TOUSTES ASYMPTOMATIQUES !

Avec un titre comme le nôtre, c’eût été un comble de laisser passer l’info sous les radars.
Depuis le 5 mai 2023, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a “officiellement” annoncé la fin de la pandémie de COVID-19 comme “urgence de santé publique internationale“. Yeah !
Tous les paramètres mondiaux de la maladie sont aujourd’hui à la baisse – en particulier les hospitalisations et les décès. En Belgique, les hospitalisations sont ainsi tombées à 2,2 pour 100.000 habitants (1). C’est la variante Omicron, la moins dangereuse, qui domine partout.
Les campagnes de vaccination se concentrent à présent sur les personnes âgées, particulièrement dans les homes.

Dans la population générale, les résultats de ces campagnes sont pour le moins contrastés.
Ainsi, selon Sciensano (1), chez les plus de 65 ans, les vaccins à ARN messager seraient efficaces à 78,5 % contre les risques d’hospitalisation… pendant les 50 premiers jours. Moins de deux mois !
Ensuite, leur efficacité baisserait spectaculairement.
En France, la HAS (Haute Autorité de la Santé) préconise ainsi désormais “un rappel tous les six mois chez les personnes à risques” (2) et même tous les “trois mois” chez les personnes âgées de plus de 80 ans ou vivant en EPADH.
La même HAS signale “qu’elle n’a trouvé aucune donnée d’efficacité en vie réelle sur les deux derniers vaccins mis sur le marché, à la technologie traditionnelle, ceux de SANOFI et NOVAVAX” (2).
Voilà qui relativise un peu le débat “pour ou contre les vaccins”, qui a saturé à un moment donné tout l’espace public et les réseaux sociaux.
La “vérité scientifique” du jour n’est pas nécessairement celle du lendemain.
Ce qui devrait nous conduire aussi à accueillir avec un peu moins de dogmatisme les avis parfois contradictoires qui se sont régulièrement exprimés à l’intérieur même du monde scientifique.

Pour ma part, je sors de cette séquence COVID avec une certaine gueule de bois – comme on sort d’un mauvais rêve. Et je tire personnellement un bilan assez inquiétant des deux années où nous avons vécu sous le foutu règne du coronavirus – qu’il sorte de l’éprouvette d’un labo chinois, des narines poilues d’une chauve-souris ou du trou du cul renflé (bien qu’écailleux) d’un pangolin dans un roman de Bruno L.M.
D’abord, selon l’OMS, la pandémie aurait fait entre 7 et 15 millions de morts (en gros, 1/1000ème de la population mondiale) (2).
Un chiffre assez spectaculaire en soi, mais qui doit être comparé aux autres causes de mortalité. Sur la même période (deux ans), le tabac a par exemple tué 16 millions de personnes, et la faim dans le monde, 18 millions (3).

La pandémie a également mis en lumière plusieurs carences structurelles de notre système de santé :
1. La diminution du nombre de lits et l’affaiblissement des services hospitaliers, mis à mal par 40 ans de restrictions budgétaires néolibérales, alors même que la population générale est de plus en plus âgée ;
2. La mainmise de l’industrie pharmaceutique privée sur la recherche (pourtant largement financée à cette occasion par les pouvoirs publics), la privatisation subséquente des pharamineux bénéfices de ces vaccins, et l’opacité préalable de l’attribution de ces marchés publics (à ce sujet, la présidente de la Commission Européenne a toujours un joli cadavre dans son placard… N’est-ce pas, Mr Pfizer ?) ;
3. L’imprévoyance des gouvernements et des États (illustrée par exemple en Belgique par le non-renouvellement de notre stock de masques, revendiqué en riant par Maggie De Block, “tout ça c’est drama queen“, avec pour conséquence, pendant plusieurs semaines, la brutale transformation de nos homes en mouroirs).

