, j’avais eu l’idée de faire une interview croisée de Bernard Crutzen et de Alain de Halleux, les deux réalisateurs belges qui avaient récemment sorti un documentaire sur le coronavirus. Finalement, le projet n’a pas abouti, mais il m’a au moins donné l’occasion de rencontrer Bernard.
Le moins de l’on puisse dire, c’est que son film, « Ceci n’est pas un complot », avait été reçu de façon contrastée.
Un grand quotidien du soir, qui lui avait reproché son manque « d’objectivité », avait même consacré quatre grandes pages entières à le démolir (sans concéder bien entendu un seul paragraphe à « la défense »). Le journalisme est un art subtil et distingué.
J’avais pour ma part écrit ici (1) et là (2) le bien que je pensais de ce documentaire, tout en exprimant certaines réserves.
On le sait, sur le coronavirus, les vaccins et les mesures sanitaires, les positions sont souvent très clivées. Votre interlocuteur vous assigne souvent une place, un camp, et vous êtes prié de vous y maintenir.
Si on vous colle l’étiquette infamante de « complotiste », comme cela fut le cas pour Bernard, cela clôt généralement la discussion.
Comme le mot « populisme » dans le champ lexical politique, le « complotisme » est ainsi une baguette magique qui transforme tout opposant à la politique gouvernementale en illuminé trumpiste décérébré.
A l’inverse, pour avoir évoqué cette semaine dans « l’Asympto » la réussite de la campagne de vaccination dans les Maisons de Retraites (3), j’ai moi-même aussitôt été traité de suppôt de Big Pharma et d’Israël (?!).
Le variant belge du Facebookisme est une psychopathologie courante.
Or cette hystérisation du « débat » sur les réseaux sociaux est profondément toxique et m’emmerde à tous les étages.
Je pense en effet que 98% des gens aspirent aujourd’hui fondamentalement à la même chose : vivre, à la fois, en liberté et en bonne santé. Or si nous avons le même objectif, nous sommes en fait dans le même « camp », et il n’y a aucune raison de nous insulter.
Il faut « juste » comprendre et appréhender le moment inouï que nous traversons ensemble, ce qui est difficile, et trouver la façon de nous rassembler autour d’objectifs communs, ce qui l’est encore plus.
Comme vous le verrez, l’interview de Bernard Crutzen a vite tourné au débat. Personnellement, j’ai trouvé cela passionnant. Vous en jugerez par vous-mêmes.
Pour ceux que le sujet intéresse, je vous aussi invite à (re)lire dans l’Asympto la carte blanche de Patricia Ide et Michel Bogen, les co-directrices du Théâtre Le Public (4), qui évoque parallèlement l’émergence de ce « capitalisme numérique » (5).
En fin d’interview, vous trouverez également un lien vers « Malaria Business », le précédent documentaire de Bernard Crutzen.

Claude Semal, le jour du printemps 2021.

(1)  “CECI N’EST PAS UN COMPLOT” MAIS UN (BON) DOCUMENTAIRE
(2) Le débunkage du docteur Manu Berquin: CECI N’EST PAS UN DÉBAT
(3) Enfin une bonne nouvelle : LES VACCINS, CA MARCHE !
(4) Excuse-moi, Michel, mais il n’y a pas de raison que le masculin l’importe à tous les coups.
(5)  Au nom du bien-être, il faut ouvrir les lieux de débats

Ceci n’est pas une interview (mais un débat).

Claude : La réception de ton documentaire a-t-elle correspondu à ton attente ?

Bernard : Avec ma petite équipe, mon fils et un copain qui m’aidait, on avait parié qu’on ferait 50.000 vues le premier week-end. On en a récolté 300.000. Et puis cela a gonflé jusqu’à un million deux-cent mille, dont plus de la moitié en France. Vu le succès du financement participatif en Belgique, j’espérais une assez forte diffusion chez nous. Mais à cela, je ne m’y attendais pas du tout. J’avais le sentiment d’avoir fait un film belgo-belge, qui ne passerait pas la frontière linguistique. Mais les gens m’ont écrit : « C’est comme chez nous !». On a eu des réactions de France, de Suisse, du Canada. Nous avons reçu des demandes pour traduire le film en italien, espagnol, malgache, russe et estonien ! Les sous-titres néerlandais, anglais, portugais ont été réalisés par des gens qui se sont proposés spontanément.