En outre, toutes les stratégies sanitaires mises en œuvres (pour résumer, confinement général et vaccination massive), ainsi que les priorités sectorielles qui en découlaient, ont été prises par des “Shadow Cabinet” de crise, sans aucun contrôle démocratique réel, avec des conséquences d’une extrême violence pour des pans entiers de la population.
Pour rappel :
1. Fermeture totale des écoles, des cafés, des restaurants et des lieux culturels, mais “open bar” permanent pour les grands magasins ;
2. Dans l’espace public, policiers partout, santé nulle part (remember les autopompes et les charges de cavalerie au Bois de la Cambre face à quelques centaines de jeunes qui pogotent) ;
3. Instauration d’un “Pass sanitaire” vaccinal et obligatoire, à l’utilité médicale très controversée, mais excluant de fait des centaines de milliers de personnes de toute vie sociale ;
4. Licenciement du personnel non-vacciné des homes et des services de santé (alors qu’on les avait préalablement applaudis et même obligés à … aller travailler en étant malades !).
La jeunesse, qui était pourtant en principe la moins concernée par la maladie, a paradoxalement payé un très lourd tribut à ces deux années de confinement.
Elle en garde encore aujourd’hui des stigmates psychiques comparables à ceux d’un traumatisme de guerre.

Mais si cette crise sanitaire a mis en lumière les carences des services de santé et la gestion anti-démocratique des gouvernements, les “opposants” à ces mesures liberticides n’ont pas pour autant su construire une alternative politique et sanitaire crédible :
— parce qu’ils ont souvent relayé, entremêlées à ces critiques fondées, les théories “complotistes” les plus délirantes ;
— parce qu’à côté de gens venus de tous les horizons, ils ont laissé l’extrême-droite noyauter et structurer cette opposition, participant ainsi sensiblement à élargir la zone d’influence des fachos (ce dont on n’a pas fini de payer le prix, notamment en France).
Ce brouet idéologique, avec ses passerelles vers l’extrême-droite, a même aujourd’hui ses relais de presse, comme Kairos en Belgique francophone (4).

Pour ma part, je sors de ces deux années noires toujours plus convaincu de l’incapacité du capitalisme financier à résoudre les grands problèmes de notre temps. Mais aussi, de l’extrême difficulté à lui opposer et à construire des alternatives politiques, économiques et sociales crédibles.
A notre minuscule échelle, c’est je crois l’intérêt d’un lieu de réflexion, de débats et d’expressivité comme Asymptomatique.be , où pendant la pandémie, autour de certaines questions controversées, on a pu lire et entendre des avis aussi différents que ceux de Marius Gilbert, Marc Wathelet ou Bernard Crutzen.
Où on a pu critiquer fermement les QR code et les “Pass sanitaires”, sans pour autant refuser toutes mesures prophylactiques (6).
Et où nous cherchons encore chaque semaine à refonder la démocratie, la gestion des “biens communs” et l’avenir de la planète, sans pour autant renoncer à ces valeurs fondamentales que sont la liberté, la paix, la justice et l’égalité.
J’en profite pour saluer et remercier au passage les lectrices et lecteurs qui, par leurs abonnements réguliers, rendent l’existence de “l’Asympto” possible.
L’avenir reste à inventer.

Claude Semal le 23 mai 2023

(1) Sciensano.be , bilan hebdomadaire consulté le 22/5/2023.
(2) “COVID-19, l’épidémie se normalise, le virus tue encore“, par Caroline Coq-Chordogne, Médiapart, 20 mai 2023.
(3) World Health Organisation, www.who.int
(4) Voir le dossier sur “Les dérives de Kairos” dans le numéro 109 de “Ensemble, pour la solidarité, contre l’exclusion” http://www.asbl-csce.be/journal/Ensemble109.pdf
(5) Site de la HAS, conseils pour les rappels des vaccins, janvier 2023.
(6) Quelques souvenirs de ce parcours :

Irène Kaufer:

UN VACCIN OBLIGATOIRE?

RENDRE LA VIE IMPOSSIBLE AUX NON VACCINÉ·ES?

Claude :

LES TRIBUS NON-VAX, PORTRAIT D’UNE NON-FAMILLE

MARIUS GILBERT : DES PETITES BÊTES AU GRAND MECHANT LOUP (interview)

“Juste un passage au JT” de Marius Gilbert UN VOYAGE EN KAYAK

Bernard Crutzen CECI N’EST PAS UNE INTERVIEW (MAIS UN DÉBAT)

Saint-Pasteur, priez pour nous ! LE Dr MARC WATHELET À FRONT RENVERSÉ

3 Commentaires
  • Guy Leboutte
    Publié à 15:55h, 27 mai

    J’approuve entièrement le commentaire de Christine Pagnoulle.