Claude : C’est, je crois, le plus gros montant collecté sur KissKissBankBank ?

Bernard : En Belgique, oui. Ceux qui s’attendaient à un « Hold-Up » à la belge ont peut-être été un peu déçus, en trouvant que « je n’allais pas assez loin ». Mais les plus gros contributeurs étaient ravis. Je crois que ce qui a fait le succès public du film, c’est d’avoir déconstruit le « discours officiel » sur l’épidémie, sans pour autant reprendre à mon compte certaines thèses « complotistes ». Par ailleurs, mon film a été attaqué pour des erreurs de détail (et il en contient), mais rarement sur le fond. Il y a par exemple un type qui a fait tout un article pour dire que j’étais probablement d’extrême-droite, parce qu’en montrant une manif au parlement italien, je n’avais filmé « que le côté droit ».
Purée ! J’ai deux enfants blacks. On va où, là ?
Et mon film se termine aussi sur la manif « Santé en Lutte », qui était franchement « de gauche ».

Claude : Tu es un grand voyageur. Est-ce que réaliser un film sous confinement a influencé son contenu ?

Bernard : Moi, pour ce film-là, je n’ai pas voyagé du tout. J’ai passé des nuits sur mon ordi, à regarder ce qui se disait sur le sujet. C’est la première fois que je fais un film avec si peu de « forme ». La moitié du film, ce sont des « screenshots » (ndlr :  “captures d’écran”). D’accord, ce n’est pas très sexy. Par ailleurs, j’ai fait 26 interviews en Belgique, dont je n’ai pu garder que la moitié. J’ai tourné trop tôt, au mois de juillet, quand on pensait que l’épidémie était terminée. Et au moment de la deuxième vague, en novembre, beaucoup d’interviews étaient obsolètes.

Claude : Je voudrais revenir sur ton film précédent, « Malaria Business », sur la culture de l’artemisia en Afrique. Dans le « strorytelling », j’y retrouve en gros la trame narrative de « Ceci n’est pas un Complot ». Il y a déjà Bill Gates, l’OMS et les firmes pharmaceutiques, dans le rôle des « méchants », et des médecins « alternatifs » dans le rôle des « gentils ». Avec, c’est curieux, la chloroquine qui change de camp entre les deux films. Dans « Malaria », c’est la « came » de l’industrie pharmaceutique, alors que dans « le Complot », elle devient la baguette magique des « alternatifs ». L’artemisia, c’est une plante médicinale, un booster d’immunité, que l’on trouve de la Chine à l’Afrique du Sud. Une « mauvaise herbe », en fait, et qui fait vivre tout un réseau de petits producteurs. Les « héros » de ton docu « Malaria Business», ce sont donc cette plante et les gens que tu as rencontrés là-bas, avec toute l’humanité qu’ils incarnent, alors que dans le « Complot », ton interlocuteur principal, c’est ton ordinateur et le Net, où les sites « complotistes » sont très présents. Est-ce que cette façon de travailler n’a pas influencé le contenu de ton travail, et en retour, la façon dont il a été reçu ?

Bernard : Moi j’ai travaillé exactement de la même manière, avec la même honnêteté, la même loyauté vis-à-vis des gens que j’interviewais. Pour moi, ce qui fait la différence, c’est que j’ai attaqué les médias.
Et ça, c’est risqué. Si tu attaques les médias, les médias t’attaquent. Je pense que le « mauvais » accueil de la presse vient surtout de là. Tout le monde avait encensé « Malaria Business » : prix de la presse, de la critique, de « reporters sans frontière ». C’est un film qui avait cartonné. Or « Ceci n’est pas un Complot » a été flingué pratiquement par les mêmes personnes, notamment à la RTBF.
Par ailleurs, j’ai été interviewé par la RTBF, dans le cadre du COVID, pour parler de l’artemisia, puisque je connaissais bien la question. Ils n’en ont rien gardé au montage.
Peut-être parce qu’à un moment je dis : « Je suis surpris que l’Europe dépense sept milliards et demi d’euros pour le développement des vaccins, et zéro euro pour étudier les éventuelles propriétés antivirales de l’artémisia ». Il y a pourtant deux labos qui travaillent déjà sur cette plante en Europe. Je ne m’explique pas cette indifférence vis-à-vis des possibles traitements alternatifs. En tous cas cette réflexion n’est pas dans le sujet diffusé par la RTBF. Donc quand on me reproche d’avoir coupé des interlocuteurs au montage, ça me fait un peu sourire…
Dès le 11 janvier 2020, au tout début de l’épidémie, on avait décrété que le vaccin sera la solution. Toutes les pistes thérapeutiques ont donc été au minimum disqualifiées, et parfois directement attaquées.
Je ne parle même plus de la chloroquine, qui a suscité beaucoup de polémiques. Mais d’autres «vieux» médicaments «repositionnés», dont on connaissait donc bien les effets secondaires, comme la colchicine. Il y a deux mois, Yves Van Laethem lui-même a dit que c’était «le plus grand pas qu’on avait fait dans le traitement du COVID». Un article dans les journaux, et puis pffft, plus rien, vaccins, vaccins et vaccins. Ce matin encore, j’ai lu sur le site de RTL-info, un article qui annonce que « l’Ordre des médecins a ouvert la chasse aux médecins anti-vaccins », en les menaçant de plusieurs mois de suspension ! On arrive à des trucs de fous.
Où est la liberté des médecins, là-dedans ? Où est la liberté des patients ? On arrive à une véritable dictature de la pensée, là, il n’y a pas d’autres mots. Dire à des gens qui ont fait sept ans d’études de médecine : « Vous ne pouvez plus penser par vous-mêmes, vous devez obéir », ça me rend dingue.

Claude : La presse a dit que certains de tes intervenants avaient pris leur distance par rapport au film, en disant que tu avais déformé leur propos ?

Bernard : En fait, sur douze intervenants, deux ont réagi : Marius Gilbert a pris ses distances par rapport au message final, qui est un peu révolutionnaire. Vu qu’il a été porte-parole du gouvernement, c’est assez logique. La seule qui a affirmé s’être vraiment sentie « flouée », c’est l’anthropologue Jacinthe Mazzocchetti, de l’UCL.
Mettez-vous à sa place : elle découvre dans les médias qu’elle a participé à un film qualifié de « complotiste », alors que c’est justement ce qu’elle combat ! Sur l’intention du film, le courriel que je lui avais adressé était je pense sans équivoque. Je suis un peu déçu parce qu’elle est sans doute la personne qui m’a le plus appris. Son interview est lumineuse, et la caméra adore les gens qui parlent avec les mains. Le propos de Mme Mazzocchetti empêche justement le téléspectateur d’adhérer à la pensée conspirationniste. Ce n’est pas parce que je dénonce des conflits d’intérêt ou cite Bill Gates que je cautionne les théories du complot. Mais pour les médias « mainstream », qui ont reproduit le post Facebook de Mme Mazzocchetti, c’est évidemment du pain béni ! Cela permet de décrédibiliser toute la démarche du film.