    Et j’ai ici particulièrement apprécié le dossier sur Kairos cité en note.
    Je connais des contributeurs à ce journal qui ont suivi la même dérive, ce qui est bien triste. C’est à eux que je pensais quand j’ai écrit mon billet de blog du 5 août 2021 (désolé pour cette deuxième mention aujourd’hui de mon site intermittent), “Ceci n’est pas une dictature sanitaire “, qui a été publié par lalibre.be. Un commentateur a proposé de nous déclarer sous “dictature autoroutière”. 🙂
    https://condrozbelge.com/2021/08/05/ceci-nest-pas-une-dictature-sanitaire/

  • Christine Pagnoulle
    Publié à 13:27h, 27 mai

    Bravo pour ce beau bilan, comme pour tout le reste, d’ailleurs ! C’est ce regard lucide et cette ouverture adogmatique qui m’ont immédiatement attirée.

  • Elisabeth FRANKEN
    Publié à 12:59h, 27 mai

    Comme “vieille personne à risques cardio-vasculaires”, je persiste à porter un masque dans les transports en commun, espérant me protéger de la transmission de virus “banals” (grippe, bronchite, et autres fantaisies) compte tenu du manque d’hygiène dans le chef de certain-e-s des “usager-e-s” qui ne pratiquent pas “les gestes-barrières”. Ce qui m’amuse (un peu) c’est de constater qu’une partie des voyageuses/voyageurs me considèrent comme une pestiférée, croyant que c’est moi qui véhicule une maladie!
    Les débats sur l’utilité ou non des vaccins ont encore de beaux jours devant eux. Sans aucune certitude sur leur efficacité, je les ai quand même demandés, compte tenu que les alternatives ne me convainquaient pas du tout. Je connais les limites et dans le temps et face aux nouvelles vagues du virus : les vieilles et les vieux continuent d’être les plus vulnérables. Pourtant, la meilleure certitude de mourir un jour, c’est de naître. Et contre notre naissance, nous ne pouvons rien : d’autres en ont décidé pour nous. Me bagarrant (le plus utilement possible) contre toutes les formes de discrimination, je défends le droit de tou-te-s à vivre malgré le COVID ou autres virus probables. Dans l’immédiat, je ne relirai pas les articles passionnants mentionnés dans vos notes : je les ai sans doute lus “in illo tempore”, j’en ai imprimé certains qui ont rejoint dans une grosse boîte d’archives une documentation aléatoire que je me suis constituée au fil des semaines. Pour l’instant, elle (se) repose. Je la tiens à la disposition de qui serait tenté-e.

    Atteinte par le COVID 19 en plein week-end de la Toussaint 2020, j’ai, en vain, appelé les urgences en pleine nuit : personne n’a bougé. Face au sentiment de mourir, je me suis entendu conseiller de prendre 3 Dafalgan par jour (je ne savais pas si je tiendrais jusqu’au premier d’entre eux). Certaine de ne pas vouloir “repasser par là”, j’ai respecté un confinement strict. Trop strict. Ne sortant quasi pas. Faisant trop peu d’exercice… D’où : opération cardiaque et vasculaire en août 2022 (je recommande l’équipe de cardiologues d’Erasme). Longues semaines de revalidation en kiné sportive (au passage, je recommande l’équipe de la clinique César De Paepe). Je les remercie tou-te-s et aussi les proches qui m’ont soutenue. Vive la vie! (je reproduis ci-dessous la phrase d’Irène Kaufer avec qui j’ai partagé – et continue de partager – tant de luttes :
    “Je veux bien ne plus être là, ne plus participer, si je pouvais seulement, comme une petite souris, continuer à observer le mondheur des morts”)e, suivre la vie de mes proches et quelquefois même leur tendre la main… Ne pas connaître la suite de l’histoire me paraît horriblement frustrant.”.
    Si vous lisez Delphine Horvilleur, rabbine (“vivre avec nos morts”) ou Vinciane Despret,, philosophe (“Au bonheur des morts” – 4ème de couverture : On dit trop rarement à quel point certains morts – certaines mortes – peuvent nous rendre heureux – heureuses) vous partagerez peut-être mon pressentiment : la mort est un de nos passages sur une trajectoire que nous connaissons peu.

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