Claude : Autour du COVID, il y a un tel état de clivage, de fracture dans la société, qu’on se retrouve vite catalogué dans l’un ou l’autre camp. Il y a des mots magiques, des mots de passe, qu’il faut dire ou ne pas dire. Si tu dis « reset », paf ! Tu es complotiste. Tu es favorable au principe de vaccination ? Paf ! Tu es une marionnette du gouvernement. Il est vraiment nécessaire de prendre un peu de recul et de ne pas nous conformer à toutes les catégories qu’on nous assigne.
Bien avant le virus, l’Europe nous avait imposé le corset budgétaire des 3% de déficit et la privatisation des services publics (ce qui a par ailleurs fortement impacté les services de santé). Cela impliquait de fortes mesures d’austérité. Comme les gouvernements avaient rarement la base politique et sociale pour pouvoir le faire, ils ont tenté de faire passer ces mesures en force (comme le 49-3 en France), en utilisant la police en service après-vente (comme la répression du mouvement des gilets jaunes, 32 éborgnés dans les manifs, quand même !).
Puis, après les attentats islamistes, sont venues les mesures anti-terroristes. L’état de droit a été « aménagé », et on a mis l’armée dans la rue. Aujourd’hui, tu ajoutes à cela le COVID, le couvre-feu et l’instauration d’un état d’urgence sanitaire.
C’est la nature même du régime qui est peut-être en train de changer !
Personnellement, je crois à la réalité de cette maladie, et à la nécessité de la combattre. Mais pour cela, il faut je crois élargir et renouveler la démocratie, et non la restreindre et la limiter. Bon, tu remarques que j’en ai profité pour m’interviewer moi-même.

(rires)

Bernard : Je te rejoins à 100%, et même un peu plus. Je ne conteste pas la crise sanitaire – les complotistes vont jusqu’à dire que le virus a été fabriqué pour ça – mais je pense que le virus est utilisé par un certain nombre de forces pour mettre en œuvre leur agenda.
Comme par exemple :
– le développement du télétravail ;
– l’intelligence artificielle qui remplace le travail des hommes (on prépare même des « boitiers électroniques médicaux » que tu pourras utiliser chez toi pour « soigner » les maladies bénignes) ;
– la disparition de la monnaie (« les billets transportent les virus »).
La question est : qui pilote le système ? Et pour le mener où ?
On m’a parfois objecté : « Vous racontez n’importe quoi. Big Pharma s’est engraissé, d’accord mais d’autres secteurs économiques, comme l’Horeca, le tourisme ou l’aviation, ont complètement plongé. Quel serait l’intérêt du capitalisme de s’infliger une telle crise ? ». Je ne suis pas assez intelligent pour comprendre ça, mais je pense que le système va profiter de la crise sanitaire pour devenir encore plus fou, encore plus puissant, encore plus destructeur. Nous avions été nombreux à penser au début de la crise sanitaire : « On ne va pas reconstruire le même monde après le virus, il sera meilleur ».
Or maintenant, je crois que, sauf révolution, il sera pire. J’ai prévenu ma copine… Elle pensait que, maintenant que le film était terminé, j’allais enfin me reposer…
(rires)… J’ai dis,non, ça ne fait que commencer ! Je crois qu’on va vers des conflits beaucoup plus durs, et que l’année 2021 sera probablement violente.

Claude : Je m’inquiète aussi des conséquences sociales de cette pandémie. Quand la Belgique avait un trou de 800 millions dans le budget, c’était le drame. Là, on en est déjà à 32 milliards.

Bernard : Et personne ne semble s’en inquiéter…

Claude : Car qui devra payer ? On le sait : les pauvres et les classes moyennes. Et le pouvoir ne pourra l’imposer que par la force.

Bernard : J’ai un copain qui travaille dans l’armement en Suisse. Il m’a dit que la France avait passé la plus grosse commande de matériel de répression de son histoire. La plus grosse !

Claude : Au niveau macro économique, on est peut-être en train de changer d’ère. On a eu le capitalisme industriel, basé sur l’exploitation des matières premières et la fabrication et l’échange de marchandises.
Puis le capitalisme financier, qui s’est développé au départ du système bancaire et boursier, avec une bulle spéculative qui est aujourd’hui cinquante fois supérieure à l’économie réelle. Une bonne partie du personnel politique, comme Macron en France et Draghi en Italie, vient de ce milieu-là. Aujourd’hui, on est entré dans l’ère du capitalisme numérique, avec un contrôle social accru. Le centre de gravité des activités humaines est en train de se déplacer devant les écrans. Ceux qui sortent renforcés de cette crise, ce sont les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), dont les bénéfices ont augmenté de 40% en 2020. Ce sont eux qui imposent leur agenda : les ordinateurs, le télétravail, les banques de données, les caméras de surveillance, le « tracing »,…
On ne s’en rend pas encore vraiment compte, comme un bébé est incapable de commenter sa propre naissance, mais c’est vraiment un changement de paradigme.

Bernard : C’est la quatrième révolution industrielle. Les traducteurs ont du soucis à se faire : les logiciels de traduction sont de plus en plus performants. Partout, les humains sont remplacés par de l’intelligence artificielle. Même des professions prestigieuses comme les médecins sont menacées ! Je pense aussi que « l’allocation universelle » participe à cela. Comme les gens n’auront plus de travail, il faudra bien leur filer un peu de blé pour consommer.

Claude : C’est en tout cas une « réponse » possible du capitalisme à l’épuisement des ressources de la planète, parce que le traitement des données et l’information, comme la culture et les jeux vidéo, peuvent en principe croître indéfiniment.

Bernard : Il faut vraiment lire et regarder les interviews de Klaus Schwab, le fondateur du Forum économique de Davos (1). C’est lui qui veut implanter des « puces » électroniques dans le cerveau humain, et il a une puissance de feu terrible. Il est écouté par toutes les grandes entreprises, tous les gouvernements. On dit que c’est un truc complotiste, parce que c’était dans « Hold-Up ». Mais fais des recherches là-dessus, tu verras bien par toi-même. Il y a aussi une étude complète de McKinsey et une petite vidéo de trente secondes qui s’appellent « la nouvelle normalité » (2). Tu vas tomber sur le cul. Tout le monde est masqué, on commande au restaurant par la fenêtre, c’est le nouveau monde comme ils le rêvent.

Claude : Je partage ton pessimisme, mais je crois aussi à la force de la révolte et de la solidarité contre ce nouveau monde-là. C’est un vieux principe en physique et en politique : action / réaction. Chaque chose produit son contraire. Si on opprime les gens, ils se révolteront. Il y a déjà, ici et là, aujourd’hui, des mouvements de révolte spontanés, parce qu’on nous prive de nos besoins sociaux fondamentaux. Mais le problème, c’est comment rassembler ces révoltes ? Et vers quoi la diriger ? Pour moi, qui ai une vieille formation marxiste, il faut placer le curseur entre « le peuple » et « le pouvoir ». Pendant le premier confinement, il s’était passé un truc formidable. La société s’est remise sur ses pieds. On s’est soudain rendu compte que les « indispensables », les « utiles », c’était le prof et l’infirmière, l’éboueur et la caissière, le pompier et la médecin. Tous ceux qu’on applaudissait tous les soirs. Les traiders, les banquiers, les spéculateurs, on pouvait s’en passer. On se retrouvait tous et toutes ensemble du même côté de la barrière. Aujourd’hui, il ne faut pas installer des clivages artificiels entre nous. Par exemple, pour moi, le clivage masque / anti-masque est complètement idiot. Si tu mets l’accent sur « les masques », ou « la vaccination », tu crées des clivages « pour » ou « contre » à l’intérieur même du peuple, ou entre « les jeune » et « le personnel médical », et tu nous divises.

Bernard : Pour moi, c’est intentionnel. Le pouvoir nous divise avec des trucs comme « partir en vacances ».

Claude : il n’y a pas que le pouvoir. Tu sais bien qu’on a des copains qui poussent ces clivages-là aussi.

Bernard : C’est peut-être une question de génération. On a la soixantaine. Ce sont des « vieux » comme nous qui bougons, parce qu’on sait ce qu’on est en train de perdre. Ils sont où, les jeunes ? La plupart sont lobotomisés devant leur écran, et ils ont le sentiment que s’ils postent un truc sur Facebook, ils ont fait la révolution. Tant que les gens auront du pain et des jeux, The Voice et les allocations, ils ne se révolteront pas vraiment. J’ai des fils de trente ans… même pas un graffiti sur un mur ! Je crois que la plupart des jeunes ne sont pas dans une démarche réellement «contestataire», mais dans une démarche « on veut faire la fête ». Pas pour remettre le système en question, mais pour refaire les 24 heures de Louvain-la-Neuve (rires) (3).
Je pense qu’il manque aussi «un », «une» ou «des » leaders qui incarneraient cette lutte contre la dictature sanitaire.
Greta, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, elle est la figure de proue du combat contre le réchauffement climatique. Eh ! bien, aujourd’hui, nous avons besoin d’une parole qui incarne cette résistance (… et de préférence, une jeune flamande, car c’est là que cela se passe).

(rires)

Et puis, il y a un autre grand absent, ce sont les syndicats. A part la manif des travailleurs de La Santé en Lutte, rien, peanuts, juste des demandes de masques et de gel. Mais leur vrai ennemi, ce n’est pas le virus, ce sont ceux qui influencent les patrons. Or ce sont les syndicats qui savent organiser une manif, mobiliser les gens. S’ils ne sont pas là dans ce combat, cela n’ira pas non plus. Donc, il faut les jeunes, les syndicats et un leadership. Bon, on n’y est pas encore, hein ?

Claude : Pour que la démocratie fonctionne, on a aussi besoin de lieux de débats. Le Parlement, bien sûr, mais aussi les théâtres, les cafés, les cantines, les lieux où l’on peut se rencontrer et où discuter. L’Horeca, la culture, les associations.

Bernard : Et les Campus universitaires. C’est là qu’on refaisait le monde, en picolant un peu, mais bon… Tout ça, aujourd’hui, c’est mort. A la fin de mon film, je dis cette phrase : « Il va falloir la reconquérir, la liberté ! ». Tu passes cela dans une salle decinoche surchauffée, à la fin, c’est la Muette de Portici, les gens réfléchissent à descendre dans la rue pour faire la révolution ! Non, je blague. Mais si tu passes ça dans un Festival, ça va chauffer ! Or ils ne veulent pas que cela chauffe. Pour moi, ces mesures ne sont plus sanitaires, elles sont sécuritaires. Le couvre-feu, ce n’est pas pour arrêter le virus : c’est pour empêcher les gens de se réunir.

Claude : Tu as un passé politique, toi ?

Bernard : Pas du tout. Bon, quand l’IHECS a voulu déménager de Tournai à Mons, on s’y est opposé, on a fait des grèves, on a même séquestré le directeur dans son bureau, mais à part cette expérience là, rien.

Claude : Aucune grille idéologique ?

Bernard : Rien. Je suis juste terriblement révolté parce que je sais ce qu’on perd. A dix-neuf ans, j’avais fait le tour du monde. Aujourd’hui, mes gosses ne peuvent même plus aller en France. Là, il y a une urgence, la « loi pandémie » est en train d’être votée. Si cela passe, moi, je prends le maquis (rire)

Claude : C’est quoi, tes projets, pour la suite ? A part faire la révolution ?

(rires)

Bernard : Hier, j’ai commencé à tourner un docu sur les oiseaux sauvages en ville. Un sujet reposant, sans prise de tête. Bon, pour le co-financement par la RTBF, ça va être dur (rires). Mais on me pousse aussi dans le dos pour faire une suite à « Ceci n’est pas… ». Je rêve d’interviewer Klaus Schwab ?

(1) « COVID-19, Le Grand Reset » par Klaus Schwab et Thierry Malleret (respectivement fondateur et directeur du Forum de Davos).
(2) Voici comment le patronat résume la chose (les références de l’étude sont à la fin de l’article) : https://www.cadre-dirigeant-magazine.com/manager/nouvelle-normalite-post-pandemique-comment-se-preparer-en-2021/
(3) Je crois que les jeunes sont surtout écrasés et déprimés par la situation d’enfermement à laquelle on les condamne. Après, comme à tous les âges, il y a ceux qui s’en foutent, et ceux qui résistent.

“Malaria Business”, un documentaire de Bernard Crutzen

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